Chapitre 29

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Quand les portes s’ouvrirent, le silence se fit total et tous les regards se tournèrent vers moi. Je tentais de ralentir mon rythme cardiaque et regardais droit devant moi. Là où se trouvait l’un de mes Conseillers et Marc, mon futur mari. Ce Conseiller faisait partie de ceux qui étaient en ma faveur depuis le début. Emma comme Océane avaient accepté qu’il préside la cérémonie. Je savais aussi qu’il avait préparé un court discours historique avec l’aide de mon amante, mais je n’en connaissais ni les tenants ni les aboutissants.


Avant d’entreprendre cette cérémonie, je m’étais renseigné avec l’aide des deux femmes de ma vie sur l’importance du mariage. Comment il devait être organisé, ce qui devait être dit et surtout les traditions qui y étaient liées. Je savais donc à quoi m’attendre. Lentement, pour laisser le temps à tous les inviter de me regarder, telle l’Impératrice que j’étais, j’avançais le long du tapis rouge central. Quand j’arrivais à hauteur de Marc, mon père m’embrassa avant de donner ma main à mon futur époux.


Selon la tradition, je devais m’agenouiller sur un coussin rouge, devant le Maitre de Cérémonie. Je le fis en même temps que Marc et Esteban, le Conseiller, leva les bras pour inciter les invités à s’asseoir.


— Aujourd’hui, nous sommes réunis pour le mariage d’Elena De Stinley, Impératrice d’Eryenne et de Marc Lans, Prince Héritier du Royaume de Thiéra. Par ce mariage, Marc Lans deviendra Empereur d’Eryenne, comme convenu dans les termes du contrat de mariage. Je vais commencer par énumérer les termes de ce contrat.


Grâce à l’intervention de mon père, j’avais pu créer un contrat de mariage entre Marc et moi. Un contrat qui stipulait tous les pouvoirs de Marc, ce qu’il obtenait et surtout ce que je gardais. Dans les clauses, il y avait aussi tout ce dont j’héritais en devenant sa femme et tout ce dont on perdrait en cas de divorce, heureusement autorisé par la loi. Nos devoirs mutuels comme nos droits y étaient aussi inscrits. Mon père lui-même l’avait rédigé, pour assurer ma sécurité plus que celle de Marc. Il devenait Empereur, certes, mais aucune terre d’Eryenne ne lui appartenait. Il ne pourrait prendre une décision sans mon accord express, par signature et de vive voix devant le Conseil. C’était Océane qui avait proposé ça, pour éviter qu’il ne chamboule tout ce que j’avais reconstruit.


La seule clause qu’Océane avait immédiatement refusée dès son écriture, c’était celle concernant l’héritier. Sauf circonstance grave et d’urgence, le mariage ne pourrait être rompu tant qu’un héritier ne serait pas né, vivant et viable. Je comprenais sa réticence, mais ce mariage avait pour unique but d’assurer l’avenir de l’Empire. En me mariant avec Océane, la possibilité d’avoir des enfants biologiques serait plus compliquée. Je devais profiter de ce mariage avec un homme pour en avoir, ne serait-ce qu’un seul.


— Majesté, validez-vous définitivement les clauses de ce contrat ? m’interrogea-t-il.

— Je les valide.

— Altesse, validez-vous définitivement les clauses de ce contrat ? demanda-t-il ensuite à Marc.

— Je les valide.


Esteban reprit par un court passage historique. Il expliqua comment l’Empire fut créé, par rassemblement de petits villages lors d’une guerre, par le mariage du grand héros de guerre et de son âme sœur, la toute première Stinley connue. Mais aussi le statut de ce couple devenu chef de clan puis la descendance, en passant des chefs de comté, chef de territoire, ministre, Roi ou Reine et enfin l’Empereur ou l’Impératrice après l’expansion du territoire Eryennien. Océane avait bien fait de demander Esteban d’en parlait. Grâce à ça, j’en apprenais un peu plus sur l’histoire originelle de mon Empire, sur sa création. Après plus d’une heure de cérémonie, longue à en mourir, Esteban nous demanda enfin de nous lever. Au moins je savais désormais que pour mon futur mariage avec Océane, je ferais en sorte que ça aille beaucoup plus vite. Mais c’était mon premier mariage, le premier entre deux territoires depuis plusieurs générations.


— Qui est chargé des alliances ?

— C’est moi, intervint Emma en se levant.


Elle s’approcha de nous et on récupéra chacun l’alliance de l’autre. Je me tournais vers Marc et essayais de lui sourire. Mais même s’il était feint, tout ce qui comptait, c’était les apparences.


— Votre Majesté, Elena De Stinley, Impératrice de l’Empire d’Eryenne, acceptez-vous de prendre pour époux, Marc Lans ici présent ?


