Chapitre 21 : Le cap de Bonne Espérance

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Noël passé, ils continuèrent leur longue traversée de l’Atlantique Sud pendant encore plus de deux semaines avant que Nid-de-Pie n’annonce finalement, à l’aube du 11 janvier 1786, la vue des côtes africaines. Surcouf et Azimut ne s’étaient pas trompés dans leurs calculs, et ils atteignirent le continent noir au niveau de la baie de Sainte-Hélène, à soixante-dix-sept miles au Nord de la péninsule du Cap, soit une dizaine d’heures de navigation à l’allure portante où ils allaient. En fin d’après-midi, donc, ils aperçurent les premières maisons bordant les abords de la ville du Cap. C’était une ville dont le développement exponentiel venait du fait qu’elle était un point de passage obligé pour tous les convois venant de l’Inde, de la Chine, et de toute l’Asie du Sud-Est, en particulier des colonies néerlandaises de Batavia, l’actuelle île de Jakarta. Le Cap était devenu une station de ravitaillement en eau et en nourriture, et l’on y soignait les malades atteints du scorbut. De plus, le commerce minier d’Afrique du Sud drainait également son lot de richesses et de navires marchands venant de tout l’Europe. De part et d’autre de la péninsule du Cap, la ville s’étendait sur deux baies, la Baie de la Table, donnant sur l’Ouest et l’Atlantique Sud, et la Baie False, s’ouvrant vers le Sud et l’Océan Indien. Venant du Nord-Ouest, le Renard et son équipage jetèrent donc l’ancre dans la baie de la Table, alors que le Soleil se couchait sur l’Océan Atlantique, projetant sur le port l’ombre élancée du cotre.

— Regardez, dit Azimut aux garçons. C’est une des dernières fois que nous pourrons admirer ce spectacle, car, dès que nous aurons quitté le Cap, nous voguerons sur l’océan Indien.

— Comment ? demanda Mircea. Comment allons-nous changer d’Océan. Y-a-t-il une porte ou autre qui nous fasse ainsi passer de l’un à l’autre ?

— Non, répondit Azimut en souriant, non, l’Océan reste le même, c’est juste le nom qu’on lui donne qui diffère. Encore que… au large du Cap des Aiguilles, tu verras des vagues énormes à l’endroit où les deux océans s’affrontent. On peut dire qu’en quelque sorte, c’est la porte des Indes.

Rasteau s’approcha du petit groupe de trois et interrompit leur discussion.

— Trêve de bavardages, Azimut, cesse donc de les importuner. Ce soir, ils restent avec moi. Les enfants, ce soir, je vais vous apprendre à boire et à célébrer, pardi !

Le regard noir que lui lança la navigatrice signifiait à lui seul son profond désaccord avec cette idée, mais Oscar et Mircea n’en tinrent pas compte, et furent ravis à l’idée de se rendre dans les tavernes comme de véritables pirates l’auraient fait après une longue traversée. Avant le débarquement, cependant, Surcouf tint à rassembler son équipage pour lui faire part de certains points qu’il jugeait primordiaux d’aborder avant de le laisser se livrer à toutes sortes d’occupations peu louables dans une ville étrangère, sous la juridiction de la compagnie néerlandaise des Indes Orientales.

— Bien. Tout d’abord, je tenais à vous féliciter pour cette première traversée. Comme nous vous l’avons déjà précisé, la première étape de notre voyage est Djibouti. Nous resterons donc seulement quelques jours ici, afin de ravitailler suffisamment pour rejoindre Lourenço Marques, dernière étape avant Djibouti. Évidemment, cela doit rester secret et ne pas s’ébruiter. Car même si les relations de la France avec les Bataves sont bonnes, nous savons tous ce que la perspective du Trésor des Bénédictines représente comme appât, vous en êtes vous-mêmes la preuve vivante. Officiellement donc, nous sommes de simples corsaires Français, chargés d’aller naviguer dans les eaux de Chine méridionale, ainsi, je veux que vous ne parliez que Français, ou alors que vous ne parliez pas du tout. C’est clair ?

— Limpide, répondirent les pirates.

— Parfait. Concernant votre salaire, j’ai décidé que la moitié des prises, captures et larcins que nous réaliserons avec le Renard sera attribuée à l’avitaillement du navire en munitions, nourriture et besoins divers. La seconde moitié sera divisée équitablement entre les membres d’équipage et vous serez libres d’en faire ce que vous voulez. Évidemment, Skytte, en qualité de quartier-maître, tiendra les comptes, et consignera les crédits de chacun avant de faire le partage final du trésor des Bénédictines. Skytte ?

L’homme petit et rondouillet s’avança, un long morceau de parchemin entre les mains.

