Chapitre 6

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Andréa file dans la salle de bain essayer sa robe. Suivie de près par son double, qui ne se sent plus aussi forte face à la concurrence et ne veut pas se retrouver seule avec cette dame qui fait chavirer tous les cœurs.

« Elle a trop bien choisi ! » s'exclame Andréa en se contemplant dans le miroir.

Manon enfile, elle aussi, l'ensemble blanc et sourit à leurs reflets dans la glace.

« Viens, on va se montrer ! » l'entraîne sa soeur.


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Gladys les regarde défiler devant leur père. Lui s'occupe de déballer, dans de jolies assiettes, falafels, samboussiks aux épinards et au fromage, feuilles de vignes farcies et hommos, pendant que la moussaka réchauffe.

« Vous êtes superbes ! dit-il.

— On peut les garder pour manger ? implore Andréa.

— Si vous faites attention à ne pas vous tacher, tente Gladys.

— On fera super gaffe, assure-t-elle.

— Moi, je vais me changer. » rétorque Manon.


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Quand elle revient, Andréa et Gladys, assises l'une contre l'autre dans le sofa, feuillettent les albums photo. Sur les clichés : deux bébés identiques. Pourtant Andréa prétend se reconnaître. Gladys s'exclame :

« Et cette femme magnifique ! Est-ce votre maman ? »

Manon s'approche alors et s'installe à côté d'Andréa avant de répondre :

« Oui, c'était la plus belle du monde... Hein papa ? » crie-t-elle, provocante.


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Richard s'approche, s'assied contre Gladys et l'entoure d'un bras protecteur. Manon regrette aussitôt de lui avoir laissé cette place.

« Oui ma chérie, ta mère était une reine, dit-il, en embrassant Gladys sur le front.

— Vous lui ressemblez beaucoup toutes les deux. » ajoute-t-elle.

Le repas se déroule sans accroc. Tous se régalent et les filles papotent volontiers de ce qu'elles aiment ou pas à l'école.

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Vers vingt et une heures, le téléphone de la maison sonne. Les fillettes se précipitent pour répondre, parlent à tour de rôle à Mado et Jean, à qui elles énumèrent les différents moments de la journée. Les grands-parents et les petites-filles vont pouvoir aller dormir tranquilles. Elles embrassent Gladys et disparaissent avec Richard pour le rituel du coucher. Soulagée, elle débarrasse et range la cuisine, se sentant en terrain conquis.


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Richard satisfait et heureux que la soirée se prolonge, en tête à tête, enlace et embrasse l'objet de ses désirs comme un adolescent intimidé. Tous les deux sont confiants. Gladys se sent acceptée.

Ils échangent leurs impressions concernant les jumelles et se félicitent mutuellement de la façon dont ils ont géré la situation.

Richard tait qu'Andréa a demandé :

« Elle revient quand ? »

Et Manon :

« À quelle heure elle s'en va ? »


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Au contraire, il déclare un brin cérémonieux :

« Tu sais que nous avons décroché le contrat de Kyoto. Je vais devoir m'y rendre en février et je voudrais que tu m'accompagnes, mon amour.

— Au Japon !

— Ben oui, ma chérie », s'esclaffe Richard en l'embrassant fougueusement.

Certain de lui faire plaisir, il n'attend pas de réponse. Ce voyage aura un petit goût de lune de miel. Gladys, déstabilisée, dissimule sa peine et multiplie ses baisers.


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Ils se glissent à pas de loup dans la chambre de Richard qui, l'index sur les lèvres, la déshabille sensuellement après avoir lancé Miles Davis. Gladys lâche prise sous les caresses de son amant. Ils font l'amour au rythme des cuivres langoureux, puis s'endorment dans les bras l'un de l'autre. Lui, comblé de retrouver dans son lit chaleur et plaisir, elle, fatiguée et très attristée de ne pas pouvoir le suivre à Kyoto.


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Bien que ses démarches suivent leur cours dans le labyrinthe administratif, le tribunal n'a toujours pas validé sa demande. Même avec un avis favorable - ce que Murat s'entête à lui garantir - elle n'obtiendra jamais son passeport biométrique à temps. Elle n'en peut plus d'inventer des prétextes, de trouver des excuses, de mentir. D'être contrainte de refuser de partir avec Richard, alors que c'est ce qu'elle désire le plus au monde...


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Les jumelles, n'ayant consommé ni vin ni champagne, se réveillent en pleine forme aux premières lueurs du jour. Le silence règne en maître dans la maison. Elles enfilent leurs chaussons et se bousculent pour gagner la chambre paternelle, où elles sont admises chaque dimanche matin. Manon pétrifiée s'arrête net quand, de la porte entre-baillée, elle constate que la place est prise. Andréa laisse échapper un « aie » en buttant contre sa sœur.


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Elles échangent un regard consterné et rebroussent chemin jusqu'à leur lit. Les yeux noirs de Manon crachent des flammes de colère, ceux d'Andréa du désespoir. Elles se sentent trahies. Cette femme leur prend leur père.

« Et maintenant, tu es contente ?! éructe Manon, entre ses dents.

— Non » pleurniche Andréa.

Manon chiffonne les vêtements offerts la veille par leur rivale et les jette à travers la pièce.


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Elle laisse sortir sa rage :

« Cette fois-ci c'est la guerre ! Elle peut se les garder ses cadeaux ! » dit-elle, rejetant cette belle-mère qu'on veut lui imposer et en colère de s'être laissée acheter.

Andréa, recroquevillée sous sa couette, ferme les yeux et espère que lorsqu'elle les rouvrira, Gladys aura disparu. Elles retourneront alors, comme si de rien n'était, chahuter dans le lit de papa et retrouveront leur vie d'avant.


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Le cerveau de Manon tourne à plein régime. Puisque "l'autre" est restée, ce sont elles qui partiront. Elle secoue Andréa et lui ordonne de s'habiller en vitesse.

« Pour quoi faire ? Laisse-moi tranquille...

— Grouille je te dis ! On se tire, magne-toi !

— Quoi ?!

— Tu préfères rester là avec elle, ou tu me suis ? la défie Manon.

— Je viens avec toi... mais on va où ?

— T'inquiètes, j'ai un plan ! » annonce sa sœur comme dans les films.


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Andréa cesse de questionner et s'exécute quand Manon ordonne de prendre des affaires de rechange. En quelques minutes, les jumelles sont encapuchonnées dans leurs manteaux, baskets aux pieds. Manon tourne sur elle-même dans le salon, à la recherche d'elle ne sait pas quoi. Elle aperçoit le joli sac brillant de Gladys et s'en empare. D'un signe de tête, elle donne le top départ. Sans bruit, la porte de la maison se referme sur elles.


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Plus tard, les amoureux se réveillent côte à côte presque surpris, ce n'était pas ce qu'ils avaient convenu.

Il l'invite à prendre son temps et enfile son peignoir. La maisonnée est calme. Soulagé que les petites dorment encore, Richard se rend à la cuisine, met le lait sur le feu et lance la machine à café.

Lorsqu'il découvre la chambre des filles vide, il hurle leurs prénoms.

Mais seule Gladys arrive ayant perçu la détresse de ses appels.

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