Pendant quelques secondes qui parurent durer une éternité pour tout le monde, je me mis à hésiter. J’étais incapable de répondre. Je détournais le regard vers Océane, assise au premier rang. Mon cœur se serra quand je vis une larme briller sur sa joue. Elle croisa mon regard et tenta un sourire avant de chuchoter de l’épouser. Même jusqu’au dernier moment, elle me disait de le faire.


— Votre Majesté ? m’interrogea à nouveau Esteban.

— Hum… excusez-moi. Oui, j’accepte.


La seconde suivante, j’entendis le soupir de soulagement de Marc. En attente de ma réponse, il avait arrêté de respirer. Il me passa l’alliance autour de doigts avant qu’Esteban ne reprenne.


— Votre Altesse, Marc Lans, Prince héritier du Royaume de Thiéra, acceptez-vous de prendre pour épouse, Elena De Stinley, ici présente.

— Oui, j’accepte, répondit-il sans hésiter.


À mon tour je passais l’alliance autour de son doigt en essayant de trembler le moins possible. On attrapa mutuellement nos mains gauches et Esteban enroula un tissu rouge autour de nos mains.


— Par ce tissu, vous vous engagez à respecter l’autre, à assurer ses besoins tout en assurant les vôtres. Vous vous engagez dans les clauses du contrat que vous aviez tous deux accepté. Vous vous engagez à devenir mari et femme aussi longtemps que cela sera possible.

— Je m’y engage, enchaîna Marc en premier.

— Je m’y engage, ajoutais-je.

— Par les pouvoirs qui me sont temporairement conférés, je vous déclare unis par les liens du mariage.


Comme prévu initialement avec lui, Esteban ne dit pas la phrase finale. Marc était désormais mon mari par politique, non par amour. Je ne comptais l’embrasser que le strict minimum, voir jamais si j’y parvenais. Pourtant, ce dernier tenta tout de même. Il posa une main dans mon dos et voulut m’embrasser. Je détournais légèrement la tête au dernier moment, de sorte que personne ne s’en rende compte, pour qu’il m’embrasse la joue.


— Félicitations, reprit Esteban, comme s’il ne s’était rien passé. Nous allons maintenant procéder au couronnement Impérial de Son Altesse Royale, Marc Lenz. Majesté, je vous laisse la parole.


Reprenant le contrôle total sur la situation, je pris la place de mon Conseiller et récupérais la couronne qu’il me tendit. Je redressais les épaules et commençais le cours de discours que j’avais préparé. Marc s’agenouilla à nouveau sur le coussin devant moi.


— En devenant mon époux, vous avez accepté de devenir Empereur à mes côtés. Promettez-vous de protéger l’Empire au péril de votre vie ? commençais-je.

— Je le promets.

— Engagez-vous à gouverner de façon juste, équitable et de penser aux intérêts de ton peuple avant les votre ?

— Je m’y engage.

— Reconnaissez-vous cet Empire et ces habitants comme relevant de vos propres responsabilités ?

— Je le reconnais.

— Bien, enchaînais-je d’un ton neutre. Moi, Elena De Stinley, Impératrice de l’Empire d’Eryenne, je vous reconnais, vous, Marc Lans et vous proclame Empereur de l’Empire d’Eryenne, terminais-je en déposant sa couronne sur sa tête.


En tant que nouvel Empereur, quand il se releva, tout le monde s’agenouilla, moi y compris.


— Longue vie à l’Empereur ! s’exclamèrent les invités alors que je restais silencieuse.


Je me relevais et me rapprochais de Marc, en tant qu’épouse. Pour jouer le jeu et camoufler les apparences, je le regardais dans les yeux en attrapant sa main.


— Longue vie à l’Impératrice !


Dès que toute cette mascarade fut terminée, Esteban, en tant que Maître de Cérémonie, invita l’ensemble des personnes présentes à rejoindre la Salle de bal, accompagnés par l’Empereur et Esteban. Pendant que tout le monde sortait, je me tournais vers nos deux trônes et laissais enfin mes émotions sortir. Quand je n’entendis plus le moindre bruit, j’aperçus Océane passer devant moi et attraper ma main.


— Est-ce que ça va aller ? m’interrogea-t-elle.

— Est-ce qu’on est seules ?

— Seuls non, en famille oui.


Laissant libre cours à ma frustration, je m’effondrais en larmes dans les bras d’Océane. Avoir dit oui à Marc alors qu’elle était juste à côté de moi pendant ce temps, ça avait été de la torture. Tout au long de la cérémonie, j’avais eu envie de plusieurs de tout arrêter pour demander Océane en mariage. J’avais voulu tout annuler pour me marier avec elle.


— J’ai hésité, Océ…

— C’est normal, mon amour.

— Pourquoi tu m’as laissé accepter ? Pourquoi tu ne m’en as pas empêché ?

— Parce que tu l’as dit toi-même, tout à l’heure, c’est l’Empire avant tout. Parce que je sais que c’est la meilleure solution pour que tu obtiennes tout ce dont il te manque pour les habitants. Et parce que je sais que mon amour pour toi ne changera jamais, même dans dix ans. Je te fais la promesse qu’on se mariera toutes les deux quand notre tour viendra.

