Vendredi 4 septembre, 18h.

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Aiden, comme tous les soirs, est déjà parti retrouver ses potes. Je commence à me préparer pour cette soirée. Je ne sais pas si ici ça se passe comme chez moi, comment s'habillent les gens, ce qu'ils font, mais j'imagine que c'est plutôt universel. J'opte pour une chemise noire, manches courtes, sobre, et un pantalon en jean, que je pourrai retrousser s'il fait trop chaud. J'ajoute mes Dr Martens et j'y vais comme ça. Je me dis que je vais potentiellement mourir de chaleur là-dedans, mais je n'ai rien de plus frais de toute façon - et je refuse toujours les sandales, malgré la proposition de Luc de m'emmener faire du shopping.

Je trouve Matt à la navette à vingt heures, comme on avait dit. Il est habillé avec une chemise blanche mais il n'en a pas trop fait non plus, ce qui me rassure.

  • Beau gosse ! Il me fait avec son sourire colgate. Je lui donne un coup d'épaule en riant.
  • Pas touche Matt, ce corps parfait appartient à Marie ! Je me suis vite habitué aux remarques très gay de Matt et à ses regards lubriques, et j'ai appris à y répondre avec humour.
  • Quel gâchis, il répond l'air dépité en secouant la tête.

On prend la navette et on arrive sur l'île à vingt heures dix. Il est encore tôt mais il y a déjà du monde. La fête se passe en extérieur, car il fait chaud, comme prévu. J'imagine que le climat ici n'est pas particulièrement imprévisible en dehors de la saison des pluies. Ils ont décoré les palmiers de lampions et les ont lié les uns aux autres avec des lumières tamisées. ça donne vraiment très joli.

Je constate qu'un certain nombre de personnes sont habillées avec une blouse d'infirmier et de docteur. J'imagine que c'est pour démarquer leur cursus des autres... "Nous on fait médecine". Ça ne me plait pas, mais j'y prête peu attention.

Dans un coin à gauche, un buffet sucré-salé en self service. Au milieu, une piste de danse avec un super matériel et un Dj. On sent l'habitude des fêtes en extérieur ; tout semble bien organisé, notamment au niveau du câblage. Il y a des chaises et des tables rondes en bois un peu partout, avec de petites bougies sur chacune. Ça donne un petit côté romantique au lieu. À droite, un bar avec quelques tables hautes et des chaises. Je dirais qu'il y a déjà une bonne centaine de personnes. Il semblerait que des touristes soient mélangés aux autres, le mot a dû se passer même parmi eux. Tant mieux, ça fait plus de monde.

Avec Matt on se dirige immédiatement au bar et on commande une bière chacun.

  • Je tiens assez peu l'alcool, je boirai pas beaucoup ce soir, je dis en tapant sa bière de la mienne avant d'en prendre une gorgée bien fraîche.
  • C'est toi qui le dis mon pote ! Il me répond avec un sourire carnassier et un clin d'œil.

Je suis peu rassuré, mais je compte quand même m'amuser et je bois ma bière avec gourmandise. La première ici. Marie me manque tout à coup, je ne bois que quand elle est là en général, c'est un accord tacite entre nous histoire que l'autre ne déconne pas et qu'on puisse se soutenir en cas de grosse cuite...

Aujourd'hui c'est différent, il faut bien que j'apprenne à être sans elle un peu. Je m'avance sur la piste avec ma bière et commence à danser, Matt sur les talons. Il me fait vraiment marrer, il danse n'importe comment et ça l'éclate. Un certain nombre de personnes le regarde en rigolant. Il est vraiment du genre bout-en-train et je me prends à le regarder avec un sourire tendre. Ouais, tendre. Genre "si fier de ma progéniture". Putain, mes hormones ont des problèmes depuis que je suis ici.

Après ma bière, je décide de me boire quelques shots, on fait un concours avec Matt et un type, dont j'apprends qu'il s'appelle Andrew, vient se joindre à nous.

Je commence à ressentir les effets de l'alcool jusque dans mes doigts. Mon cerveau s'embrume et ça me plait, je le mets enfin sur "off" et je peux profiter et arrêter de faire semblant que le lieu ne me plaît pas.

En retournant danser, je lève les yeux pour observer la foule et croise le regard d'Aiden. Je lui souris. Aiden. Tout à coup ça atteint mes neurones. Qu'est-ce qu'il fout ici ? Et habillé d'une blouse blanche qui le rend hyper sexy en plus ?!

Je fonce vers lui directement.

  • Pourquoi t'es là ? Je grogne en essayant d'avoir l'air sobre.

Il me regarde avec étonnement, un sourcil levé.

  • C'est moi qui devrais te poser cette question. Comment t'as su pour la fête ?
  • J'ai été invité par un pote... Et toi ?
  • Je l'ai organisée.

Il dit ça avec son air blasé habituel, comme s'il me prenait pour un con.

  • Quoi organisée ? Pourquoi tu ferais ça ? C'est fait par les étudiants en médecine ! Et là, je percute (ouais, me faut toujours du temps). Quoi, t'es en médecine peut-être?

Je ne sais pas pourquoi ça me semble si invraisemblable.

  • Ouais.

Il recommence avec son regard supérieur.

  • Quoi? Sérieusement ?

En fait je crois que son côté "je me tape tout ce qui bouge" ne colle pas trop avec l'étiquette de médecin dans ma tête.

  • Ouais, sérieusement... Il commence à en avoir marre et se retourne sur son "occupation" (blonde, gros seins l'occupation) du moment quand je continue à le questionner.
  • Mais t'as quel âge ? T'es pas au lycée ? J'insiste.

Je le vois rougir. Il a l'air un peu vexé.