— Hum Hum, dit-il en s’éclaircissant la gorge. J’ai fait l’inventaire du trésor amassé par la prise du galion espagnol, et j’ai compté douze coffres, huit remplis d’or et quatre d’argent, contenant chacun trente mille pièces, soit deux cent quarante mille pièces d’or et cent vingt mille pièces d’argent.

Cette annonce provoqua un murmure de stupéfaction dans l’assemblée des pirates.

— Et dire que nous avons abandonné la plus grande partie du butin, s’exclama Törmund.

— A ce prix-là, il nous suffit de capturer deux galions espagnols, et nous serons suffisamment riches pour avoir assez de rhum et de femmes jusqu’à l’éternité, renchérit Rasteau.

— Tais-toi, imbécile, le coupa Zélia. L’autre jour, nous avons eu de la chance, beaucoup de chance, de nous en sortir vivants. Tous les galions espagnols ne sont pas chargés comme celui que nous avons attaqué. Qui d’entre nous n’a pas perdu des frères d’arme dans l’abordage d’un navire qui ne transportait rien d’autre que des pommes de terre, du tabac ou encore du café, qui ? Et nous connaissons tous les Espagnols, on ne joue pas avec leur or. Il est certain que notre tête est mise à prix de Madrid à Hispaniola, et qu’ils ont doublé les escortes de leurs convois, depuis notre embuscade, alors…

— Il suffit, coupa Surcouf, vous aurez tout le temps de vous quereller plus tard. Skytte ?

— Euh, oui, pardon, alors… voilà. En répartissant équitablement, vous avez tous en votre possession quatre mille six cents pièces d’or et deux mille trois cents d’argent. Vous pouvez venir me voir et je vous donnerai la somme que vous souhaitez, le reste sera gardé dans les coffres.

Les pirates se bousculèrent pour récupérer chacun leur part du trésor, certains souhaitant qu’on leur remette dès à présent la totalité de leur butin, d’autres préférant garder celui-ci en sécurité, et ne se contentant que du strict nécessaire.

Le port du Cap n’étant pas aussi développé de ceux des capitales maritimes européennes, et n’offrait pas assez de quais pour y amarrer directement les navires, c’est donc à bord de l’Argonaute que les marins regagnèrent successivement la terre ferme. Il était prévu qu’ils dorment sur le continent afin d’éviter des aller-retours inutiles au misainier. Surcouf proposa de rester de garde à bord du Renard, et réalisa un tirage au sort parmi le reste de l’équipage pour définir le nom des pirates devant rester à bord. Phaïstos, Nid-de-Pie, Mériadec, Esme et Dents-Longues furent tirés au sort. Ce dernier provoqua un scandale, demanda un nouveau tirage au sort et provoqua en duel quiconque serait en désaccord avec sa décision de regagner la terre ferme malgré tout. Afin de calmer la tension palpable qui s’était installée au sein de l’équipage, Alizée proposa au Long-Couteau de prendre sa place, la jeune femme profitant de l’occasion pour passer du temps avec Phaïstos, dont elle s’était de plus en plus rapprochée depuis les révélations qu’il lui avait faites le soir de Noël, et qu’elle lui apprenait à lire et à écrire. Le reste de l’équipage, ayant quartier-libre pour la soirée, se divisa en petits groupes qui investirent les auberges et tavernes de la ville.

Le Cap était une cité cosmopolite et, outre les néerlandais qui l’avaient fondée, on y trouvait de nombreux Français, Anglais, Scandinaves, Russes, mais aussi des esclaves affranchis, des hommes issus des tribus de la région, ou encore des natifs du Cap, purs produits du métissage des cultures. Aussi, l’équipage du cotre corsaire ne se fit pas plus remarquer que s’il était issu d’un quelconque navire marchand empruntant les nouvelles routes de la soie. Oscar et Mircea suivirent Rasteau, Singh, Törmund, Amund et Dents-Longues dans la plus grande des tavernes, Cebus sur leurs talons. La taverne était pleine à craquer de marins comme de locaux, qui venaient profiter de la bière bon marché et des filles plantureuses de cette place. Il y avait même un groupe de musiciens qui donnaient au lieu une ambiance festive et joyeuse.

La soirée avança au rythme des rires et bruits de chopes qui s’entrechoquaient, les deux garçons sentant rapidement les effets de l’alcool sur leur organisme, un voile de vapeur venant embuer leurs cerveaux, tandis que leur vue se troublait légèrement. Alors, les conversations des pirates se firent plus distantes, inaudibles, à mesure que la soirée avançait et que l’ivresse les gagnait.

— Et donc, il m’a provoqué en duel, disait Dents-Longues. Le malheureux ! Le gouverneur de Port-Royal était là, en chemise de nuit, son épée à la main, tentant de venger l’honneur de la fille que je venais de lui ravir. En parlant de ravir, cette dernière l’était, ravie, lorsque je lui avais fait goûter au plus intime de mes sabres.