— Je t’aime, Océ, sanglotais-je.

— Je t’aime aussi, Elena.


Ses mains dans mon dos, elle m’embrassa comme si c’était la dernière fois qu’on se voyait. Comme si, en étant marié, j’allais la perdre pour toujours. Elle sécha ensuite mes larmes et retrouva son beau sourire que j’aimais tant.


— Reprends-toi maintenant, d’accord ? Et puis, il y a quelqu’un qui voudrait te parler avant qu’on retrouve tout le monde dans la Salle de Bal.

— Mais je croyais qu’on était qu’en famille.

— Stephania fait partie de la famille, Elena.

— Stephania ? Vous êtes venu finalement ? la questionnais-je en l’apercevant.

— J’ai réussi à me libérer au dernier moment oui.

— Je suis ravie que vous soyez là. Malgré les circonstances de ce mariage. J’aurais préféré que ça ce soit avec Océane, c’est vrai, mais pour le bien de l’Empire, j’ai dû faire ce sacrifice.

— Vous m’en voyiez navré.


Mon père se rapprocha alors et observa Stephania. Coiffée de sa couronne et d’une écharpe aux couleurs de son Reinaume, elle était reconnaissable. Mon père se mit à sourire et attrapa délicatement sa main.


— Je suis enchantée de vous rencontrer, Mademoiselle. Vous ressemblez beaucoup plus à votre mère qu’à votre père.

— Vous connaissiez mes parents ?

— Principalement votre mère oui, mais cela ne concerne que nous deux. La première fois que je vous aie rencontré, vous veniez de naître. Vous êtes devenue une très belle jeune femme. Elle serait fière de vous.

— Merci, Majesté.

— Je ne suis plus Empereur, Stephania. Altesse ira très bien, rigola-t-il.

— Qu’est-ce que vous nous cachez encore, père ? Quand Stephania est née, vous étiez déjà marié.

— Je peux bien vous le dire. De toute façon, je sais que tu comptes tromper Marc à peine marié.


Juste avec sa remarque concernant Océane, j’avais compris quelle relation avaient entretenue mon père et la mère de Stephania. Les yeux pétillants de mon père confirmèrent mes soupçons.


— Attendez ! Ne me dites pas que vous et elle…

— Et si. Votre mère a été ma première femme au sens large. Nous ne nous sommes jamais mariées et rassurez-vous, votre père est bien votre père. En fait, l’histoire de la rencontre de Noemia et d’Emilio est quelque peu différente de la version qu’ils vous ont racontée.

— Comment ça ? enchaîna Stephania intriguée.

— Noemia a bien vécu dans un orphelinat où il s’est passé tout ce que vous savez. Mais cet orphelinat ne se trouvait pas à Carandis, mais ici, à Glenharm. C’était là que je passais toutes mes après-midis dès que j’ai eu douze ans. Un jour, je suis allé le visiter avec mes parents et c’est là que j’ai rencontré Noemia. C’était un véritable coup de foudre, d’enfant bien sûr. On s’est revu tous les jours ensuite et nous sommes restées en couple jusqu’à ses seize ans.

— Mon père ?

— En effet. Peu de temps avant ses seize ans, la famille royale de Carandis, les parents d’Emilio et lui sont venus ici pour des négociations commerciales. Ce jour-là, j’avais invité Noemia au château. Nous n’étions plus amoureux l’un de l’autre depuis quelques années, mais toujours autant amis. Et puis, je venais de me fiancer avec Julie, la mère d’Elena. Quand votre père, qui avez dix-neuf, à poser les yeux sur elle, il a su immédiatement qu’il voulait d’elle comme femme et comme Reine. Ses parents ont appris son histoire, l’ont apprécié et vous connaissez la suite.

— C’est incroyable.

— Le jour de leur mariage puis de votre naissance, j’étais là. En tant qu’Empereur, puisque je l’étais enfin devenu, mais surtout en tant qu’ami. Emilio est devenu un très grand ami par la suite. Ce que je regrette, c’est de ne pas avoir pu être là le jour des funérailles de votre mère puis de votre père.

— Vous saviez ?

— Malheureusement oui. Je savais tout ce que savait ma femme, soit beaucoup de choses.

— Vous savez sûrement ce qui est arrivé à ma mère ?

— En effet, dans les moindres détails. Julie ne savait pas se taire en ma présence. Mais on en discutera en tête à tête. Et puis, tes invités vont attendre, Elena.

— Ce mariage stupide, c’est vrai. Ne les faisons pas attendre plus.


Reprenant le contrôle total sur mes émotions, je redressais les épaules, sécha mes larmes une bonne fois pour toutes et retrouva l’ensemble des invités, comme mon mari dans la Salle de Bal pour la suite de la soirée.

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