Refuser ou accepter

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Je commence à aller mieux et reparler normalement. Finalement, ceci n’était que passager : et tant mieux. À ma petite bande s’est rajouté Yverinne et Tristan, on dirait presque qu’ils sont ensemble. Même si c’est un grand mot, ça leur arrive de venir de temps à autre. Je ne vois personne comme des amis, mais je me rapproche réellement dangereusement de Roland. Taïa a une pointe de jalousie dans le regard mais elle ne dit rien.

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Je ne compte pas sortir avec de toute manière, mais si cela se faisait, il faudra certainement plus de temps. Il est protecteur avec moi et me confie quelques petits trucs comme ses anciennes relations. Il a essayé de sortir avec un homme quand il vivait chez ses parents et s’est rendu compte que ce n’était pas vraiment son tripe. Qui sait, il tentera peut-être avec moi ?

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Mais ça me trotte dans la tête. Quel parfum met-il ? Pourquoi avait-il eu cette odeur répugnante ? Elle était tellement semblable à ces vases perturbants. Pile au moment où j’allais me retourner il avait disparu. Je le vois assis sur un fauteuil de la bibliothèque seul. Ça me donne envie de l’approcher et de le sentir de nouveau de plus près.

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Je décide d’y aller et de saluer. Les lunettes rectangulaires noires lui allait à merveille. Cela lui donnait un air plus intelligent et sérieux. Tel un homme ténébreux décrit dans un roman où l’on veut dévorer le savoureux héros… Je m’emporte. Ses lèvres exquises fendent une fine ouverture à tomber. Ses yeux grands ouverts m’épient et semblent éplucher mes émotions que j’essaie pourtant de ne pas laisser transparaître.

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Avant que je ne détourne rapidement les yeux j’ai aperçu ses sombres prunelles s’illuminer vaguement. Comme si une fumée blanche m’entourait.

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Il engage la discussion avant que je ne puisse dire quoique ce soit voire m’asseoir.

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- Tu sors de plus en plus de ta chambre dis donc. Tu viens te cultiver ? Me taquine t-il.

- Très drôle dis donc. Je pense que tu devrais gagner un prix de l’humour. Et toi que fais tu là ?

Au passage j’essaie de me rapprocher en reniflant l’odeur qu’il émane de lui.

- Je me renseigne un peu sur tous les domaines existant, j’aimerai bien vivre de savoir.

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- Ah oui ? Tu veux être une source de connaissance ? Alors que tu ne sais même pas que tu as une saleté dans tes cheveux ?

- Ah bon ? C’est bizarre je me suis douché ce matin.

J’en profite pour me pencher vers lui. Nos corps sont très proches, enfin, nos têtes. Nos bouts du nez se touchent presque.

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Je respire donc son parfum afin de deviner de quelle essence provient l’arôme de cette senteur que j’eusse cru sentir si épouvantable. Et étonnamment je sens l’émanation du charbon. Alors… Je commence à douter de mes capacités de perception pour reconnaître une odeur.

- Tiens je te l’ai retiré, mentis-je, tu sens l’odeur du charbon pourtant, c’est normal ?

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- Oui, j’ai charbonné du bois.

- Pourquoi ?

- Pour brûler ta chambre.

Je fus brusquée jusqu’à ce qu’il me rassure.

Je blague, crétine. Il me frotte la chevelure encore.

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- Ah bah écoute tu réchaufferas peut-être ma chambre.

- Autant te réchauffer avec mes bras.

Je rigole bêtement appréciant la vanne.

- Je vais te laisser, je dois aller à mon entretien.

- Chouette ça, bonne chance.

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Je le remercie parce que je suis polie. Et je pars. Au passage je me demande aussi pourquoi il faisait du charbon de bois, je lui redemanderai. J’essaie de ne pas trop croiser mes colocataires et tout se passe comme prévu. Certains doivent travailler. Ou être occupés. Ou coucher ensemble. Parce que je les vois venir ceux qui flirtent entre eux.

