Chapitre 5 : Partie 5/5

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Elle devait faire quelque chose ! Poussée par l’adrénaline, Eileen bondit à son tour, l’arme à la main, et hurla pour calmer sa peur. Avant même de comprendre si elle avait réussi ou non à l’atteindre, ses doigts lâchèrent la poignée de l’épée et ses bras s’enroulèrent autour d’une des cornes du trausöl qui agitait la tête avec fougue. Le sol se déroba sous ses pieds, son corps se souleva dans les airs et une douleur aigüe la frappa en plein dans le ventre. L’impact étrangla son cri. La seconde suivante, son dos heurtait le sol. Incapable d’hurler, seuls quelques gémissements s’échappèrent de ses lèvres sèches, vite remplacés par une quinte de toux qui la prit de court. Elle bascula à droite et se redressa, juste le nécessaire pour cracher le sang qui coulait dans sa gorge. Ses muscles se tordaient au moindre geste mais heureusement, ses os n’étaient pas brisés. Etourdie, il lui fallut un moment pour comprendre ce qui lui était arrivé : les défenses de l’animal l’avaient éjectée comme le vent chassait une pauvre feuille. Gaël et le trausöl se trouvaient plus éloignés, peut-être à plusieurs mètres de là... Eileen distinguait mal les alentours. La vue brouillée, elle ne voyait que deux silhouettes approximatives qui se mouvaient.

Soudain, quelque chose fut projeté tout près d’elle. Elle perdit l’équilibre sous le coup de la surprise et se rattrapa sur les coudes. Ses yeux s’agrandirent. L’épée de Gaël se précisait juste devant ses pieds, profondément ancrée dans le sol. Son estomac se noua et son cœur se mit à battre à tout rompre. Elle se remit sur pieds avec maladresse et tituba en cherchant le commandant du regard. Elle crut que ses yeux allaient rouler hors de leurs orbites, tant elle les écarquilla.

Gaël était accroché à l’une des cornes de la bête, le corps dans le vide et vivement secoué. S’il venait à lâcher prise, aucun doute que ses sabots le piétineraient. Le trausöl s’agitait dans tous les sens, donnait de grands coups de tête à droite, à gauche, et frappait le sol de toutes ses forces. Mais le commandant tenait bon. Plus Eileen le regardait, plus elle retenait sa respiration. Elle progressait à pas comptés dans sa direction, chaque foulée lui demandait un effort surhumain.

Gaël parvint à se hisser sur la bête et la chevaucha. Par chance – un miracle ? – le trausöl, qui chancelait, se rapprocha d’un arbre aux longues et larges branches. Ni une ni deux, le commandant s’élança et s’y jucha in-extremis. Il y demeura immobile un moment, sans doute pour reprendre son souffle, tandis que le bovidé remuait toujours, perturbé. Ce ne fut qu’après de longues secondes qu’il se rendit compte que son parasite ne le montait plus. La pause fut de courte durée, le trausöl se mit à percuter le tronc de ses puissants flancs pour le faire tomber de son perchoir. Eileen s’arrêta, essoufflée et tiraillée de toutes parts. Elle se courba pour prendre appui sur ses genoux mais se figea quand son dos craqua. Elle geignit entre ses dents serrées. L’arbre menaçait d’être déraciné à tout instant. Elle réunit ses dernières forces et s’époumona :

- Tiens bon, Gaël !

Aussitôt, le trausöl détourna son attention de sa proie et fixa Eileen de ses yeux minuscules et trop rapprochés. Ses petites oreilles, rabaissées jusqu’alors, se dressèrent promptement et son souffle brusque souleva la poussière devant lui.

- Eileen, cours !

La voix de Gaël résonna trop tard. La jeune femme n’avait plus la force de bouger et la bête fondait déjà sur elle. Il ne fallut qu’une poignée de secondes pour que la collision eût lieu.

Les bras tendus, des larmes nichées dans ses yeux, Eileen n'entendait plus qu'un bruit strident, ne voyait plus qu'une masse noire. Ne ressentait plus qu'un terrible froid. Ses mains lui procuraient une effroyable sensation. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait. Terrifiée, seuls ses yeux pouvaient encore bouger. Sa vue se précisa. Elle se pétrifia.

Deux longues lances de glace de presque deux mètres sortaient de ses paumes et étaient fichées dans la tête de la bête, de part et d’autre de sa corne centrale.

Elle n’eut le temps de se remettre de ses émotions que ses armes meurtrières se mirent à fondre et le trausöl s’effondra, inerte. Vidée de ses forces, Eileen succomba à son propre poids. L’eau réintégrait son corps pendant qu’une douleur inimaginable tenaillait ses mains. Une sensation de brûlure, comme celle d’un fer chaud plaqué sur sa peau. La bouche grande ouverte, aucun son n’en sortait. Elle aurait préféré qu’on lui sciât les poignets plutôt qu’endurer ça.

Eileen sentit la bile affluer dans sa gorge et un violent tournis fouetta son crâne. Elle sombra.

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