Lundi 28 septembre, 6h.

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Je me lève tant bien que mal. Aiden est déjà debout. Comment on peut être si matinal ?! Il utilise la salle de bain, et il refuse de me laisser entrer. Putain, je ne veux pas être en retard pour mon premier jour de stage. J'ai rendez-vous dans une heure, et je ne peux même pas me doucher.

  • Aiden, putain, ouvre ! Je suis hyper pressé !
  • Moi aussi je suis pressé, et j'ai pas fini, je l'entends me répondre de son ton froid habituel.

Je vais péter un câble.

Je choisis de descendre et de me laver dans la salle de bain du bas. Et je vous jure que quand je remonte, un quart d'heure plus tard, IL EST ENCORE DEDANS ! Soit, je m'habille, essayant de faire bonne impression. Une chemise noire - je ne mets pas souvent de chemises - un pantalon Jean pas déchiré - ça non plus, ce n'est pas souvent - et mes éternelles Doc Martens - parce que de toute façon, je n'en ai pas d'autres. Plus que le déo, me coiffer, me parfumer, et toutes ces petites choses qui se trouvent dans la putain de salle de bain qui est fermée à clé.

  • Aiden, sors, tu fais chier !
  • C'est bon, j'arrive...

Et il ouvre enfin la porte. Il me regarde, il a l'air de m'en vouloir. Je le bouscule pour passer - nos relations sont toujours aussi cordiales, oui - et je me dépêche de finir de me préparer. Enfin prêt, je prends ma convoc' et j'y vais. J'ai vraiment hâte de faire enfin quelque chose de concret après toutes ces années le cul sur une chaise à prendre des notes. Ou à dormir.

Je me dépêche tant bien que mal d'arriver à temps à la navette. Mon stage aura lieu sur l'île Reota, à vingt minutes de navette d'Anki... Je ne dois surtout pas la rater. Alors que je cours comme un fou, je vois un vélo me dépasser, puis Aiden dessus, qui me fait coucou et me passe devant facilement. Je vais le tuer.

J'arrive enfin à la navette, juste avant qu'elle ne quitte le port. Epuisé, je m'assois enfin et je respire à fond l'air marin. Je meurs de chaud. Il est 6h35, et il fait déjà 23°C. Et oui, je sais, j'ai un Jean. Mais jamais je ne me résoudrai à mettre des shorts avec des petites sandales minables... Jamais. Jamais... Mais qu'est-ce que j'ai chaud.

Finalement, j'arrive à l'hôpital juste à temps. Il est sept heures pile quand je franchis les portes de l'hôpital, situé à seulement deux-cent mètres du port. Heureusement pour moi...

Je découvre étonnamment un lieu plutôt grand ; j'aurais imaginé un vieil hosto de campagne, un peu délabré, mais en fait il est moderne, avec de grandes baies vitrées qui éclairent bien le long couloir qui mène à la réception puis aux différentes ailes. J'y ai déjà repéré une cafétéria, au fond à droite, et je suis impressionné par le nombre de services gravés en lettre d'or sur les panneaux d'affichage.

On nous redirige tous vers un petit secrétariat où on me prend en photo et me donne mon badge. La classe, un badge. Ensuite, on m'envoie vers le service de psychiatrie. C'est là que je vais faire cinq semaines de stage... Ça me stresse un peu, parce que les problèmes psy, ce n'est pas trop mon truc. Ça me fait un peu peur même, avec les miens que j'ai déjà à gérer, je n'ai pas franchement envie d'avoir affaire à ceux des autres.

On me présente au service, dirigé par un médecin, assisté de quelques infirmières et d'une dizaine d'aides-soignantes. Il. N'y. A. Que. Des. Femmes. Le ton est donné... Cinq semaines à entendre des nanas se disputer, quelle joie. Un autre étudiant arrive en courant, et, heureusement, c'est un mec. Je le reconnais, je l'ai croisé plusieurs fois dans l'école.

  • Pardon pardon, pardon, je me suis perdu ! Il s'écrie, l'air terrifié.
  • Ça passe pour cette fois, mais fais attention à la prochaine, lui répond l'une des infirmières, intransigeante. J'apprends qu'elle s'appelle Yolande. Elle doit avoir la cinquantaine et n'a pas particulièrement l'air d'aimer son métier.

On nous montre où nous changer, et je me rends compte que je ne vais pas mourir de chaud toute la journée et qu'en plus, j'aurai l'air classe. Une vraie tenue de pro. On a une blouse vert pomme - sexy... - et un pantalon blanc avec des poches partout. Je clipse fièrement mon badge. Mes premiers pas dans le monde du travail !

Je suis Yolande, l'infirmière-qui-a-perdu-son-sourire, durant une bonne heure. Alors que je suis occupé à marcher dans le couloir en prenant des notes, tentant vainement de la suivre, je rentre dans quelqu'un.

  • Pardon, excusez-m... Je commence en levant les yeux de mon carnet.

