Chapitre 03 - Destin brisé [Alana]

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Ce matin, je me lève de bonne humeur. Pour une fois depuis des mois, la nuit a été fraîche. A vingt-six ans, je vis encore chez mes parents. Ici en Colombie, on fait ce qu'on peut pour survivre. J’ai grandi dans le ghetto de Médellin. Je me rappelle petite, que chaque jour on entendait des parents hurler la mort de leurs enfants. Dès le plus jeune âge, les garçons sont recrutés et formés à rejoindre les rangs des différents cartels. J’ai eu la chance sans vraiment savoir pourquoi, de pouvoir étudier, alors que d’autres filles se faisaient embrigader dans la prostitution. Mes parents m’ont élevée avec des valeurs morales et du respect pour chacun. Ma Mamá s’occupait de moi, tandis que mon Papa travaillait dur sur les chantiers pour nous faire manger, parfois juste un bout de pain. Il n'a jamais cédé à l’appel des gangs et cela lui a parfois valu des menaces. Alors quand un crime avait lieu sous nos fenêtres, et que la police nous interrogeait, nous fermions les yeux.

Quand j’ai obtenu mon diplôme d'infirmière et signé mon premier contrat de travail, j’ai fait en sorte de sortir mes parents de là. Je loue un petit appartement pas très loin de l'hôpital. Même si le danger continue de rôder partout autour de nous, il y a quand même moins de crime dans ce quartier, et la nuit, nous ne sommes plus réveillés par les cris des familles endeuillées.

Après ma douche, je me fais couler un café. Mamá m’appelle. Elle est assise dans le fauteuil du salon.

Buenos días mi corazón, ¿cómo estás esta mañana ? (Bonjour mon coeur, comment vas-tu ce matin ?)

Estoy bien (Je vais bien)

Elle m’ouvre ses bras emplis d’amour, de sagesse et de bienveillance. J'embrasse son front, m’apprête à partir de chez moi, pour aller travailler.

Besa a papi por mi (Embrasse papa pour moi)

Mon père est fragile du dos, souvent le matin, il ne peut presque pas bouger, seuls ses médicaments le soulagent. tant d'années passées à travailler, dans des conditions déplorables, ont eu raison de sa santé.

Te quiero hija mía (Je t'aime ma fille)

Je sors de l’appartement et me hisse à l'extérieur. Je respire la bonne odeur des produits frais des commerçants. C’est comme cela que j’aime ma petite vie tranquille et ce petit quartier plus ou moins calme.

En me rendant au travail, je passe par la rue principale avant d’aller prendre le bus. Je récolte toujours des “ gracias Señorita” (merci mademoiselle).

Ici, nous n’avons pas de sécurité sociale, les médicaments sont extrêmement chers. Si tu es pauvre,tu dois te débrouiller. Il y a certaines associations humanitaires, mais ce n’est pas suffisant, hélas. C’est pour cette raison, que de dix-neuf à vingt-et-une heures, je consacre du temps aux habitants de ce quartier, pour les recevoir et leur donner de quoi se soigner. Pour leur venir en aide, je prends quelques boîtes de cachet, par ci par là, à l'hôpital.

En passant devant un de mes vendeurs de fruits préférés, je m’aperçois qu’il n’ est pas là. On discute toujours cinq minutes habituellement. Il ne surveille même pas son magasin. Je décide d’entrer dans sa boutique et entends une discussion houleuse dans son bureau. J’ouvre la porte. Il est recroquevillé en boule sur le sol. Un bougre le menace avec une arme et au vu du regard qu’il me lance, il n’est pas là pour jouer.

— Mais qu’est ce que vous faites ? lâchez cet homme, écartez-vous de lui !

— La prochaine fois que tu mens, je t’explose la cervelle hijo de puta ! (Fils de pute)

Le malfrat lui crache au visage et lui assène un coup de pied violent dans l’abdomen. Je ne peux même pas bouger pour lui venir en aide, ces mecs-là ne rigolent pas. En repartant, il me plaque contre le mur et avec le canon de son revolver, il descend le long de mon cou jusqu'à ma poitrine.

— Je te préviens, ferme ta gueule, petite salope ! Tu n’aimerais certainement pas que je te baise là contre ce mur.

Je bouge ma tête pour lui faire comprendre que non. Il me sourit de toutes ses dents et m’ordonne d’ouvrir la bouche. Je lui obéis, il y enfonce son arme.

— Si je te trouve encore une fois sur mon chemin , c’est ma bite que tu auras au fond de la gorge ! C’est bien compris ?

