32 : Last minute

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... il attendait à l'aérogare de Guangzhou Baiyun.

La seconde file au-devant du chapelet des suivantes. Leur cortège linéaire ou serpentaire pointille le chemin à emprunter par les nombreuses minutes qui s'engouffreront les unes après les autres. Lorsque la première heure accouche, le passage des prochaines s'avère moins douloureux. En public, les jolies filles m'indiffèrent. Je n'aime pas participer à cette mascarade collective du nombrilisme rutilant exposé par ces imitatrices d'images de catalogue qui, comme le papier, me glacent le sang. J'aime les femmes chargées d'un sac à dos, en partance pour de lointaines aventures, celles qui se désintéressent du superflu et ne craignent pas de baragouiner quelques mots de mauvais chinois.

Je vais interrompre votre lecture madame, je prends le relais. On va le préparer. Comment y va monsieur Bertrand ?

Voilà exactement le genre de convictions qui me confortent dans le costume de vieux con revêtu pour l'occasion, jusqu'à ce qu'une exceptionnelle grâce bouscule mon indifférence. Je reporte ma faute contre le sac encombrant qui me sert d'appui-jambes par-devant le siège peu confortable. Elle passe, âgée, ère, entre en collision avec la foultitude de mes pensées. Un mot d'excuse murmuré, un signe de tête indulgent et me voilà en lévitation.

Oh ! Vous avez l'air radieux. On va vous changer pour la nuit. Laissez-moi faire, je m'occupe de tout.

Du visage, je remarque l'uniforme bleu de ses yeux ornés de deux coups de pinceau. Elle griffe l'éclat de ses regards à grand coups de peigne fin.

Voilà monsieur Bertrand, vous êtes tout propre. À plus tard.

Des regards à mon égard dans un aérogare pas bulgare ? Gare à la cougar !

N'hésitez pas à appeler, il y a toujours quelqu'un pour vous, ici.

En la circonstance, les rôles sont inversés, le couguar chasseur de proie campe sur sa position d'étude de la victime.

Ça va mon chéri ?

Un geste répétitif masque un défaut de sa main gantée, un geste habituel devenu si naturel qu'il paraît anodin à force de le remarquer.

C'est l'heure de tes médicaments. Tiens.

Si le noir l'habille de pied en cap, c'est sans doute pour affiner sa silhouette pourtant peu épaisse. Elle ne semble pas supporter les reliefs et quitte à passer pour replète, je lui préfère la tunique lâche au caraco décolleté de sa voisine agrémentée d'une ridicule jupette.

Attends, mon chéri, ton oreiller glisse.

De son visage...

Voilà. Doucement...

Je perçois une ride...

Voilà.

... que dis-je une ride...

Tu as soif ?

... un trait en pointillé qui figure l'arrondi...

Tiens, bois. Doucement. Pas plus ?

... de son front pourtant dissimulé sous une frange de cheveux parfois brillants, parfois châtain obscur.

Tu veux que je reprenne la lecture de tout à l'heure ?

À présent que je retrace son visage sur la toile de mes souvenirs...

Alors, nous en étions au moment où ils se rencontrent, tu te souviens ?

... je sens la nostalgie me gagner.

Vu le nombre d'avions qui partent à l'heure, je ne retiens que celui qui prolongea mon attente. Et c'est seulement lorsqu'elle s'amusi... sa muse.. zait à main... tenir la position du poirier contre le mur de la salle d'embarquement que j'appersse... va sa... son détrace... pas... en forme de... souri...re... Pfft.

Maman, pourquoi tu t'obstines à lui lire et relire la même histoire et en plus lorsqu'il dort ?

Peut-être parce que j'ai envie qu'il emporte avec lui ma voix et qu'elle l'accompagne jusqu'à la dernière minute.

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