Lundi 5 octobre, 6h.

8 minutes de lecture

Cette nuit, je crois que j'ai fait un cauchemar. Je n'arrive pas à en être sûr. Si Marie a été réveillée, elle me fera probablement une réflexion... Je commence à ne plus supporter de dormir avec deux autres personnes dans cette chambre. J'en viens presque à vouloir mettre un bon drap dans la baignoire et aller dormir là-bas dedans.

Aiden est toujours aussi froid avec moi. On s'est levés à la même heure, puisqu'on commence en même temps la prise de nos services. Encore une fois, il ne m'a pas laissé la salle de bain, mais cette fois j'ai un peu l'impression qu'il l'a fait exprès.

Après m'être douché dans la salle de bain du bas, je prends mon petit déj à moitié nu, en attendant qu'Aiden ait fini. J'ai peut-être envie qu'il me voit comme ça et qu'il ait envie de moi, au fond... Je suis vraiment un putain d'enfoiré. Il faut que je remette de l'ordre. J'ai décidé que je lui parlerais aujourd'hui, pour savoir vraiment de quoi il a envie et quelles sont ses attentes envers moi.

Alors que je remonte en traînant des pieds dans la chambre, je vois qu'il sort au même moment. En voyant la serviette autour de sa taille, ça me rappelle la première fois que je l'ai vu. Je crois que j'étais déjà attiré par lui ce jour-là... Je m'en rends compte maintenant. C'est peut-être pour ça que je l'ai tout de suite détesté. Il me regarde en serrant la mâchoire, toujours aussi en colère contre moi. Ses yeux se tournent du côté de Marie, qui dort encore. Tous les deux à moitié à poil dans cette chambre avec ma copine, j'avoue que c'est particulier. Je ferme les yeux, tentant de me calmer un peu, respirant plus lentement. J'avale ma salive quand je les rouvre et que je vois qu'il est retourné de son côté de la chambre. Son dos est sublime, hâlé juste ce qu'il faut, avec encore quelques gouttes d'eau qui coulent et que j'ai très envie de- Stop. Je secoue la tête, envoyant valser un peu d'eau à mon tour.

Quand il n'a pas ses lunettes, on dirait vraiment une autre personne. J'ai compris qu'il les met uniquement à la maison, en fait. C'est pour ça que je les vois si souvent sur le bout de son nez, et qu'il devient presque quelqu'un d'autre au travail. Ses yeux me frappent quand il se retourne, sentant probablement que j'arrête pas de le regarder. Il me fait des gros yeux, me demandant silencieusement de m'occuper de mes affaires.

Je baisse les yeux et tâche de penser à autre chose pour faire partir le début d'excitation qui me tiraille, et m'habille. Je passe rapidement dans la salle de bain pour finir de me préparer, et je pars. Je sais qu'il n'ira pas en même temps que moi parce qu'il a son vélo et que de toute façon, il n'a aucune envie de me voir. Ça aurait pourtant été bien de pouvoir régler nos différends sur le trajet...

Dans le bateau, il y a un certain nombre de personnes qui se rendent sur l'île de Reota, là où se trouve l'hôpital. Toujours impossible de lui parler...

Une fois sur place, tout le monde a l'air de mauvaise humeur, stressé. Je suis directement dans le bain, je dois aller faire la toilette de Monsieur Thalao, aider Madame Mint à prendre son bain, amener tous les plateaux de petit-déjeuner, faire la vaisselle, je n'ai pas une seconde pour moi dans le service. Je croise parfois la blouse d'Aiden, mais je n'ai jamais le temps d'aller le voir et il disparaît toujours très vite. Le monde se ligue contre moi ou quoi ?

Yolande a décidé de me faire payer je ne sais trop quoi et elle me refile toutes les tâches ingrates. Visiblement, Eric s'est fait bien voir pendant sa garde du weekend, parce que tout le monde a l'air d'être aux petits soins avec lui...

Pendant la pause de midi, il m'explique un peu.

  • Putain, hier c'était vraiment trop dur, tu verras quand t'auras des gardes ! J'ai sauvé la vie d'un type qui a fait une tentative de suicide...
  • Quoi, sérieux ?

Je suis abasourdi. Alors Eric est capable d'empathie ?

  • Ouais ! Y avait du sang partout mec, c'était dégueulasse ! J'ai appelé les infirmières et en attendant j'ai fait une sorte de garrot pour éviter que ça continue d'en foutre partout. (Non, j'ai rien dit). Depuis, les meufs me kiffent trop. Je te jure, je vais bientôt réussir à me taper Kelly !
  • Ouais, sûrement...

Je comprends mieux. Je n'ai plus aucune envie de parler de ça.

  • Bon, je vais pas tarder à reprendre, j'ai encore un certain nombre de choses à faire, là.
  • Haha, j'voudrais pas être toi, elles t'ont refilé le double de travail !

Je le fusille du regard. C'est SON travail qu'on m'a refilé en plus.

Lorsque je remonte, je fais mon maximum pour terminer mes tâches. Entrer toutes les données des patients sur le PC, répondre aux sonnettes et aux demandes des infirmières du mieux que je peux, bien me faire voir, ce genre de choses. C'est très stressant mais ça occupe mon esprit, et j'avoue que ça me fait du bien de faire un break.

Sur la fin de la journée, je vois Aiden se diriger dans la salle de repos. Je me doute bien qu'il est crevé après avoir lui aussi couru partout. Mais rien à faire. Enfin, je vais pouvoir le coincer là bas, je ne vais pas m'en empêcher. Je m'y dirige quand Yolande me demande d'aller changer un lit. Je vais la tuer.