L'autre lève les yeux aussi, et nos regards se croisent.

  • C'est pas vrai... On grogne en même temps.

Aiden.

Non, ce n'est pas une blague du tout.

  • Qu'est-ce que tu fous là ? Je lui demande, énervé.

Sauf que c'est évident, il a une blouse de médecin et des dossiers dans les mains. Mais par pur esprit de contradiction, et parce que je n'ai aucune envie d'y croire, je lui fais quand même sentir qu'il ne devrait pas être au même endroit que moi.

  • À ton avis ? Je travaille. Et toi ? Il me reluque de la tête aux pieds et ses yeux s'agrandissent sous la surprise.
  • Tu... Travailles dans cet hôpital ?
  • Dans ce service, oui. Et toi? Il répète.
  • Genre, ce service, ici ? En psychiatrie ?
  • Bon, t'as fini ? Pourquoi t'es là ? T'as été engagé comme aide-soignant ? Il me demande, de plus en plus agacé.
  • Je suis en stage... J'ai commencé les études d'infirmier...
  • Tu... Sérieux ? (Il recommence à se foutre de moi. Je déteste quand il fait ça). T'es mon larbin ? Maaaaaaahaha, la vie est bien faite ! Bon, j'ai du travail, moi ! Ciaoooo !

Et il repart, toujours en se marrant comme un con. Lui, médecin, franchement ?

Mais il dit la vérité. Il sera le médecin assistant de cet étage. Et moi, le stagiaire à tout faire... J'ai peur.

Quand la pause de midi arrive enfin, je retrouve l'autre étudiant dont j'ai appris qu'il s'appelait Eric. On descend ensemble à la cafétéria et on se fait part de nos premières impressions.

  • Elle a l'air trop chiante, la Yolande... Ça a été ? Il me demande, avec un air de pitié et de compassion dans le regard.
  • M'en parle pas, elle m'a hurlé dessus toute la matinée parce que j'arrivais pas à suivre... Je réponds, dépité. Et toi, t'avais qui?
  • J'ai dû suivre Kelly... Une vraie bombe. Le genre d'infirmière à qui le costume va à merveille ! Il rit grassement. Elle est carrément bonne et elle se marre à mes blagues. Tu sais ce qu'on dit, "femme qui rit..."
  • Ouais, je sais ce qu'on dit ouais... Je marmonne en commençant à manger.

Son humour lourd ne va pas me plaire très longtemps. Je crois que je suis tombé sur un boulet.

Après le repas, on remonte en service. L'infirmière dont j'ai appris qu'elle s'appelle Kelly nous interpelle.

  • L'après-midi y aura pas grand chose à faire. Pas de lit à changer, pas de petit-déj à servir. Il faut juste répondre aux sonnettes mais comme c'est votre premier jour... Vous pouvez profiter pour observer un peu la façon dont le service tourne, lire les dossiers, et... Apporter le café ! Hihi !
  • Je vous apporte volontiers le café ! Répond Eric du tac au tac.
  • Parfait, va m'en chercher un alors, noir, deux sucres, et elle repart dans ses affaires.
  • Le devoir m'appelle mec ! Bonne chance ! Et il vaque lui aussi à ses occupations.

Je me retrouve tout seul au milieu de la salle à manger du service. Soit... Je commence à ranger les journaux qui traînent pour me donner une contenance quand je vois Aiden qui sort du bureau des infirmiers.

  • Jay, il s'amuse en venant vers moi, un sourire en coin.
  • Aiden, je lui réponds, aussi glacial que possible.
  • J'ai besoin de toi, viens m'aider, et il retourne dans le bureau.
  • Va te fai... Je commence, quand je vois Yolande arriver.
  • On ne fait pas attendre un Docteur, jeune homme. Va tout de suite l'aider. Tu as de la chance qu'il accepte de perdre du temps à t'instruire, elle me siffle, les yeux écarquillés.
  • Oui, j'y vais... Je réponds en traînant des pieds.

Quand j'ouvre la porte du bureau, je vois qu'Aiden est affairé avec un dossier. Il ne m'a probablement pas entendu entrer - il a sûrement entendu le début de ma phrase et a dû penser que je ne viendrais pas - parce qu'il ne lève pas les yeux. Je m'adosse au mur en l'observant. Son expression est des plus sérieuses, il a l'air concentré. Il prend un nombre incalculable de notes et cligne à peine des yeux. Quand je le vois comme ça, je me dis qu'il doit avoir beaucoup de stress ici ; ça ne doit pas être évident d'être assistant en médecine. Je comprends mieux qu'il se plonge autant dans ses bouquins ; j'ai l'impression, là maintenant, d'entrevoir une autre partie de lui. Le Aiden sérieux, pas tout à fait sûr de lui, mais qui veut à tout prix faire de son mieux. Et avec sa blouse blanche, comme ça, on dirait un de ces beaux et jeunes docteurs sexy qu'on voit dans les films. Et je divague encore. Je me tape la tête contre le mur en me chuchotant à moi-même "mais t'es trop con!" et Aiden lève la tête en m'entendant. Je m'arrête en plein élan et me remets droit comme un I.