Je pousse un gémissement pour lui faire comprendre que j’ai saisi. Je ne pleure pas, j’ai vu bien pire dans mon ghetto. Néanmoins, je ne joue pas avec le feu, je sais qu’il pourrait me réduire en poussière et je ne peux pas laisser mes parents seuls. C’est l’exemple même du type imbu de sa personne. Il est petit, gras, les cheveux en bataille, une moustache mal taillée, sur le haut de sa lèvre. Son odeur de cigare est partout sur moi, ça me donne la nausée, surtout quand je repense à sa voix grave. Quand il part, je pousse un soupir de soulagement.

Je console mon ami, aux cheveux poivre et sel, qui pleure à chaudes larmes. Il a la soixantaine. Il a déjà du mal à s’en sortir financièrement, , si la mafia exige la caisse de son magasin à chaque passage, c’est un vrai coup de massue pour son activité. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de lui. Je ne m’attarde pas longuement auprès de lui, je pars prendre mon bus pour me rendre au travail au centre hospitalier.

J’ai fini mon service, je regarde ma montre, c'est bon, je serai à l’heure à mon rendez-vous. Il y a quelques jours j’ai croisé la route de Mateo, un ancien élève de mon collège. Après avoir discuté avec lui pendant des heures, en savourant un café, nous avons décidé de nous revoir. Je prends ce risque, malgré son côté dragueur de l’époque, il a peut-être changé. Aujourd’hui, nous sommes des adultes responsables et nous avons évolué mentalement. J’ai donc accepté de boire un verre et de parler du bon vieux temps. Mais maintenant que j’y pense, je stresse, je n'ai plus fréquenté d'hommes depuis des années. Serais-je à la hauteur de ses espérances et lui des miennes ? Je serai fixée dans peu de temps.

Dans les vestiaires, je me remaquille et détache mes cheveux. Hors de question que je lui laisse croire n’importe quoi, ce genre d’homme n’est peut-être pas pour moi, néanmoins je suis curieuse. À l’époque, il était très charmant , généreux et mystérieux à la fois. Il y avait toujours cette voiture luxueuse noire qui venait le chercher après les cours, pourtant il était loin d’être un fils à papa. Je me rappelle aussi que tout le monde le craignait, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi. Les gens avaient peur de lui et de son stupide frère ,qu’on ne voyait quasiment pas, car il se faisait virer de cours à chaque fois. Enfin, bref, je reviens sur terre, je suis devant la porte du pub. Je réajuste ma tenue et j’entre. L 'endroit est somptueux et accueillant. Mateo a parfaitement choisi, je suis conquise.

— Bonjour Señorita, que souhaitez-vous boire ? m’interroge le serveur une fois installée à une table réservée.

Je regarde ma montre, notre rendez-vous est dans cinq minutes, je vais l’attendre.

— Rien pour le moment, quelqu’un me rejoint bientôt, merci.

Le serveur s’éloigne, et au loin je vois Matt arriver, il retire ses lunettes de soleil et son sourire charmant apparaît. J’avoue que c'est un très bel homme, brun, yeux marron, il est l’exemple même du parfait gentleman colombien. Il doit mesurer un mètre quatre-vingt-cinq sa chemise ouverte, et ses manches remontées sur ses avants bras, ne cache en rien sa musculature qui semble parfaite. Et que dire de ce jean qui met vraiment en valeur ses fesses?

— Salut, tu m’attends depuis longtemps ? m’interpelle-t-il en me faisant la bise.

— Non, je viens d’arriver.

— Tu veux boire quoi ? me sollicite-t-il en s'asseyant.

— Je vais prendre un champù, s’il te plaît.

— Un Champú et un Aguardiente por favor. Gracias.

Nous nous sourions.

— Alors, quoi de neuf au pays des jolies infirmières ? me lance t-il charmeur.

— Eh bien, vu l’augmentation de la criminalité, on a beaucoup de travail, et toi ?

— J’ai aussi pas mal de travail, sourit-il.

— Tu fais quoi, plus exactement ? La dernière fois tu n'as rien voulu me dire.

Je sens que ma question le dérange légèrement, il a un petit rire crispé.

— Je travaille dans le social.

Lui dans le social ? Je n’aurais jamais pensé.

— Tu fais quoi exactement ? questionné-je curieuse.

— Eh bien, j’aide à la réinsertion des femmes.

Sérieux ? Alors là, je n’en reviens pas, comme quoi cet homme me redonne espoir en notre société. Surtout que les femmes sont très peu respectées et très souvent battues voir pire... Jetées à la prostitution par exemple. Heureusement qu’il y a des hommes tels que Mateo pour les sortir de cette horreur.

— C’est très noble, répliqué-je impressionnée.