  • Au lycée ? J'ai vingt-trois ans, gamin. Allez, retourne à tes cocktails avant que je te dénonce, t'as même pas l'âge d'en boire, il me sort avec un sourire façon Aiden.

Et il se barre définitivement sans plus un regard. Cette fois c'est moi qui me vexe. Il a un visage tellement fin, et il est plus petit que moi - ouais, comme la plupart des gens, je fais 1m87, je sais - bref il a l'air vraiment... Plus jeune...

Je fais ce qu'il me dit et retourne boire avec Matt. La tête me tourne et je ne suis plus du tout gêné de danser avec lui, ni avec les filles qui se collent à moi. Je sens le regard d'Aiden sur moi, que je croise de temps en temps. Je remarque qu'il fixe un point juste derrière moi et, me retournant, je constate qu'il s'agit de Matt. Alors qu'il me tapote l'épaule pour me proposer une autre boisson, Aiden fonce sur lui et lui dit froidement de le rejoindre tout de suite dehors. J'ai à peine le temps de me poser des questions que je recommence à danser, complètement bourré.

Quand Matt revient, un temps indéterminé plus tard - j'ai du mal à me repérer, là de suite -, je saute dans ses bras.

  • Eeeeeeh mon pote, tu m'as trop manquéééé ! Je lui dis en riant.
  • Ouais, ouais, calme-toi un peu Jay, il me répond dans un rire gêné.
  • Mais pourquoiiiii ? Je pleure presque de désarroi.
  • Parce que tout le monde nous regarde... il sourit.
  • Mais nooooooon! Je regarde autour de moi et vois le regard d'Aiden, sévère, sur nous. Y a juste l'artichaut là-bas... Je le pointe du doigt. On s'en fout de l'artichaut... Artichaut... Hahahah !

Et je deviens irrécupérable.

Une heure plus tard, alors que je danse comme un fou sur la piste et que je fais, je crois, peur à tout le monde, je décide d'aller pisser.

En entrant dans les toilettes, je ne remarque rien au premier abord, assommé par les beats extérieurs et l'alcool. C'est quand la porte se referme et que c'est plus calme que je les entends.

  • Oui... Encore.... Comme ça.... Hmmm, hmmmm...

J'ai jamais couché avec une fille, mais je ne crois pas me tromper en me disant que celle-là prend sacrément son pied.

C'est seulement quand je lève les yeux que je vois le spectacle qui s'offre à moi. Elle, en face de moi, assise sur les lavabos, jambes autour de sa taille, jupe relevée. Ses mains sont agrippées à son cou. Lui, la prenant de toutes ses forces, les mains sur ses hanches. Je reste comme un con à regarder ça, jusqu'à ce qu'elle me remarque et crie.

  • Putain de voyeur de merde, dégage ! elle est furieuse et moi je me marre.
  • On s'amuse bien par ici ! Je dis en rigolant comme un con.

Et il se retourne, et je me rends compte que c'est Aiden. Je le regarde, complètement hébété pendant qu'il range son matos en vitesse, dos à moi. Enfin, il me fait face complètement. Il est transpirant, il reprend son souffle et passe sa main dans ses cheveux. Sa chemise est ouverte sur son torse bien dessiné.

  • Jay, qu'est-ce que tu fous là...

Il a pas l'air en colère, juste lassé. Et qu'est-ce que je me sens con, putain...

  • Je venais pisser... Et je tourne les talons sans regarder derrière moi.

Je vais dehors, espérant faire bouger un peu mon cerveau en stand-by. J'ai souvent lu ou vu dans les films que les chocs du genre tendent à "réveiller" les gens bourrés mais ce n'est absolument pas mon cas. C'est presque pire en fait, ma tête tourne et je ne sais pas vraiment où je vais, je n'arrive plus à me situer.

J'arrive quand même à atteindre l'extérieur et prends une bouffée d'air frais avant de m'écrouler pathétiquement contre un mur un peu plus loin. Je pose ma tête sur mes genoux, entourée de mes bras, tentant vainement de me remettre les idées en place. Impossible, ça tourne trop. Je n'arrive même pas à réfléchir à ce que j'ai vu, à déterminer si ça m'énerve ou si ça me fait rire, ni même si c'est important. Je suis complètement incapable de raisonner logiquement.

Ce qui me semble être quelques minutes plus tard (mais je n'en mettrais pas ma main à couper) j'entends quelqu'un approcher.

  • Hé, tu vas bien..?

Je ne reconnais pas cette voix. Dans un effort surhumain je lève la tête et constate qu'il s'agit du type avec qui j'ai bu avant. Je lui fais un sourire un peu tordu.

  • Nickeeeeeeel... Je dis en rigolant.
  • Tant mieux... Tu m'inquiétais à rester tout seul ici... T'as trop bu ? Tu veux de l'aide pour rentrer ? Il me demande en se postant à ma hauteur, accroupi.

Non... Je suis bien ici... Le sol est tout doux t'as vu ? Je demande en caressant le sable. Tout en parlant je me rends compte du ridicule de la situation mais je ne peux pas m'empêcher de me marrer. Putain d'alcool.

  • Ouais, sûrement... T'es complètement raide surtout. Relève-toi.
  • Nooooon ! Je crie, pesant de tout mon poids pour rester par terre alors qu'il tente tant bien que mal de me tirer par le bras.
  • Putain t'es chiant ! Tu vas pas rester là toute la nuit ! Il commence à perdre patience et je ris.
  • T'étais là... Debout Jay. On y va.

Je lève les yeux comme un chiot qui a entendu sa mère quand je croise le regard d'Aiden. Je me lève tant bien que mal et fonce dans ses bras, et puis... Et puis je ne sais plus.

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