Mardi 18 août.

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Je hurle, je m'énerve et le regarde avec un air meurtrier pendant qu'il fait ses putain de cartons.

— Jay, s'il te plaît, tu vas pas recommencer... On en a déjà parlé. Ça sera... Fantastique ! Ce sera différent d'ici !

Il me fait rire. Rire jaune, je veux dire. Fantastique, je t'en foutrais des fantastiques, papa.

— Mais j'ai aucune obligation de venir avec toi ! Je suis majeur dans trois mois, et tous mes potes sont ici, ma vie est ici, j'en ai rien à foutre de ton île débile ! Je veux pas y aller dans ton coin perdu !

— Ça suffit. Tu feras ce que tu veux dans trois mois. Pour l'instant tu finis tes bagages. Tu t'y habitueras très bien.

Je déteste quand il croit savoir mieux que moi ce qui est bien ou pas.

— Et Marie, papa, t'y as pensé ? Je fais quoi avec Marie ? Je la laisse là, comme ça, alors qu'elle est la femme de ma vie ? Je la fous dans ma valise ?! Je dois abandonner mes rêves juste pour ton égoïsme ?!

Les larmes montent, la culpabilité aussi. Je ne peux pas retenir mes mots. Ils font mal, mais ils sonnent vrai... Jusqu'à ce que je les dise, en tous cas.

— Me manque pas de respect, Jay. Tu me gonfles. T'es au courant depuis deux semaines, et tu sais qu'on a pas le choix si on veut avoir les moyens de vivre correctement. J'ai besoin de ce job, je l'ai déjà accepté, et je sais même pas pourquoi je me justifie, parce que de toute façon, y a pas matière à discuter.

Deux semaines. Ouais, c'est peut-être ça le problème. Il se fout de moi ? Deux semaines, putain. Comment on peut se faire à un changement de vie complet en deux misérables semaines.

Je décide malgré moi de jouer ma dernière carte. Et je sais déjà que c'est une mauvaise idée.

— Et maman ? T'y as pensé ?! On l'abandonne ici, elle sera toute seule, elle a personne d'autre !

ça y est. Je suis allé trop loin. Trop tard pour ravaler mes paroles.

— Arrête immédiatement, Jay. On rendra visite à maman plus tard.

Je sens les tremblements dans sa voix. Je sens que je l'ai déçu... Non, blessé.

— Ça me fait mal aussi, mais maman est dans nos coeurs. On a pas besoin d'avoir sa tombe à côté pour continuer à l'aimer. J'en ai marre. Je t'arrête là avant que tu dises encore quelque chose que tu regretteras.

Il est parti s'enfermer dans sa chambre, sûrement pour cacher les larmes qui commençaient à s'échapper de ses yeux. Je les ai vues, même à deux mètres de lui. La colère, la frustration, je ressens toutes ces émotions qui l'envahissent. Je n'avais pas le droit de lui parler comme ça. Mais tout ça... Tout ça c'est trop pour moi.

Je m'enferme moi aussi dans ma chambre, et moi aussi je pleure. Je claque même la porte, pour signifier à mon père que je suis touché, comme lui. Que je suis en colère, comme lui. J'envoie un texto à Marie pour la prévenir que j'ai tout essayé, que notre séparation aura quand même lieu dans trois jours... Trois jours seulement, avant de lui dire au revoir pour une durée indéterminée. Je le dis à tout le monde et j'essaie d'y croire aussi. A mon retour, je veux dire. J'essaie de me convaincre que j'aurai les tripes de rentrer ici, de me trouver un job, de vivre par mes propres moyens dès que j'aurai dix-huit ans. Mais au fond de moi, je sais bien que ce sera presque impossible... Je lui dis quand même qu'elle aura juste à patienter trois petits mois. Je veux la rassurer, je veux pas la voir pleurer.

J'allume mon PC, j'ouvre mon Facebook, je fais mon annonce à mes potes :

"Dimanche, je pars chez les tarés pour trois mois, en plein milieu du Pacifique.... Si vous voulez me dire au revoir, j'organise une fête, chez moi, vendredi. Venez vous éclater une dernière fois, tout le monde est invité !"

Et je me jure que cette soirée sera inoubliable...

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