Törmund et Amund s’esclaffèrent en avalant une nouvelle chope de bière brune.

— Quelle heure est-il ? demanda Mircea, en revenant peu à peu à la conscience.

— Minuit vingt, répondit Singh. Vous ne devriez pas tarder à aller vous coucher, je vous vois tomber de sommeil. Nous avons réservé une chambre à l’étage, pour vous.

— Mais non, laisse-les profiter, la coupa Rasteau. Ce soir, ce sont des pirates, comme nous !

— Minuit, s’exclama Oscar, mais… c’est ton anniversaire ! dit-il à Mircea.

— C’est vrai ? demanda Singh à l’intéressé.

— Oui, répondit Mircea.

— Et quel âge as-tu, poursuivit la fille de Xao.

— Quinze ans, répondit Mircea.

— Quinze ans ? répéta Dents-Longues, et bien ça, pardi, il faut fêter ça ! Et une tournée pour Mircea !

— Mais d’ailleurs, à quinze ans, as-tu déjà été avec… une fille, demanda Rasteau.

— Une…quoi ? Non ! Jamais, enfin… voyons ! bégaya-il en rougissant.

— Comment ? Jamais ? Pardi ! Tu as quinze ans, il est temps de faire de toi un homme, reprit le cuisinier. Qu’est-ce que vous en pensez ? Andy, quel âge avais-tu lors de ta première conquête ?

— Douze ou Treize ans, maximum ! C’était avec la fille de mon maître, du temps où j’étais encore esclave. Elle devait en avoir pas loin de dix-sept la garce. Et toi Törmund.

— Moi, j’avais quatorze ans, mais Amund, lui, l’a fait à dix ans ! Il avait été banni de notre village pour avoir échoué à tuer un bélier à mains nues, lors de son rituel d’initiation à l’âge adulte. Lorsqu’il est revenu, un mois plus tard, il avait sur la tête un casque orné des cornes du même bélier, qu’il avait retrouvé et achevé, mais aussi sur le dos la peau d’un ours des montagnes, qu’il avait abattu à la seule force de ses bras. Il est revenu au village, est allé réveiller le chef de notre tribu et l’a attaché à un poteau sur la place centrale. Le pauvre vieux beuglait comme un putois, hurlant pour qu’on vienne le détacher. Tout le monde se demandait qui donc avait pu faire ça, et les Vikings commencèrent à s’attrouper autour de leur chef. Puis, sortant de la hutte du chef du village, Amund est apparu, tirant par les cheveux la femme de celui-ci. Il l’a besognée en public, devant toute la tribu avant de disparaître dans la forêt. Je l’ai rejoint dans sa cachette, et nous avons embarqué tous les deux en direction des Caraïbes, pour rejoindre la confrérie du Nord. Nous ne sommes plus jamais retournés dans notre village, mais la légende dit que neuf mois plus tard, la femme du chef a enfanté un garçon aux boucles brunes et aux yeux vairons.

Les pirates regardèrent Amund d’un œil nouveau, à la fois impressionnés, mais aussi inquiets et horrifiés par la barbarie du Norvégien.

— Bon ! reprit Rasteau, brisant le silence pesant qui venait de suivre les révélations de Törmund. Mircea, il est temps de faire de toi un homme. Et puis, Oscar aussi, ton anniversaire, c’était il n’y a pas si longtemps, si je me souviens bien !

— Oui, j’ai eu quatorze ans le 7 décembre. Mais Surcouf a dit...

— Quoi ? Qu’est-ce que Surcouf a dit ? Que vous ne deviez pas boire ? Que vous deviez vous coucher à minuit ? Hein ? Où est-il, Surcouf ? Tu le vois dans les parages ? Non ! Alors ce soir, c’est moi qui décide, répondit Rasteau. Et je dis que vous allez profiter !

Sur ces paroles, il héla le tavernier, et chuchota à son oreille.

— Bien. Montez dans vos chambres, maintenant, et laissez-vous faire. Ce soir, c’est moi qui paye pour vous, mais je peux être certain qu’après cette soirée, à chaque fois que nous descendrons dans un port, d’ici à Djibouti, vous vous ruerez vider votre bourse dans tous les bordels que vous trouverez.

Une fois les garçons disparus, Rasteau prit un ton solennel et s’adressa aux pirates qui l’entouraient.

— Maintenant que les garçons sont partis, passons aux choses sérieuses. Dents-Longues ?