Je me dépêche de faire ce foutu lit, tout en essayant de bien faire mon travail quand même. Je désinfecte aussi toute la chambre, vide la poubelle, me frictionne les mains, et enfin je me dirige vers la salle de repos.

J'ouvre la porte avec beaucoup d'appréhension. Ce sera notre moment de confrontation...

C'est ce que je me dis, jusqu'à ce que j'entende des bruits évidents. Des personnes qui reprennent leur souffle, qui se couvrent en m'ayant entendu entrer. Ce n'est pas Aiden, si ?

Si.

Il s'assoit sur le lit, les cheveux ébouriffés, les joues encore rougies de plaisir.

  • Qu'est-ce que tu veux ? T'as rien d'autre à faire ?

Mon coeur se serre, ma vue se brouille, et je comprends que c'est à cause des larmes. Qu'est-ce qui se passe ?

  • Pou-pourquoi tu fais ça ? j'essaie d'articuler.

Je le vois lever un sourcil dans la semi-obscurité.

  • Tu dois être le seul à pouvoir t'amuser ? J'ai besoin de ta permission pour baiser ? il me demande, hargneux.
  • Bon, tu peux retourner à tes trucs et nous laisser finir, s'il te plaît ?! Tu dois bien avoir du travail, non ?! me demande une voix aiguë, l'air agacé.

C'est Kelly. Cette putain d'infirmière.

Je referme la porte derrière moi, encore sous le choc. Je marche rapidement, pour me réfugier aux toilettes, faisant attention cette fois à être seul. Il a raison, pourquoi il devrait me demander l'autorisation ? On ne s'est rien promis. Et je le mérite, finalement, non ?

Dans ta gueule, Jay.

Après avoir pleuré pendant plusieurs minutes, je peux au moins me dire que ma journée est terminée et que je n'aurai pas à supporter Kelly encore aujourd'hui. Dire qu'elle avait l'air sympa. Pour Aiden, je vais faire en sorte de pas le voir...

Sur le chemin du retour - et j'ai couru pour ne pas tomber sur la même navette que Lui - je me souviens que Ma' m'attend encore à la maison. L'enfer continue. Quelle vie de merde.

Quand j'arrive sur place, je la vois qui m'attend, un sourire aux lèvres. Allez, Jay, concentre-toi, aie l'air content.

  • Salut ma puce...

Je la prends dans mes bras. Quelques secondes qui me permettent de perdre mon sourire pour mieux le récupérer.

  • Tu vas bien ? ça a été ta journée ? elle demande dans mon cou.
  • Pas vraiment, non. ça a été très difficile aujourd'hui. Je pense que je vais avoir besoin de calme aujourd'hui..

Je sens poindre sa déception.

  • Mais... Tu sais, j'avais envie de faire un truc. Je t'attends toute la journée alors je pensais qu'on pourrait, tu vois, visiter ou quelque chose... On l'a pas fait encore...
  • Ma'... Je suis désolé mais là, j'suis vraiment fatigué. Demain, d'accord ? Promis.

Je la sens soupirer.

  • D'accord, demain, si tu le dis...
  • Merci d'être compréhensive. (J'embrasse le sommet de sa tête). Je vais me reposer un moment, d'accord ? Je suis vraiment crevé.

Et je pars sans vraiment attendre de réponse, la laissant dans le couloir.

Lundi 5 octobre, 22h.

Je me réveille dans mon lit. J'ai trop dormi. J'ai l'impression que je ne pourrai pas me recoucher avant un moment... Je reste étendu un moment, et je repense à cette journée de merde. Elles s'enchaînent depuis l'arrivée de Marie. Elle a tout gâché. Et je m'en veux de penser ça. Et Aiden... Pourquoi il a fait un truc pareil ? Pour se venger ? C'est réussi. Je me sens misérable. Je n'arriverai même plus à le regarder en face. Je pensais comme un con qu'il m'aurait attendu sagement, lui qui fourre sa queue où il peut. Est-ce qu'il voulait faire pareil avec moi ? Il voulait juste faire de moi un plan cul, c'est pour ça qu'il a su tourner la page si vite ? Il voulait que ça fasse comme avec Matt ? Je devrais le lui demander à lui, tiens. ça fait un moment que je ne l'ai pas vu... Mais je n'oserais sûrement pas non plus le regarder dans les yeux en sachant qu'ils ont... Couché... Ensemble.

Je me lève finalement et regarde autour de moi. Il fait sombre dans la maison, seuls les rayons de la lune éclairent la pièce. En bas aussi, tout semble éteint. Marie dort paisiblement dans un matelas à côté du mien. Je marche sur le parquet sans faire de bruit, et je vais voir ce qu'il se passe du côté d'Aiden. Il semble endormi lui aussi. J'ai envie de mordre dans ces lèvres entrouvertes, de lui faire mal, mais je m'en empêche. D'une part, ce serait très dangereux, et d'autre part, je ne peux pas me sortir de la tête qu'elles ont embrassé cette grosse pétasse d'infirmière il y a seulement quelques heures. J'ai de nouveau envie de pleurer, un vrai gosse pathétique. Je n'ai jamais ressenti un trou au coeur comme ça, c'est la première fois.

Je décide finalement de sortir prendre l'air, et je reste un peu sur le sable. Je finis par m'y endormir directement, et je ne me réveille qu'avec les premiers rayons du soleil.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Illuni ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0