  • Ouais, t'as besoin d'aide pour un truc ? Je demande en détournant le regard.
  • Oui, viens t'asseoir à côté de moi.

Je prends une chaise nonchalamment, et je m'assieds en la positionnant à l'envers pour appuyer mon menton contre le dossier.

  • Qu'est-ce qu'il y a? Je lève les yeux vers lui.

Il... Rougit. Pourquoi ?

  • Alors... Hum. J'ai ce dossier que je dois introduire sur l'ordi et c'est mon premier jour, je comprends rien à ce système. Aide-moi.

Il est sérieux ?

  • C'est mon premier jour aussi, t'es au courant ? je lève un sourcil.
  • Ah... Ah bon ? Aide-moi quand même ! T'es bon avec les ordinateurs, non ? T'es tout le temps dessus à faire tes trucs ! Je peux pas leur demander comment ça marche, c'est trop la honte... Il marmonne, les joues de plus en plus rouges et le regard suppliant.
  • Tu me dis un truc dont t'as honte ? T'as pas peur toi, je lui dis avec un clin d'oeil.
  • La ferme.

Il se pousse pour me laisser la place. je m'avance avec ma chaise toujours à l'envers, et je commence à taper. Il me donne ses identifiants (non, vraiment, il n'a pas peur, je pourrais en faire des conneries !) et je commence à chercher dans le programme.

Après un quart d'heure, j'arrive enfin à entrer toutes les données demandées. Des histoires de prescriptions de médicaments, de diagnostics, des examens cliniques qu'il a effectués. Quand je vois tout ça, je me dis qu'il a sacrément bossé aujourd'hui ; bien plus que moi alors que c'est notre premier jour à tous les deux. J'espère juste ne pas avoir fait de connerie en entrant tout ça, même s'il a vérifié après moi. .

  • Merci Jay. Tu me sauves, il me dit le plus sérieusement du monde.
  • De-de rien, je réponds en bégayant, surpris par sa franchise.
  • Un café ? Il me demande.
  • Volontiers ! Je suis heureux qu'on puisse discuter normalement.
  • Non, je veux dire, va me chercher un café, il susurre avec un sourire machiavélique.
  • Ça t'amuse, hein ? j'ai mon sourire le plus hypocrite sur le visage. T'as pas peur que je crache dedans ?
  • Je me fous que tu craches dedans, il répond en me regardant droit dans les yeux.

Mais c'est quoi cette phrase ? Pourquoi il dit un truc pareil ?

  • Je reviens... Et je pars, tirant la gueule.

1er octobre, 4h.

Pour la deuxième fois, je me réveille en sueur, terrifié, et il est là. Il ne fait aucun mouvement, il est juste... Là, assis sur mon lit, me regardant. Et pour la deuxième fois, ses bras me semblent si accueillants que je m'y jette sans même réfléchir. Il m'entoure des siens, me laissant trembler et pleurer dans son t-shirt, sans rien faire d'autre qu'être présent. Pas un mot.

Après quelques minutes - un peu plus que nécessaires - je quitte son odeur familière et me recule pour lui faire face.

  • Je suis dés-

Il pose ses lèvres sur les miennes. Comme ça, sans crier gare. Je ne comprends pas tout de suite ce qui se passe, je suis complètement choqué. Il me pousse doucement, ses mains sur mon torse nu, pour me recoucher sur le lit et reprend mes lèvres avec un peu plus de ferveur. C'est quand sa langue vient les caresser que je reprends mes esprits. Je le repousse de toutes mes forces et il bascule au sol, tombant du lit. Son regard se pose sur moi, complètement perdu. Nouvelle expression...

  • Mais qu'est-ce que tu fous putain ?!

Je suis trop abasourdi pour élaborer des phrases plus compliquées.

  • Je... Il écarquille les yeux comme s'il prenait seulement conscience de ce qu'il vient de faire. Oublie.

Il se relève tant bien que mal et retourne dans son lit sans se retourner. Encore sonné par cette... Agression ? J'ai du mal à nommer ce qui vient de m'arriver... Bref, je vais prendre une douche fraîche pour me calmer parce qu'il est quatre heures et que je suis censé me lever à six. Je sais très bien qu'après ça je ne pourrai plus fermer l'œil.

Qu'est-ce qui lui a pris ? Pourquoi il a fait ça ? C'est un... Un mec... Et il me déteste en plus. Et moi aussi je le déteste. Ça n'a pas de sens. Il joue encore avec moi ? Il a encore en tête cette idée de me faire dégager en me mettant mal à l'aise ?

Et surtout... Pourquoi mon corps a réagi ? Pourquoi j'ai une putain d'érection ?! Il ne doit pas l'apprendre. Si il sait quel effet il me fait, il aura gagné.

Hors de question.

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