3. Tranquilize, fantasize

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Jin

Je prends une décision qui risque de ne pas plaire à mon président, mais que je pense nécessaire.

  • Attends moi là, je reviens.

Je sors à toute vitesse du sous-sol, et vais chercher dans le frigo ce qui m'intéresse.

Je redescends, et tends à la doc le sac.

Elle me lance un regard méfiant sous les protestations de mes frères.

En ouvrant le sac et en sortant le contenu, ses yeux s'ouvrent en grand.

  • Par les cornes de Satan...

OK, j'adore cette nana.

  • Je pose la question, ou c'est pas la peine ?
  • On nous a laissé ça plus tôt dans la journée.
  • Vous savez qui c'est ?
  • Oui. C'était l'un de nos membres, intervient Baram.
  • Et le corps ?
  • On l'a pas. On a eu celui là en prime, dit-il en faisant référence à la dépouille déjà autopsiée.
  • Donc, si je résume la chose, on a une tête, et un corps qui sont dans la nature. Génial.

Elle met la tête sous la lampe et la regarde sous toutes les coutures.

  • Comme pour l'autre, tête arrachée post-mortem. Par contre, je dirais que ce sont plus des marques de tronçonneuse que de scie à dents. Notamment au niveau de la coupe des os.
  • Et tu peux savoir quand il est mort ? Et de quoi ?
  • J'ai pas le reste du corps. Mais si je pars du principe qu'il est dans le même état que celui-là, bien joué beau gosse, tu viens probablement de me donner la solution à ces énigmes.

Je relève la tête et bombe le torse, tout fier.

  • Écoutez, il va me falloir d'autres appareils pour définir la cause exacte de la mort. Pas de marque de strangulation, de ce que j'ai pu examiner, pas de poison dans le sang, et ils n'ont pas succombé à leurs blessures. C'est quelque chose d'autre et je sais pas encore quoi.
  • Merci Doc, lancent mes frères.

Elle enlève ses gants et son masque, puis va se laver les mains.

  • Bon, super. Il est cinq heures du matin, je suis censée être à la morgue à huit heures.
  • Il t'est arrivé quoi dans ta vie pour vouloir faire ce métier de plein grès ?
  • J'aime les morts ?
  • Et il s'est passé quoi pour que tu les aimes, rigole Tello.
  • Pas grand chose. Je suis pas une fille très intéressante. J'ai pas un passé complexe ou quoi que ce soit. Je suis pas folle à lier, mon père a pas essayé de me tuer, je me suis pas noyée, je suis ni toxico, ni alcoolique et j'ai pas été manipulée par un taré.

Houla. Pour être directe, elle l'est.

  • Je suis pas l'héroïne d'une mauvaise histoire. Juste une fille qui aime la tranquillité, les zombies et les morts.
  • Docteur Frankenstein.
  • Ouais carrément ! Prendre plusieurs parties de plusieurs corps différents et les assembler, ça c'est carrément mon trip.

Elle est trop bizarre.

  • Tu pouvais pas être croque-mort ?
  • T'éventre pas des gens quand t'es croque-mort.

Je me mets à rire.

  • J'aurais probablement fini ma vie avec un macabé, si il y avait pas eu le souci de l'entrejambe qui fonctionne plus.
  • C'est si triste, lui lance Derek.
  • Oh que oui. Tous les mecs vivant que je connais sont trop emmerdants, envahissants et pas assez…
  • Morts, demandais-je.
  • Ouais. Ils parlent, ils font du bruit, j'ai pas que ça à faire.
  • Je sais me faire discret. Et je peux me maquiller comme un mort si tu veux. Alors, on couche ensemble ?
  • OK.

Elle s'approche de moi et me roule la pelle de ma vie.

Je réponds à son baiser, et la relève. Elle passe ses jambes autour de ma taille, et j'avance pour la bloquer contre la table.

Un raclement de gorge nous interrompt.

  • Quoi ? Ça va il peut pas nous voir, il a plus de tête. Il va pas se relever pour nous dire d'arrêter hein.

Mais c'est quoi cette meuf ?

Elle repose ses pieds au sol et réajuste sa blouse.

  • Si tu veux, tu peux utiliser la douche dans l'une des salles de bains du clubhouse, propose notre Président.
  • Béni soit Lucifer.
  • Ouais, prends la mienne, dis-je.

Elle échange quelques mots avec Derek concernant leur affaire en cours, puis elle me suit jusqu'à la salle de bain.

  • T'as pas envie de poser de questions ?
  • Pas vraiment. C'est pas mes affaires.

C'est vrai.

  • D'ailleurs, comment tu t'appelles ?

Elle se met à rire.

  • Appelle-moi comme tu veux. Donne-moi le nom qui te ferait plaisir.
  • Même si c'est un nom de merde ?
  • Ce serait pas gentil ça.

Je lui ouvre la porte de ma chambre, et c'est le bordel.

  • Désolé. Le rangement et moi, ça fait deux.
  • Avec moi aussi ça fait deux, je te rassure. Chez moi t'as l'impression qu'il y a eu une apocalypse zombie.

Les fameux zombies.

  • La salle de bain est là. Prends ton temps. Tu bois du café ?
  • Non, j'aime pas ça.

Elle grimace.

  • Thé ?
  • Ouais carrément.
  • OK. Prends ta douche, j'envoie les prospects à la boulangerie. On prendra un petit déj tous ensemble.
  • Je peux très bien rentrer chez moi directement aussi…
  • Tu nous rends service, c'est la moindre des choses !

Elle sourit et s'enferme dans la petite pièce.

Je descends dans la grande salle et commence à gueuler mes ordres aux prospects.

  • Ne crie pas Jin, me dit doucement Line. Certains de tes frères ne pouvaient plus tenir et sont allés dormir.
  • Désolé. Pourquoi tu es debout d'ailleurs ?
  • Je me disais que vous auriez eu besoin de moi. Alors je suis venue aider. Puis Polly m'a réveillée pour manger, je n'arrivais pas à me rendormir.

La table est dressée, le café chaud, l'eau pour le thé bouillante, et les viennoiseries disposées un peu partout.

La doc apparaît dans les escaliers, et Derek lui dit de nous rejoindre. Elle s'exécute et vient s'asseoir près de moi. Puisqu'à côté de Derek, il y a Tello qui est affalé et endormi, comme si il était chez lui.

  • Va falloir que je passe au bureau du procureur, lâche-t-elle.

Tout le monde arrête ce qu'il était en train de faire.

  • Ce sera plus rapide que de rentrer chez moi, et d'aller au travail. Je peux pas aller bosser avec cette tronche. C'est moi qui découpe les morts, je suis pas censée leur ressembler. Et une nuit sans sommeil ça laisse des traces.

Effectivement, elle a le teint bien blanc et de très grosses cernes.

  • Je te prête mon maquillage, ne t'embête pas, propose notre première dame.
  • Pourquoi le bureau du procureur, demandais-je.
  • Pose pas de questions.

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