Prologue 

5 minutes de lecture

Six ans auparavant

SAMUELE

Breathe Me — Sia

Everything I wanted — Billie Eilish

Les gens disent que le temps guérit les peines, mais il est impossible d’oublier. Je n’arrive pas à m’y résoudre. L’alcool et les drogues me permettent d’occulter ou d’échapper l’espace de quelques heures, au désastre qu’est devenue ma vie.

J’ai honte de celui que je deviens, fatigué de lire de la pitié dans le regard des gens qui m’entourent. Désolé de faire souffrir ma famille, mais je ne serai plus jamais la même personne et plus rien n’a de valeur à mes yeux.

La perte d’un être cher vous change, vous anéantit.

Je sonde la foule devant moi en buvant une gorgée de whisky pur. L’alcool me brûle la gorge, cela me rappelle que je suis toujours en vie, mais qu’elle, elle a disparu. Je me demande si un jour, j’arriverai à faire son deuil.

Assis dans un vieux canapé aussi amoché que mon âme, je me sens si seul ce soir, bien plus que d’habitude.

La musique assourdissante réduit les idées noires, ansi que les doutes qui me bousculent.

Les yeux clos, le visage abattu de mon père s’impose à mon esprit. J’essaie d’atténuer la boule qui se forme dans ma gorge, ma respiration est saccadée et les premiers tremblements de mes mains apparaissent, me rappelant amèrement que j’ai touché le fond.

J’ai beaucoup de regrets. Beaucoup de culpabilité. Je ne suis plus que douleur et haine.

Sono stanco di questo ! ¹

Je sors de la poche de mon jean crasseux le sachet contenant mes pilules d’ecstasy, pour la énième fois de la soirée. Le seul remède à tous mes tourments.

Malgré la douleur lancinante qui me parcourt les joues, j’ai le besoin irrépressible d’en reprendre perpétuellement. Je n’ai plus la force nécessaire de résister et ce soir ne fera pas exception.

Dans quelques minutes plus rien ne pourra m’atteindre.

Avec impatience, je m’empare du dernier comprimé vert qu’il me reste pour ce soir et le gobe.

Comment en suis-je arrivé là ?

Si je pouvais me sortir de cette spirale infernale, je le ferais. Mais je suis devenu bien trop dépendant à cette merde.

Après de longues minutes, une légère angoisse se propage dans mes membres, mon rythme cardiaque s’accélère et ma mâchoire se contracte sous l’effet de la drogue.

Mais très vite, la douleur est balayée par un état d’apaisement, mon corps se relâche doucement. Je ressens le besoin irrépressible de me mêler à la foule et remarque que la plupart des personnes sont à l’extérieur, alors je rejoins la terrasse.

Le vent me fouette le visage, je ne porte qu’un simple t-shirt usé. La drogue me permet de ne pas ressentir la froideur de ce mois de février. Le monde autour de moi semble si heureux.

Je m’installe sur l’herbe fraîche, avec un groupe qui savère être dans le même état que moi. La fatigue et tous mes problèmes se sont envolés. Je ne sais pas combien de temps je reste là à les regarder.

Des mèches flamboyantes me caressent l’épaule. Je me retourne et croise un regard couleur ébène.

— C'est la première fois que je te vois dans les environs, affirme la nana à mes côtés, en approchant sa main de mon visage.

Le contraste entre sa main froide et ma joue brûlante me fait frissonner.

Je me retiens de souffler d’agacement, pourtant un sourire étire ses fines lèvres.

Les femmes n’apportent que des problèmes et des peines. L’amour rend faible et déraisonnable.

Et si je jouais un peu ?

Les femmes trompent, mentent, pour mieux blesser. Je me nourris de cette rage qui m’anime, elle m’empêche de sombrer totalement.

C’est par leur faute que je suis devenu si cruel !

Je parcours son corps filiforme, sa poitrine se soulève à mesure que je l’étudie, je me mords la lèvre afin de ne pas ricaner. En la prenant par les sentiments, je n’aurai aucun mal à la baiser, sans ressentir une once de culpabilité. Je n’ai plus de conscience.

Je tolère seulement les distractions, les relations sérieuses ne m’intéressent plus.

Le sexe est sans pareil sous l’effet de la drogue, décuplant plaisir et émotion.

— Je m’en souviendrais si on s’était déjà rencontré… dis-je d’une voix suave.

Elle ne répond rien, ma réponse semble la satisfaire.

— Quel âge as-tu, mon beau ?

— Presque 20 ans, réponds-je.

J’enroule une de ses mèches couleur feu autour de mon doigt en continuant de la détailler. Pour être honnête, cette nana ne me plaît pas véritablement, mais quelle importance ?

Elle me fixe de ses pupilles dilatées, je ne sais pas ce qu’elle peut lire dans mon regard, néanmoins cela semble la fasciner.

— Et qu’est-ce que tu fais là ? m’interroge-t-elle.

Je suis décontenancé face à sa question. Je réfléchis pendant quelques secondes.

— Je ne sais pas, avoué-je sincèrement, en perdant de ma superbe.

Une minute plus tôt, j’étais prêt à coucher avec elle sans même connaître son prénom et maintenant je me sens défaillir, mon honnêteté me perturbe. Je ne sais pas ce que je cherche en réalité.

Son visage se voile d’une ombre de tristesse. La rousse se détourne de moi pour parler avec ses amis. Je peux affirmer que cette nana a pitié de moi. Ce n’est pas la première fois que les gens me délaissent ou me tournent le dos, du moins cela reste toujours aussi douloureux.

J’essaye de les écouter, mais j’ai la sensation que mon corps s’engourdit, je suis ailleurs. Je me concentre sur ma respiration pour essayer de calmer mon rythme cardiaque. Rien n’y fait, très vite, ma bouche devient pâteuse et je suis pris de tremblement. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, je ne suis plus un novice pourtant. J’ai envie de hurler, mais je n’y parviens pas, j’émets seulement un son étranglé.

Il faut que je m’allonge pour essayer de me calmer et ne pas céder à la panique. J’ai peur de perdre le contrôle.

Les personnes qui m’entourent semblent si loin. J’ai l’impression de m’évanouir ou de mourir, peut-être les deux à la fois.

Des boucles noires se mettent à danser devant moi, son visage bouleversé se dévoile. Ses yeux bleus n’ont plus leurs éclats. Comment est-ce possible ?

— Il est tout pâle, dit la rousse à l'attention de quelqu'un. Tu m’entends ? semble-t-elle s'adresser à moi.

Une main m’effleure, seulement je ne discerne plus rien à part elle. Je sens sa présence près de moi.

C’est comme si tout ce qui m’entoure avait disparu. Elle semble si réelle. J’essaye de caresser sa joue, mais en vain.

Je n’arrive plus à respirer. Je me retrouve seul face à moi-même. Une nouvelle fois elle a disparu.

Soudain j’ai peur. Tout me parait insurmontable. La sensation que quelqu’un m’étrangle, pour m’empêcher de respirer.

Je suis pris d’un moment de lucidité.

Si je survis ce soir, je ne veux plus ressentir cette terreur qui déferle dans tout mon être, revivre cela serait insurmontable.

Cependant, il y a peu de chances que je revois le jour.

Je suis prêt à te rejoindre mamma ² .

— Vite ! Appelez les pompiers il est inconsc…

J’expire mes derniers souffles avant de sombrer totalement.

En italien :

¹ : J’en ai assez !

² : Maman

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