Chapitre 19

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Le seul jour où j’aurais pu dormir jusqu’à dix heures, n’ayant pas de cours, il fallait que ma mère vienne me réveiller. En moins de dix minutes, j’étais habillée, coiffée, mais toujours endormie.


— Dépêchez-vous Elena, je n’ai pas toute la journée à vous consacrer, râla ma mère.

— Vous aviez qu’à me laissez dormir dans ce cas, me rebellais-je.


Elle attrapa mon poignet et me tira jusqu’à la Grande Salle, m’obligeant à courir pour la suivre. Du haut de mes treize ans, cette pièce était immense et me terrifiait. Quand elle me lâcha enfin, je m’éloignais le plus possible et m’adossais à un mur, les bras croisés.


— Revenez ici et tenez-vous droite !

— Non, répondis-je un sourire en coin.


À cet âge, j’aimais défier ma mère. Lui dire non me procurait un frisson que je ne pourrais expliquer. Elle me terrifiait et pourtant ce n’était que quand je lui désobéissais qu’elle s’intéressait à moi. Il n’y avait qu’à ce moment que j’arrivais à capter ne serait-ce qu’un fragment de son attention.


— Cessez de faire l’enfant, enfin, ajouta-t-elle en me ramenant devant elle. Je vous présente votre nouvelle domestique personnelle, Emma Liart.

— Super ! Une nouvelle mère ! Au moins vous me laisserez enfin tranquille.


Comme à chaque fois que je faisais cette blague, je recevais une gifle. Je courus ensuite me réfugier dans ma chambre. Quelques minutes plus tard, alors que j’étais assise sur mon lit, quelqu’un frappa timidement à la porte de ma chambre.


— Votre Altesse ? Est-ce que je peux rentrer ?

— Oui.


Celle qui était désormais ma nouvelle domestique entra dans ma chambre et s’assit sur mon lit, juste devant moi.

— Comment vous vous appelez ? commença-t-elle d’une voix douce et apaisante.

— Elena.

— Je suis ravie de vous rencontrer. Moi c’est Emma.

— J’avais compris.

— Vous avez treize ans c’est ça ? J’en ai dix-huit. Et si vous le voulez bien, je pourrais être votre amie.

— Je n’ai pas besoin d’amie.

— Vous êtes sûr ? À ce que j’ai vu, vous êtes seule ici. Est-ce que vous êtes heureuse ?

— Qu’est-ce que ça peut te faire ?

— Si j’ai voulu travailler ici, c’était pour me sentir utile. Est-ce que vous voulez bien que je fasse partie de votre vie ?

— Vous allez l’empêcher de me frapper ?

— Je peux essayer. Si vous me dites ce qu’il se passe.

— Rien du tout. Il ne se passe rien.

— Je vois. Vous m’en parlerez quand vous voudrez. Tout ce que vous me direz, je n’en parlerais jamais à votre mère. Ça restera entre nous, d’accord ?


Cette simple phrase, le simple fait de pouvoir parler à quelqu’un, sans que ma mère le sache, changeait la perception que j’avais d’Emma.


— D’accord, lui répondis-je en souriant, la première fois depuis longtemps.

— Parfais tout ça. Vous voulez bien me faire visiter le château ?

— Ça me va oui.

— Laissez-moi vous coiffer mieux que ça alors.


Elle attrapa la chaise de mon bureau et l’installa dans la salle de bain, devant le miroir. Dès qu’elle commença a démêler mes cheveux, je sentis tous de suite la différence. Contrairement à toute celle qui m’avait coiffée avant, Emma était douce et arrivait à enlever mes nœuds tout en délicatesse.


— Ne vous endormais pas, Votre Altesse.

— Excusez-moi, Madame.

— Pas de Madame entre nous. Appelez-moi Emma et tu peux aussi me tutoyer.

— D’accord.

— Je ne vous fais pas mal ?

— Non. Pourquoi avoir voulu travailler ici ? Ma mère n’est pas vraiment la mère idéale.

— Ce n’est pas parce que votre mère vous ignore que je vais faire de même. Je suis là pour m’occuper de vous, je ne vous laisserais pas seule, sauf si vous me le demandez.

— En fait, je veux bien avoir une amie. Tu veux bien être mon amie ?

— Avec plaisir, mademoiselle.


En à peine une heure, Emma avait réussi à m’amadouer et à prendre une place importante dans ma vie. Depuis ce jour, peut importe où j’allais, peut importe ce que je faisais, elle était avec moi. Elle m’avait accompagnée dans les études, dans les moments de joie, de tristesse et de colère. Elle avait toujours été là pour me réconforter à chaque fois qu’il y avait un problème avec ma mère. Depuis le jour où elle avait commencé à travailler pour moi, je m’étais senti revivre, petit à petit. J’avais une amie, une sœur et surtout une mère réunie en une seule personne.

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