— Oui. Voilà. J’ai longuement discuté avec Rasteau, pendant nos nuits de quart, et nous sommes tombés d’accord sur un point, Surcouf ! La façon dont il gère cet équipage ne nous plaît pas du tout. Et comment ! Il dit être sur la piste du Trésor des Bénédictines, mais il ne nous donne aucune information, et, pour être honnête, j’ai l’impression que lui non plus ne sait pas vraiment où il nous emmène ! Djibouti, non mais franchement, qu’est-ce qu’on peut bien trouver dans ce trou perdu ? Et puis, je n’aime pas l’idée de devoir reverser une partie du trésor que NOUS aurons trouvé à la couronne de France. Si nous avons, tous autant que nous sommes, quitté nos confréries respectives, ce n’est pas pour être redevables à qui que ce soit, et encore moins à un pays qui, depuis des années, nous pourchasse et nous traite comme de la vermine. Non mais vous l’avez vu par vous-même ! Il s’approprie notre argent et réquisitionne cinquante pour cent de nos gains pour subvenir à nos besoins. Cet homme se prend pour qui ? Un banquier ? Je pense que nous devrions avoir le choix, et pouvoir disposer à notre guise de l’argent qui nous appartient, et, s’il faut nous ravitailler, parfait, nous prenons d’assaut un navire marchand, comme nous l’avons toujours fait, toute notre vie. Qu’est-ce que vous en pensez ?

— C’est vrai ! dit Törmund.

— Il a raison ! renchérit Amund.

— Mais… que comptes-tu faire, demanda Singh. Le provoquer en duel ? l’assassiner ?

— D’abord, je veux que vous sondiez les autres membres de l’équipage, reprit Rasteau. Il nous faut savoir qui est de notre côté. Puis, lorsque le moment sera venu, et que Surcouf aura déçu la plupart des pirates qu’il a engagés, Dents-Longues défiera son autorité, et nous prendrons le contrôle du navire. A nous le trésor des Bénédictines, acheva-il en portant un toast.

Le lendemain matin, Mircea retrouva Oscar dans la salle commune de la taverne, attablé avec Singh autour d’une tranche de lard, d’un quignon de pain, et d’un grand verre de lait de chèvre. Le beau garçon brun avait des poches sous ses yeux verts, témoin de la courte nuit qu’il avait passée.

— Joyeux anniversaire, lui dit Singh en se levant, quittant la table pour laisser les deux adolescents en tête à tête. Tiens, régale-toi, ajouta-elle en lui tendant une assiette.

Ils déjeunèrent sans dire un mot, se lançant des regards en biais à intervalles réguliers. Finalement, c’est Oscar qui décida de rompre le silence.

— Alors ? C’était comment ? demanda-il à son ami.

— C’était… bizarre. Et toi ?

— Humide, répondit Oscar. Je n’ai pas vraiment aimé. C’était une fille à peine plus âgée que moi, et l’on sentait dans son regard qu’elle ne prenait aucun plaisir à le faire. Et puis, ça n’a pas duré longtemps. Et toi ?

— Moi non plus, ça n’a pas duré longtemps. Du moins, la première fois.

— La première fois ? demanda Oscar.

— Oui, la première fois. C’était une femme d’une trentaine, quarantaine d’années. Plutôt jolie. Quand elle m’a vu, elle a tout de suite su que c’était ma première, enfin, je veux dire, ma première fois. Elle m’a dit « toi, mon petit, je vais m’occuper de toi, et bien ». Et c’est vrai qu’elle s’est bien occupée de moi. Quand ça s’est terminé, elle m’a demandé si je voulais qu’elle parte ou si je préférais qu’elle reste encore un peu. Nous avons parlé, puis nous avons recommencé. Elle savait vraiment bien s’y prendre, et je lui ai demandé de rester pour une troisième fois.

— Trois fois, cria presque Oscar, surpris, faisant se retourner tous les hommes attablés autour d’eux.

— Chuuut ! le coupa Mircea, dont les joues rosirent de honte.

— Non mais… trois fois ! Tu te rends comptes ! c’est… c’est beaucoup… enfin, je ne sais pas.

— Je… je ne sais pas. Mais, même si je suis content de l’avoir fait, je ne suis pas d’accord avec Rasteau, et je ne suis pas près de dépenser mon argent dans tous les bordels du monde.

— Moi non plus, répondit Oscar. Bon, tu viens. Singh m’a dit de la rejoindre au Renard, il paraît que Surcouf a du travail pour nous. Trois fois… répéta-il en se levant, quand même !

Sur le port du Cap, Surcouf réunit l’ensemble de son équipage.