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Je choisis de partir en bus. Yvette m’a parlé du fait que si je voulais quelque part je pouvais prendre le taxi de la maison. Mais j’ai l’impression qu’elle surveille les activités de tout le monde comme ça. Alors pour préserver comme à mon habitude un minimum mon intimité je me fais petite.

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J’ai eu mon bus. Je me suis installée tranquillement avec un trajet sans encombre. Comme prévu je suis arrivée à l’heure prévue. Le restaurant s’appelle « Esselbaid Ettevy ». Le nom trop original qui n’aurait jamais du exister. On dirait de l’italien. Je ne trouve pas jusqu’à ce que je vois un panneau où il est inscrit. Désormais « El pasta pour vous change de nom. Venez tenter votre chance, nous recrutons. »

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Je ne me suis pas trompée. Je vois des stores comme si c’était fermé mais tout de même, je rentre et c’est ouvert. Je montre ma présence en saluant courtoisement mais ne reçois pas de réponse. Jusqu’à ce qu’un vieil homme vienne m’accueillir.

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« Bonjour, vous êtes Brunehilde Aclasia n’est-ce-pas ? Son visage ridé par la force de l’âge ainsi que ses yeux tombant montre qu’il ne peut pas gérer ce restaurant seul. Il me paraît déjà à bout de souffle.

- Oui tout à fait. Enchantée, je viens me présenter pour le poste de serveuse, vous m’avez répondu par mail. »

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Il acquiesce et me serre la main comme à toute entrevue professionnelle.

Après quelques questions sur mon parcours il paraît satisfait. Il n’a pas l’air d’avoir de très grandes attentes de qui que ce soit en fait. Je vois d’autres personnes défiler derrière moi.

Qui sera le premier pourvu, ricanai-je dans mon intérieur.

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Je reste concentrée sur ce qu’il me dit jusqu’à ce qu’il me lance :

« Très bien. Vous aurez votre période d’essai lundi. »

Autrement dit dans trois jours. Je suis heureuse, je me sens privilégiée ! Mon cerveau a fait dix tours avant de percuter. Je lui demande confuse et entortillée de répéter et il le fait mais cette fois avec plus de détails.

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« Vous allez recevoir votre emploi du temps par mail. Ce sera un temps partiel. Mais vous devrez assurer le service le soir de 18 heures à 23 heures. »

Mon monde s’écroule. Je tente de négocier mais pas moyen. C’est soi j’accepte soi je n’ai pas le poste. C’est pour cela que je lui demande si je peux lui transmettre une réponse dans la soirée. Il accepte.

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Je tente de garder possession de moi. Tout va bien. Six heures pour réfléchir. Posément dans ma chambre glaciale (je pourrai l’appeler chambre froide). Mais cela ne m’empêche pas de me balader en nuisette. Le tissu délicat en satin de soie qui parcourt la descente montagneuse mais harmonieuse de mes courbes me laisse perplexe quant au fait de la quitter.

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Lui et moi nous sommes dit à bientôt avant que j’observe mes potentiels futurs collègues. Plus de filles que d’hommes. Basique remarque. J’espère que ce n’est pas un vicelard.

##"

Je suis encombrée par mes pensées. Quand j’arrive dans la forteresse, Yvan me demande comment s’est passé mon entretien. Je ne l’ai pas mis au courant et il sait. Par une simple réponse je lui ai répliqué que je ne savais pas avant de prendre mon pas.

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Quand je rentre dans ma chambre, les rideaux que j’ai installé sont entremêlés. Comme ma spéculation. Je vois que le tableau a changé de place. De quelques millimètres. Quand j’approche pour le repositionner, je visualise les yeux de la peinture gigoter. Ils bougent.

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Je reste sur le cul. Du mieux que je puisse dire.

Formelle, une voix monotone articule pour me faire passer un message clair : refuse.

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