— Je peux te dire quelque chose Alana ?

— Oui, bien sûr.

— T’es très charmante.

Je me mords la lèvre, je suis toujours mal à l’aise devant les compliments, mais j’espère que c’est de la politesse et non de la drague, quoique...

— Merci Matéo.

— Dis moi, tu ne voudrais pas aller faire un tour en moto, voir le coucher de soleil avant d'aller manger un bout, en toute amitié, je te rassure.

J’essaye de voir dans son regard si j’aperçois quelque chose, néanmoins il m’a l’air sincère.

— En toute amitié, hein ?

— Oui, je ne suis pas là pour plus Alana, enfin sauf si tu le souhaites, alors ?

— Ok.

Il paye l’addition et m’invite à monter derrière lui après m’avoir donné un casque. Mon corps se colle contre le sien et j’avoue que la vitesse me fait décompresser de ma journée de dingue. Il fait vrombir le moteur et mon cœur s’emballe. Le paysage défile à vive allure, nous prenons des petites ruelles et parfois j’ai l’impression que ça ne passera pas. L’adrénaline brûle dans mes veines et j’ai l’impression de prendre feu. Je resserre mon emprise sur son bassin, de peur de m’envoler. J’espère qu’il ne prendra pas ça pour des avances. Il finit par s’arrêter devant une petite maison très mignonne, au panorama magnifique.

— Wouahhhh c’est magnifique Mateo ! m'exclamé-je charmée devant le paysage.

— Ouais, j’adore cette vue. Le couché de soleil est somptueux par ici, Viens.

Je le suis à l’intérieur de la maison, sans pour autant réfléchir, avec encore les images de cet horizon incroyable dans la tête. La porte se ferme et il me fixe avec un regard sévère. Il me dévore des yeux en se léchant la lèvre inférieure. Mon dieu, ses intentions ne sont pas les mêmes que les miennes. Il faut que je trouve une échappatoire.

— Et sinon tu es marié ? As-tu des niños ? (enfants) lui demandé-je attentive à sa situation.

— Non, ni femme, ni enfant. Mais on s’en fout, me répond-il bizarrement.

Il s’approche de moi et je recule jusqu’à ce que mes fesses touchent le bord de la banquette. J’ai l’impression d’être une souris prise dans les griffes d’un fauve.

— Ne fais pas ça Mateo, supplié- je.

— Je suis venu ici pour admirer la vue et je dois dire qu’elle est magnifique, dit-il en me déshabillant du regard.

— Je veux rentrer.

— Du calme, tout va bien se passer, Belleza (beauté).

Non, tout ne va pas bien se passer.

— Si jamais tu…

Sa main agrippe ma mâchoire et ses lèvres se collent aux miennes.

— Non, mais ça va pas ! le sermonné-je avant de le gifler.

Il se recule les yeux luisant de colère .

— J’ai été clair Mateo, toi et moi c’était juste amical, de quel droit tu te permets de faire ça !

Son regard n’annonce rien de bon, je vois bien qu’il enrage et je commence à craindre sa réaction..

Puta sucia (sale pute), tu crois que tu peux te permettre de me frapper?

Sa main s'abat violemment sur ma joue et je m’étale sur la banquette.

— Mateo, je…

— Tu vas le regretter ! Personne ne lève la main sur moi à part ma Mamá ! Personne ! Hija de Puta !

Il est excédé, je dois partir d’ici. Je me lève mais à peine debout, je reçois une nouvelle claque qui me projette sur la banquette.

— Pitié, Mateo, laisse-moi partir.

Il éclate d'un rire gras que je déteste à cet instant. C'est celui des hommes qui pensent avoir tous les droits sur les femmes. Comment peut-il travailler auprès d’elles alors qu’il ne les respecte pas?

— Tu sais quoi Alana, j’aurais pu faire de toi une bonne pute, mais je vais plutôt te refiler à mon frère.

— Qu…quoi ? prononcé-je incrédule.

Pourquoi il ricane ? Non! Je veux sortir d’ici. Il prend son téléphone et appelle quelqu’un .

— Ouais! Envoie-moi une voiture à la planque, j’ai un cadeau pour Emilio.

J’en profite pour tenter de m’échapper, mais il m’attrape par les cheveux, le téléphone toujours vissé à l’oreille. Je sais que je ne vais pas m’en sortir. Je peux dire adieu à ma vie, mon avenir, mes parents. Mon Dieu, ayez pitié de mon père et ma mère, aidez-les, car tout vient de se briser.

