Ombre (scène 1)

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Perdue au milieu d'une immensité blanche de nuages, sur une île flottant dans le ciel, une alarme retentit. Porté par les vents, le son des cloches aux sonorités discordantes et aiguës pétrifia d’effroi les habitants du village. Le temps se figea, jusqu’à ce qu’un cri de terreur ne provoque la panique générale. En quelques instants seulement, les champs furent désertés et les étals abandonnés.

— Que se passe-t-il ? demanda en vain le marchand à des villageois terrorisés qui s’empressaient de regagner leur maison.

Bailram venait tout juste de débarquer. Contrairement à ses habitudes, il avait emprunté le corridor des Griffes pour atteindre Astraée. La petite île céleste de Naoquia lui avait semblé être un endroit paisible pour faire une halte et écouler ses marchandises. En outre, il présageait d’instinct qu’une incroyable opportunité s’offrirait à lui.

Décidé à obtenir des réponses, il barra la route à l’un des fuyards et le saisit durement par le bras.

— Que se passe-t-il ici ? Quel est ce chaos ?

Le villageois tenta de se dégager, mais lorsqu'il constata qu'il ne parviendrait pas à se défaire de la poigne du marchand, il se mit à le supplier.

— Pitié, pitié, ne restez pas là, il faut fuir !

— Fuir ? Que faut-il fuir ?

Une lueur de folie traversa le regard du villageois.

— L’Ombre arrive! hurla-t-il.

Bailram lâcha avec dédain le malheureux qui se réfugia dans sa chaumière.

— Qu'en penses-tu ? demanda-t-il à sa garde du corps, tout en faisant courir ses doigts sur sa longue barbe noire, soigneusement entretenue.

La jeune femme observait la scène avec un regard perçant. Vêtue d'une simple tunique de soldat recouverte d'un pourpoint en cuir, elle scrutait les environs d'un œil attentif. Sa main était posée sur la garde de son épée et elle avait instinctivement fléchi ses jambes, prête à faire face à la menace invisible.

— Je ne connais pas l’Ombre, lâcha-t-elle d'une voix détachée.

— Bien entendu. Ne penses-tu pas qu'il puisse s'agir d'une opportunité pour nous ?

La garde du corps fronça les sourcils, étirant les tatouages linéaires qui striaient son visage.

— Oppor-tu-nité ? répéta-t-elle péniblement avec un fort accent aldarian.

Le marchand se mordit la lèvre inférieure et fit rouler ses yeux.

— Oui, une chance de devenir plus riche. Et plus célèbre, ajouta-t-il. Cette région est loin d’être aussi isolée qu'on ne le pense. Si la menace était bien réelle, les cohortes caelysiennes auraient depuis longtemps investi les lieux.

La jeune femme sembla réfléchir quelques instants.

— Que proposes-tu ?

Les yeux de Bailram s'illuminèrent et un sourire carnassier éclaira son visage basané.

— Il est temps de briser quelques mythes et de capturer cette Ombre !

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