— Bien, nous voilà au complet. J’espère que vous avez profité de la nuit, je vois, au regard vague de certains, que celle-ci a été courte, mais cela ne me regarde pas. Voici le programme des jours à venir. Il va être chargé, préparez-vous, car je ne compte pas m’éterniser ici. Cette ville est beaucoup trop passante, et je ne souhaite pas que notre passage se fasse remarquer. N’oublions pas que notre exploit argentin nous aura valu l’ire de toute la marine espagnole, et, même si je doute que les nouvelles de notre larcin ne soient parvenues dans cet endroit si reculé avant nous, je préfère que nous restions prudents. Aussi, la journée d’aujourd’hui sera-elle consacrée à l’avitaillement en armes et munitions. Nous avons considérablement entamé notre stock de boulets et de poudre à canon lors de nos entrainements successifs, et, même si je suis satisfait du résultat, il est grand temps de nous réapprovisionner en munitions. Lorsque nous aurons terminé, si le vent se maintien, nous irons naviguer en direction de la péninsule du Cap afin de nous entrainer aux manœuvres côtières. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de travailler tous ensemble dans les conditions de vents tourbillonnants et de vagues côtières depuis notre départ, et c’est l’occasion de parfaire notre synchronisation dans ce domaine. Ce soir, vous aurez également quartier-libre, et nous réaliserons un nouveau tirage au sort, afin de déterminer qui restera en faction sur le Renard. Demain, nous nous chargerons du ravitaillement en eau et en nourriture, afin de lever l’ancre dans la soirée. Nous ne devrions plus faire d’escale avant Lourenço Marques et ensuite, Djibouti !

Les pirates s’exécutèrent, il était aux alentours de dix-huit heures lorsqu’ils finirent d’approvisionner la réserve à munitions, et il leur fallut une heure de plus avant que tout le monde ne soit prêt à appareiller en direction de la pointe de la péninsule du Cap. Même si la nuit ne tarderait pas à arriver, Surcouf décida que la sortie était nécessaire, ne serait-ce que pour une heure ou deux. Alors qu’ils passaient la tête du Lion, la montagne marquant l’entrée de la baie de la Table, Nid-de-Pie signala une frégate anglaise à l’approche, leur faisant face. Par prudence, Surcouf décida de changer de cap, direction N-N-O afin de laisser la frégate, qui devait sûrement rejoindre le port du Cap, passer dans leur dos. Cependant, la frégate les imita, faisant cap sur l’Isle Robben. Même si le vent frais qui soufflait d’Est en Ouest devait sûrement motiver cette manœuvre de la part des Anglais qui se voyaient dans l’impossibilité de virer de bord, au risque de se retrouver face au vent ou, pire, de trop se rapprocher des récifs de la côte, Surcouf avait un mauvais pressentiment et il demanda à tout l’équipage de se tenir prêt à changer de cap pour la seconde fois.

— Paré à abattre de 90°.

— Paré, répondit Victarion, à la barre.

— Paré, répéta en écho Azimut, chargée de l’écoute de grand-voile.

— Paré, ajoutèrent finalement Mériadec et Hippolyte, chargés des écoutes de foc.

— Choquez la grand-voile, allez. Gouvernez au 290. Et choquez les focs pour appuyer l’abattée.

Les pirates s’exécutèrent et le navire commença à pivoter sur lui-même, s’alignant avec le sens du vent pour sortir de la trajectoire du navire Anglais. Devant eux, le soleil affleurait la surface de l’eau, à l’horizon, jetant sur la baie de la Table des ombres jaunes, oranges et rouges, aussi rouges que le drapeau britannique qui flottait à la poupe de la frégate.

— Comme ça ! Ordonna Surcouf lorsque le Renard atteignit le cap voulu.

— 295° Ouest, lut Azimut sur sa boussole.

— En route au 295, répéta Victarion.

Le capitaine se rendit à la poupe du cotre pour observer ce que prévoyait de faire la frégate anglaise, garder son cap pour rejoindre le Port, ou bien abattre à son tour, auquel cas ses intentions ne feraient plus aucun doute. Au grand dam de Surcouf, le navire britannique n’avait aucun désir de rejoindre le Cap, et il manœuvra à son tour pour se porter à la hauteur du cotre.

— Mais qu’est-ce qu’ils font ? s’énerva Tuba.

— Ils sont complètement… Eh ! Regardez ! S’écria Andy.

Les sabords de la frégate étaient en train de se relever un par un, exposant dans leurs ouvertures carrées les douze canons de huit livres et les quatre canons de quatre livres de sa bordée. Surcouf prit des mains d’Azimut la longue-vue que la navigatrice tenait et scruta le pont à la recherche de l’homme qu’il ne souhaitait voir pour rien au monde à cet instant.

— Calloway ! pesta-il. Branle-bas de combat ! Tout le monde sur le pont ! Aux canons ! Paré à faire feu !

Les ordres du capitaine fusèrent, témoignant de la rage qui l’animait et les hommes coururent se mettre à leur poste. Les navires étaient à environ deux encablures de large l’un de l’autre, mais le Renard était en avance sur son poursuivant de quelques dizaines de brasses. Cependant, l’allure au grand largue qu’adoptaient les deux navires était en faveur de la frégate, et le vent qui soufflait à près de vingt-cinq nœuds ramenait celle-ci inexorablement sur le cotre corsaire. Désormais, le soleil était complètement caché, et l’obscurité envahissait progressivement le ciel et l’océan, entourant les deux navires d’un halo de pénombre. Finalement, la frégate de Calloway rattrapa le Renard.