Une fois qu’il a raccroché, il me toise d’un oeil mauvais, d’un regard qui pourrait me tuer sur place. Je ne résiste pas longtemps et baisse les armes, car quoi que je fasse, je n’en sortirai pas vivante.

— Alana, j’aime quand tu te soumets. Tu pensais avoir à faire à quel Matéo ? Celui du passé ? Mais j’ai changé, tu ne sais pas à qui tu t’adresses, maintenant. Tu n’aurais jamais dû tenter ça, pauvre chienne.

Il extirpe un couteau de sa manche et me le place sous la gorge. Il m’ordonne de m’asseoir sur une chaise, ce que je fais immédiatement, il me scotche les jambes aux barreaux de celle-ci, ainsi qu’une de mes mains avec de la ficelle. Il me mate, sans gêne, tout en se léchant les lèvres.

— Putain ! Tu es trop bandante comme ça, ma captive, tu n’imagines même pas, tout ce que je te ferai.

— Prends ce que tu veux de moi, mais s’il te plait je te demande juste une chose, aide mes parents. Mon père est très malade, ils ont besoin de moi.

— C’est pas mon problème, j’en ai rien à foutre de tes vieux !

Je n’arrive pas à contenir ma rage quand il s’agit de mes parents.

Muere en el infierno (Crève en enfer) Matéo !

Il s’approche dangereusement de moi, me pointe la lame de son couteau sur la carotide.

— Et que deviendraient tes géniteurs si je te butais là, tout de suite ? C’est ça que tu veux ?

— Non, s’il te plait, ne me tue pas, ils ont besoin de moi .

Il pose son poignard sur mon sternum et appuie légèrement sur ma peau, une goutte de sang s'apprête à descendre dans le creux de ma poitrine rebondie. Quand je lève les yeux vers les siens, je vois son désir s'amplifier. Il attrape mon chemisier blanc, fait sauter un à un les boutons, laissant apparaître mon soutien gorge noir en dentelle. Dans un geste torride, il lèche la perle de sang en remontant jusqu'à ma nuque. Il s'assoit sur moi, prend mon visage en coupe, m’embrasse comme un acharné et tente de se frayer un passage entre mes lèvres, ce que je lui refuse. Il me menace en pointant son arme sous ma gorge. À nouveau, je cède et lui me fait goûter le liquide qui coule dans mes veines. Je le hais, qu’est devenu ce gentil petit garçon..

— Et si j’allais vérifier dans ta petite culotte si tu mouilles pour moi?

Bésame el trasero (va te faire foutre) !

Il m'assène un coup avec violence. Des larmes coulent sur mes joues et son plaisir se décuple.

— J’aime quand c’est violent Alana !

Il soulève mon push-up et empoigne mes seins, il les lèche, les aspire, les mordille, c’est un cauchemar, mes larmes se déversent sur mon visage, j'essaye d’échapper à ce moment par des images positives, afin que ce supplice n’en soit plus un.

— Tu aimes mes jeux pervers, sacrée cochonne !

Il attrape ma main libre et la porte à son entrejambe. Il déboutonne son jean, abaisse son boxer et sort son pénis dressé fièrement devant lui.

— Maintenant branle-moi !

— Plutôt mourir !

— Ah oui ? C’est ce que tu veux ? Très bien ! Dis au revoir à papa et maman

Il lève haut le bras avec son poignard et vise mon cou. Je me ressaisis de nouveau et me mets à le branler. Il pousse des grognements bestiaux. Son gland bute contre mes seins alors qu’ il donne des coups de reins.

— Plus vite Alana! Sinon c’est ta bouche que je vais baiser ! m'avertit-il.

Je m'exécute, il saisit une poignée de mes cheveux et les tire de toutes ses forces vers le bas. Il se met à frissonner et à respirer de plus en plus rapidement. Il est à bout, il va jouir. Dans un dernier râle et dans un orgasme bruyant, il se déverse sur ma poitrine.

Il s'éclipse quelques instants et me ramène une serviette mouillée pour m’essuyer.

— Je ne voudrais pas que mon frère sache que j’ai joué avec sa marchandise.

Son téléphone sonne à nouveau et avant de décrocher, il me bande les yeux.

— Sois bien sage, on y va bébé !

Il me détache et me maintient pour le suivre. Je monte dans ce que je pense être une voiture, naviguant dans mes pensées troublées. Je viens de perdre toute dignité, ma vie vient de partir en lambeaux. Je ne sais pas ce qui va m’arriver. Je m’en veux d’avoir accepté ce rendez-vous et d'être montée sur cette foutue moto. À cet instant, je m’en veux d’avoir été aussi naïve. Papa, Mamán, pardonnez-moi, que Dieu vous garde.

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