Chapitre 24

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À mon retour au château, tous les domestiques ne cessaient de faire des vas et viens dans tous les couloirs. Ils devaient tous préparer le banquet de ce soir où serait réuni mon père, le Prince et moi-même. Le seul repas où j’avais besoin d’Emma, mais où elle ne pourrait être présente en tant qu’amie. Avec ce prince dans les parages, elle voulait rester à sa place de domestique. Elle ne voulait pas griller sa place auprès de moi tant qu’on n’en saurait pas plus sur cet homme.


Comme je la savais en cuisine, je l’y rejoignis pour discuter avec elle, mais surtout pour m’occuper l’esprit. J’avais besoin de me sentir utile. De penser à tout sauf à ce prince et à la déclaration d’Océane. Nous nous aimions encore, mais nous ne pouvions être ensemble. Je m’installais à côté d’Emma, récupérais un économe et l’aida à éplucher les légumes.


— Un problème ? m’interrogea-t-elle sans me regarder.

— J’ai discuté avec Océane.

— Oh ! Et alors ?

— Elle m’aime encore. Elle m’a fait comprendre qu’elle m’attendrait, même si…

— Même si quoi ?


Emma ne semblait pas encore au courant de la demande de ce prince. Devais-je lui dire ? Devais-je encore parler de ça et ressasser encore ? Océane m’avait déjà aidé à y voir clair. Même si pour elle il était un imposteur, je devais prendre le temps de le connaître. Je devais peser le pour et le contre, en tant qu’Impératrice et non en tant que femme.


— Vous avez prévu quoi pour ce soir ?

— Elena ! Réponds-moi.


Elle venait de poser son économe, pris le mien et se tourna dans ma direction, les bras croisés. Emma me connaissait trop bien, je ne pouvais rien lui cacher.


— Pourquoi tu es allée voir Océane ? Qu’est-ce qu’il s’est passé avec ce prince ?

— Il m’a demandé en mariage.

— Il a fait quoi ?


En une fraction de seconde, toute la cuisine était devenue silencieuse et tous les regards étaient braqués sur moi. Mal à l’aise, je baisais les yeux et voulus reprendre l’économe. Mais Emma ne me laissa pas faire.


— Tu n’as accepté quand même ?

— Bien sûr que non !

— Si ce taré s’en prend à toi, il aura affaire à moi.

— Emma. Je dois envisager ce mariage. En tant qu’Impératrice…

— Tu n’y penses quand même pas ?

— J’y suis obligé. Je dois penser à l’Empire avant moi.

— Et Océane.

— Elle sait. On en a discuté et… peu importe, c’est entre nous.

— As-tu seulement envie de te marier ?

— Pas avec lui non, mais…

— Alors refuse. Ne va pas te marier avec un inconnu, gâcher ta vie pour l’Empire. Ce n’est pas d’un mariage politique dont l’Empire a besoin, mais d’une Impératrice heureuse.

— L’Empire a aussi besoin d’hériter, Emma ! Et ce n’est pas avec… se serait tellement plus compliqué.

— Tu choisis la facilité là.

— Je suis juste réaliste Emma ! Pour le bien de l’Empire…

— Qu’est-ce que tu peux être têtu quand tu t’y mets, me coupa-t-elle. Avec ton discours, on a l’impression que tu as déjà pris ta décision. Que quoi qu’on puisse te dire, tu l’épouseras.

— C’est vraiment ce que tu penses ?

— C’est l’impression que j’ai oui. Je ne veux juste pas que tu acceptes sa demande uniquement pour blesser Océane ou pour l’Empire. Je veux que tu penses avant tout à toi.

— Je ne me marierais jamais pour faire du mal à Océane.


Emma ne semblait pas comprendre ce qui me préoccupait vraiment. J’étais certes amoureuse d’Océane, mais je savais qu’en tant que femmes, nous ne pouvions vivre ensemble et surtout nous marier. La loi nous l’interdisait. En tant qu’Impératrice, je devais tout envisager pour permettre à l’Empire de prospérer, de retrouver sa gloire d’antan. Je devais envisager tous les bénéfices logistique, culturel et économique que ce mariage apporterais.


Comment ne semblait ni ne voulais comprendre, je décidais de la laisser travailler. Hormis elle et Océane, je n’avais personne à qui me confier. Quant à mon père, notre relation était encore trop jeune pour que je puisse lui dire quoi que soit. Je n’arrivais toujours pas à lui faire confiance. Il n’avait pas réussi à prendre les bonnes décisions concernant ma mère, comment pouvait-il me conseiller sur mon propre mariage ?


Je devais m’y résoudre, j’étais la seule capable de prendre cette décision, sans aide ou avis extérieur possible. Emma ne savait pas ce qu’il se passait réellement dans ma tête. Pour elle, c’était inenvisageable que je puisse me marier avec cet inconnu. Quant à Océane, son amour pour moi trompait son jugement. Bien sûr qu’elle ne voulait pas que je me marie avec un autre. Ça aurait totalement idiot et impensable qu’elle puisse accepter ce mariage sans tenter de m’en empêcher ou de trouver une autre solution.


De toute façon, la seule chose que je pouvais faire pour le moment c’était de rencontrer ce Prince, d’en apprendre plus sur lui. Je devais faire comme si j’envisageais ce mariage et tout faire pour ne surtout pas me marier avec un inconnu. Je devais discuter avec lui, organiser de vrai rendez-vous pour savoir qui il était. Je devais peser le pour et le contre, contrebalancer les choix de l’Impératrice et de la femme de vingt-ans que j’étais.

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