Ils vont nous envoyer une bordée, pensa Surcouf. Il nous faut à tout prix éviter un affrontement direct, nous ne résisterions pas à la puissance de cette frégate. Il regarda autour de lui, sentant le vent et les embruns sur son visage. Il nous faut perdre de la vitesse, afin d’empanner sous sa poupe, et ainsi lui échapper en filant vers le Sud.

— Choquez la grand-voile, maintenant, il nous faut réduire l’allure, Alizée, monte avec tes hommes prendre un ris dans le hunier, Mircea, Singh, Hippolyte, serrez la trinquette et le clinfoc. Je veux que l’on réduise l’allure au maximum. Préparez-vous à empanner au 180, bâbord amure.

Trop tard. Les navires étaient déjà bord à bord. Sur la frégate, l’ordre de Calloway fusa, porté par les flots jusqu’aux oreilles des pirates, suivi de la détonation des canons. Instinctivement, les pirates se baissèrent au moment de l’impact. CRAC ! Le bois éclata en projetant un nuage de débris sur le pont. Heureusement, un léger changement dans la force du vent et une erreur de correction du barreur anglais avaient légèrement fait dévier l’axe de la frégate sur son étrave, l’inclinant de quelques degrés supplémentaires. Il n’en fallut pas moins pour que les boulets ne filent au-dessus de la coque du Renard, et si la plupart d’entre eux ne firent aucun dégât, deux boulets firent cependant voler en éclats la rampe du bastingage bâbord, et un troisième transperça la Brigantine. Plus grave encore, un boulet avait heurté le grand-mât de plein fouet et l’avait transpercé de part en part. Ce dernier s’était affaissé de trente centimètres et tanguait dangereusement. Törmund et Amund se ruèrent dessus pour le tenir en équilibre, à bout de bras. Perchée en haut de la vergue de hunier, Esme avait glissé au moment de l’impact, et était suspendue au-dessus du vide, maintenue par le bras salvateur de son frère.

— Le mât, il faut stabiliser le mât ! hurla Tag dès qu’il se rendit compte du danger. Andy, Tuba, tournez les haubans aux cabillots, Phaïstos, Wardin, faites de même pour les étais du grand-mât ! Allez, tournez, tournez, encore un tour !

Pendant que les hommes suivaient les ordres de Tag, Surcouf laissa à Zélia le soin d’orchestrer l’empannage, préférant se diriger vers Xao pour organiser la riposte.

— Nous allons passer à la poupe de la frégate, dit-il. De combien d’hommes disposes-tu pour contre-attaquer ?

— Oscar, Heuer, Natu, Mériadec, Skytte, Dents-Longues et moi, répondit l’artificier.

— Bien, et combien de canons peux-tu manœuvrer avec ces hommes ?

— Étant donné que la plupart d’entre eux n’ont pas participé aux entrainements, je dirais deux, trois au maximum.

— Bien, alors, répartissons-nous sur les canons les plus puissants, et je veux que l’on vise le gouvernail de cette charogne de Calloway. C’est notre seule chance de nous en sortir, compris ?

— Compris, répondit-il. Branle-bas de combat, tout le monde à son poste !

Suivant les ordres de Xao, les pirates restant se répartirent sur les trois canons centraux du cotre, celui de douze livres, et les deux de six livres qui l’entouraient. Xao, se mit à la mire de la plus lourde des pièces de batteries, accompagné de Natu, Dents-Longues et Mériadec. A sa droite, Skytte fut désigné chef de pièce du canon de six livres, assisté de Rasteau et Heuer. A sa gauche, Surcouf rejoignit Oscar et Cebus, qui étaient déjà en train d’introduire la gargousse remplie de poudre dans la gueule du canon.

— Refoulez ! ordonna Xao.

Surcouf, Mériadec et Heuer à la droite des pièces d’artillerie enfoncèrent leur gargousse au fond du canon à l’aide d’un refouloir, un grand bâton muni d’une tête cylindrique permettant d’assurer la poudre au fond du canon. Ensuite, Cebus, Dents-Longues et Rasteau introduisirent tour à tour le boulet et le valet dans la gueule du canon. Le capucin s’était entrainé à la manœuvre des canons avec Oscar et connaissait parfaitement son rôle.

— Refoulez ! répéta Xao, son ordre immédiatement suivi par l’action des hommes situés à droite des pièces.

— En batterie ! Palanquez !

Conjointement, les neuf hommes et Cebus mirent leurs pièces en batterie, en tirant sur les palans de côté. Habituellement, cette action était effectuée par une demi-douzaine d’hommes par canon, mais les habiles systèmes de poulies élaborés par Tag et Heuer permirent aux pirates de réaliser cette manœuvre en divisant par deux le nombre d’hommes nécessaire. Pendant ce temps, le reste de l’équipage avait suivi les ordres de Zélia, et le cotre empannait doucement, sa voilure réduite au maximum, afin de passer sous la poupe de la frégate.

