23 - Juicy

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 « Chérie ! Je suis rentré ! »

 La porte claque. Un bruissement de clés suit, accompagné d'un petit sifflotement. Puis, le bruit du tissu glissant contre un autre, probablement un manteau que l'on retire. Les claquements de souliers résonnent dans le petit couloir jusque dans la coquette cuisine. L'homme entre avec un grand sourire que sa femme ne voit pas, occupée à préparer le dîner. Son couteau s'abat en rythme, tchac, tchac.

 Il pose le journal sur la petite table de la cuisine, puis s'approche d'elle par derrière et l'enserre à la taille. Dans le creux de son cou, il lui murmure :

 « Qu'est-ce que tu nous prépares de bon pour ce midi, hm ? »

 Avant de déposer quelques baisers légers ici et là. Elle rit et se débat, mais avec légèreté, sans réel agacement.

 « Arrête ! J'ai les mains encore sales. Pose-toi quelque part et laisse-moi finir. »

 Il dépose un gros baiser sur sa joue pendant qu'elle part se laver les mains. Un filet rouge sombre s'écoule dans le siphon. Par la fenêtre entrouverte, on peut entendre quelques oiseaux piaillant dans le jardin, où un petit potager resplendissant produit une grande variété de fruits et légumes. L'homme admire la scène quelques instants avec un petit sourire avant d'obéir à son épouse et de se poser sur une chaise. Il reprend le journal et le parcourt d'un air désintéressé.

 « Hm… Rien de bien neuf. Oh, tu sais quoi ? Éric aurait disparu cette nuit, m'a dit sa mère.

  • Vraiment ?
  • Oui, oui. Visiblement, pouf. Comme ça.
  • Lui qui avait tant l'habitude de venir ici.
  • C'est ce que je lui ai dit. Je lui ai dit qu'il nous avait confié plusieurs fois qu'il comptait partir. Vivre sa propre vie, sans l'autorité parentale sur le dos. Tu te souviens ?
  • C'est vrai, c'est vrai.
  • Un jeune homme turbulent, toujours fourré à droite et à gauche. Elle pense qu'il lui est arrivé malheur. »

 Il reste pensif, laissant la conversation en suspens. Son épouse vient s'asseoir à table et commence à éplucher des légumes du potager. Il l'observe faire quelques instants avant de poser son journal.

« Bon, je ne peux pas rester comme ça à ne rien faire. Je peux t'aider ?

  • Ah, non. Toi, tu ramènes la nourriture, moi, je la prépare. À chacun ses tâches !
  • Laisse-moi faire quelque chose, au moins !
  • Écoute, je n'ai pas eu le temps de nettoyer, entre la cave et la cuisine, j'ai un peu sali. Tu peux arranger cela si tu veux.
  • Eh bien voilà ! »

 L'homme se relève, dépose un petit baiser tendre sur les cheveux de sa femme et s'en va récupérer un seau, une serpillière et un peu de javel. Sans s'encombrer de gants, il récure le sol, sifflotant pendant que sa femme finit la préparation du repas. L'eau devient vite boueuse, avec quelques teintes ocres par endroits.

 « Oh, tant que j'y pense, j'ai croisé le boucher, sur le marché, déclare la cuisinière attitrée.

  • Oh ! répond tout bonnement l'homme, occupé à frotter une tâche rouge incrustée dans le carrelage.
  • Il regrettait que nous passions moins souvent. Je lui ai dit qu'avec des prix comme les siens, nous ne pouvions pas nous permettre de passer plus souvent. Ça lui a coupé le sifflet !
  • Tu as bien fait ! J'espère que tu ne lui as rien pris.
  • Penses-tu. »

 Il pousse un petit grognement satisfait alors qu'il arrive à la fin de sa tâche. Il se redresse, porte le seau à bout de bras, et part le vider dans les toilettes. Lorsqu'il revient à la cuisine, le beurre siffle dans une poêles, pendant que dans un wok, sa femme fait sauter plusieurs légumes, colorés. Leurs voisins leur demandent parfois comment ils arrivent à avoir des récoltes aussi savoureuses. Leur réponse est toujours la même : respecter la terre, des engrais naturels, travailler au jardin rigoureusement, jour et nuit s'il le faut. C'est épuisant, mais cela en vaut toujours le coup.

 « Bien. Autre chose que je peux faire ? déclare le mari, manches de chemise toujours retroussées, mains sur les hanches.

  • Tu pourrais retirer cette horreur de la table et y poser assiettes et couverts à la place, répond son épouse en pointant du menton le journal, occupée à gérer la cuisson de la viande.
  • Roh, ce ne sont que les nouvelles ! C'est bon de se tenir au courant.
  • Oh, c'est toujours la même chose. C'est la crise, rien ne va plus, les gens n'ont pas d'argent, le gouvernement n'est qu'une bande d'incapables, disparitions inexpliquées, le monde va en guerre… Assez.
  • Je maintiens qu'il est bon de rester informé ! proteste-t-il.
  • Eh bien, pas dans ma cuisine. Vire-moi ça et mets la table.
  • Bon, bon. »

 Il replie le journal et le dépose dans le salon, pour une lecture plus approfondie plus tard, juste après le déjeuner. Puis il revient et s'installe à table, admirant sa femme au travail. Qu'elle est belle, pense-t-il. Il est si heureux qu'ils se soient trouvés. Ils sont en accord sur tellement de choses. C'est vraiment une partenaire exceptionnelle. Lorsqu'elle se retourne pour les servir directement depuis le wok et la poêle, elle surprend son regard enamouré et rosit de plaisir. Elle peste contre lui, mais gentiment. Puis elle repose les ustensiles de cuisine, éteint les feux et s'assoit en face, avec sa grâce usuelle.

 « Bon appétit, déclare-t-elle avec un petit hochement de tête. »

 Ce n'est qu'à ce moment qu'il prend ses couverts et coupe dans l'épais morceau de viande, saignant et dégoulinant. Du jus glisse sur son couteau alors qu'il tranche, se mélangeant dans les légumes. Il goûte avec un plaisir évident le petit bout de chair cuite.

 « Hm… Excellent. Vraiment à en mourir. »

 Ils partagent un petit sourire tendre, complice.

 Puis dégustent avec plaisir leur juteux repas.

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