— Dégorgez, ordonna l’artificier chinois en perçant la gargousse au niveau de la lumière du canon, imité par Oscar et Skytte, munis de leurs dégorgeoirs respectifs.

— Amorcez !

Ils firent couler une trainée de poudre jusqu’à la lumière du canon, afin de servir d’amorce pour la mise à feu. Désormais, l’étambot de la frégate leur faisait face, et ils purent lire le nom du navire, HMS Surprise, inscrit en lettres d’or au-dessus de la cabine du capitaine.

— Pointez ! Ordonna Xao.

Se servant de leurs deux pouces dressés, placés sur la plate-bande de culasse, Oscar, Skytte et Xao effectuèrent un dernier cadrage de l’objectif, visant le gouvernail de leur adversaire.

— Au boutefeu ! hurla Xao

— Au boutefeu ! répétèrent en écho Oscar et Skytte, une fois leur mire ajustée.

Alors, Dents-Longues, Surcouf et Heuer mirent feu aux amorces qui s’embrasèrent dans un « pschiiiiiit » annonciateur de la détonation finale. Bang ! les trois canons furent violemment projetés en arrière par le recul de la déflagration, et les boulets de six et de douze livres s’envolèrent au-dessus des eaux sombres de l’Atlantique. Le temps sembla suspendu pendant quelques secondes, les pirates rendus aveugles et sourds sous l’effet de la détonation, semblaient dans un état d’hébétude expectative, puis que les projectiles finirent leur course sur le safran du gouvernail du Surprise qui vola en éclats.

— Hourra ! hurlèrent les pirates.

— Ne nous réjouissons pas trop vite, la frégate de Calloway est certes impossible à manœuvrer pour l’instant, mais nous ne sommes pas tirés d’affaire pour autant. Azimut, dans ma cabine, il nous faut étudier nos options.

Après une longue discussion, Surcouf et Azimut estimèrent qu’il était plus prudent pour eux de remonter vers le Nord et d’aller se cacher derrière l’Isle Robben, hors de la vue de Calloway, afin de réparer leur mât endommagé. A la faveur de la nuit, et sans allumer aucune lanterne, ils virèrent donc de bord, passant au large du Surprise qui était immobile, comme une tortue sur le dos. Les chaloupes de la frégate anglaise avaient été mises à l’eau, et les gabiers ramaient de concert, halant leur navire au moyen des énormes aussières qui servaient habituellement à son amarrage. Silencieux comme une ombre, le Renard dépassa son adversaire du soir pour se diriger vers la masse sombre de l’île.

Le lendemain matin, Surcouf envoya Mériadec, Esme et Alizée en ville, à bord de l’Argonaute, dont le nom avait été maquillé, pour plus de discrétion. Les trois pirates étant restés avec Surcouf à bord du Renard, la veille, ils ne risquaient pas d’éveiller l’attention d’éventuels espions à la solde de Calloway. Leur mission était de récolter des informations sur le sort du Surprise et ses intentions, afin de permettre aux pirates d’agir en conséquence. Pendant ce temps, Surcouf se chargerait de faire le point sur les dégâts du cotre avec Tag et Heuer.

— Les dégâts sur le bastingage sont minimes, et n’ont emporté que quelques centimètres de bois, conclut Heuer, faisant son rapport au capitaine. Je pense qu’en le ponçant quelque peu, nous obtiendrons un résultat plus que satisfaisant. Concernant la brigantine, Alizée m’a dit qu’elle s’en chargeait, et que c’était l’affaire d’une après-midi, tout au plus.

— Là où le bât blesse, cependant, c’est en ce qui concerne le mât, reprit Tag. Les dégâts sont tout de même importants, et nous ne pouvons pas nous permettre de le conserver dans cet état. Nous avons pensé à deux solutions. La première serait de fabriquer un nouveau mât, mais, après un rapide coup d’œil sur l’île, il n’y a pas d’arbres appropriés. Il nous faudrait donc nous rendre sur le continent afin de trouver le matériau nécessaire. Cela devrait nous prendre un mois, un mois et demi.

— Impossible, les délais sont beaucoup trop importants. Je ne peux pas me permettre de rester immobilisé ainsi pendant un mois, qui plus est avec Calloway dans les parages. Quelle est la seconde option ?

— Réparer le mât que nous avons déjà. Cependant, cela signifierait que nous devrions raboter les extrémités abimées, poncer, réassembler les deux pièces et trouver un moyen de consolider le tout. Sans parler du gréement dormant, qu’il faudra complètement réadapter à la nouvelle hauteur du mât.

— Et combien de temps devrait prendre ce manège ? demanda Surcouf.

— Environs 3 semaines, répondit Heuer. Nous avons calculé que c’est à peu près le temps qu’il faudra à Calloway pour avoir un nouveau gouvernail. Aussi, nous serions prêts à réagir, si d’aventure il décidait de bouger dans cette direction.

— Bien, faisons ainsi. Je compte sur vous pour résoudre les problèmes techniques concernant la réalisation de cet ouvrage. Si je vous ai recrutés, c’est parce que vous êtes les meilleurs, alors prouvez-le.

Le capitaine quitta les deux ingénieurs, déjà absorbés dans une conversation passionnante au sujet des forces de tractions exercées sur le mât. Il se laissa aller à ses pensées, qui revenaient sans cesse à Calloway. Comment diable a-t-il pu savoir où je me trouvais. A-t-il suivi notre piste depuis l’île de la Tortue ? Depuis Buenos Aires ? Sa présence ici est-elle le fait du hasard ou bien Calloway était-il ici pour Oscar ? Avait-il connaissance du fait que nous étions à la recherche du trésor des Bénédictines ? Autant de questions qui ne trouvèrent pas de réponse.

Alizée, Mériadec et Nid-de-Pie ne revinrent qu’en fin de journée, et firent un rapport des plus accablants à Surcouf. Calloway avait réussi à rejoindre, à la rame, la baie False, où il mouillait afin de réparer son gouvernail. Cette information, aussi mauvaise fût-elle, balayait tous les doutes du corsaire concernant les intentions de l’Amiral britannique. En se positionnant ainsi, il bloquait l’entrée de l’océan Indien, et forçait Surcouf, s’il souhaitait le contourner, à un détour de plusieurs semaines de navigation, opposant son navire aux cinquantièmes hurlants, et prenant le risque de croiser la route des icebergs qui, de nuit, étaient plus dangereux que tout. Toute la soirée, il discuta avec Azimut des différentes solutions qui étaient à leur disposition, sans arriver à un accord. C’est finalement Skytte, qui, venant annoncer à Surcouf la fin de son quart, trouva le capitaine et la navigatrice en pleine réflexion, et évoqua le plan qui règlerait tous leurs problèmes. Sans perdre une minute, Surcouf réunit tout l’équipage sur le pont, afin d’informer ses hommes de la marche à suivre, et d’être opérationnel le lendemain à la première heure. Il étala sur une table de bois une carte de la région, et exposa à tous le plan élaboré par Skytte.

— Nous sommes ici, et Calloway nous attend là, montra-t-il sur la carte. Il nous bloque le passage vers l’Indien, porte d’entrée vers le reste de l’Afrique. Nous avons donc pensé à l’en déloger.

— Comment ? demanda Oscar.

— En l’attaquant ? proposa Dents-Longues.

— Non, répondit Surcouf. Nous allons lui tendre un piège. Voilà. Le plan est simple. Le Surprise devrait mettre trois semaines à réparer, et nous aussi, donc nous sommes à l’abri, du moins pour l’instant. Sitôt réparé, Calloway pourra décider de rester en position, ou alors de venir nous chasser par ici. Mais, connaissant l’homme, je sais qu’il saura tempérer son équipage, et préfèrera attendre que nous venions à lui. Alors, voilà ce que nous allons faire. Dès demain, je vais débarquer, avec cinq d’entre vous, sur le continent, au Nord de l’île. Nous irons par la savane jusqu’à la ville la plus proche, Mossel Bay, qui se trouve à deux semaines environ, en marchant à un rythme soutenu. Arrivés là-bas, nous nous ferons connaître dans toutes les tavernes et auberges du port, et ferons énormément de bruit, afin que les nouvelles de notre passage parviennent jusqu’aux oreilles de Calloway. Nous hisserons le drapeau français à bord d’un cotre de pêcheur que nous aurons payé, et ferons voile en annonçant à haute et intelligible voix notre destination : Lourenço Marques ! Une fois la nouvelle apprise, Calloway foncera à notre poursuite, mais nous ne serons pas vraiment partis, et attendrons calmement que vous arriviez avec le Renard, une fois la voie dégagée. C’est clair ?

— Limpide, répondit Zélia. Mais une fois que les Anglais en faction au Cap ou à Mossel Bay nous auront vu passer à la suite de Calloway, ne vont-ils pas avertir leur chef de notre ruse ?

— Si justement, c’est là que Wardin a toute son importance. Il se tourna vers l’ornithologue. Ton aigle, Balaïkhan, pourra-il se charger d’intercepter toutes les communications, pendant cet intervalle de temps ?

— Oui, évidemment, le pigeon est son plat préféré, avec le renard.

— Parfait, conclut le capitaine. Andy, Phaïstos, Singh, Amund ! Allez-vous reposer. Nous partirons demain à l’aube.

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