Passage initiatique

de Image de profil de Accord écritAccord écrit

Avec le soutien de  Artiscript, docno, jean-paul vialard, cassiar, no97434 
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Image de couverture de Passage initiatique

Depuis mon retour à Brive, je m’étais beaucoup rapprochée de la soeur cadette de ma mère. Nous ne passions pas une semaine sans nous appeler ou nous voir. J’adorais Brigitte, son humour, son ouverture d’esprit, sa faculté à prendre la vie comme elle vient. Elle était ma confidente et mon amie. Sept mois après le décès de mon premier amour, j’allais devoir faire face à une autre épreuve, celle de la maladie de ma tante.

Au mois de septembre, on décela à Brigitte un cancer au pancréas. Je savais déjà que ce crabe, qui m’avait déjà privée de ma grand-mère, ne lui laisserait aucune chance mais nous avons tous voulu y croire quand, ce 31 Décembre 2018, elle s’est fait opérer. Répit de si courte durée. Que doit-on endurer pour aller vers une mort certaine ? Connaître les mêmes affres que sa propre mère. Je l’ai vue se battre pendant dix mois comme une chienne enragée avec force et courage cachant bien des fois des moments de profonds désespoirs. Ce jour où, prise de nausées causées par les effets secondaires de la chimiothérapie, elle eut à peine le temps d’arriver chez ma mère pour vomir, vomir toute cette bile de colère, d'incompréhension et d’injustice terrées au fond d’elle. Pourquoi elle ? Elle se mit à pleurer en disant qu’elle était pour nous tous “ un boulet ” et j’eus du mal à cacher ma tristesse tellement sa détresse m’était insupportable.

On se sent tellement impuissant face à la maladie d’un proche et puis, comment peut-on vraiment se mettre à la place de celui qui se sait condamné. Les mots sont vains pour apaiser. J’ai juste pu lui dire que je l’aimais, tenté de cacher ma propre angoisse de sa disparition inéluctable en m’apaisant dans la méditation, la retraite. Je décidai de mettre un terme à mon contrat dans une boite d’insertion professionnelle. Ironie du sort, ma tante exerçait dans le même secteur que moi et l’apparition de sa maladie eut l’effet d’une révélation dans ma vie. Convaincue que le ventre est un deuxième cerveau, je me mis en tête qu’il était absolument temps de cesser de se torturer l’esprit et surtout l’estomac, à coup de colère, de sentiment d’injustice, de tristesse et de stress. Je prenais mon travail trop à coeur pour avoir la distanciation nécessaire pour me protéger de toute cette misère sociale que je côtoyais tous les jours. J’avais, qui plus est, encore énormément de ressentiment vis à vis de mon ex compagnon mais j’allais découvrir que j’en avais tout autant à mon égard. Il faut savoir être doux avec soi-même.

A cette même période, je commençai à lire des livres de développement personnel et je tombai un jour, en errant dans les allées de Cultura où je pouvais passer des heures, sur un petit livre de poche intitulé “ Journal Intime d’un touriste du bonheur ” de Jonathan Lehmann. Il était question d’une retraite méditative au Rajasthan, d’addiction, de mysticisme, de yoga et de sexe tantrique. J’ai toujours été un petit peu extrême dans mes actes. Une thérapeuthe en MTC (Médecine Traditionnelle Chinoise) m’avait donné le protocole Moritz que j’avais déjà suivi deux fois afin de me détoxifier le foie et la vésicule biliaire, c’est une sorte de purification du corps qui consiste à ingérer un litre de jus de pommes par jour tout en observant un régime alimentaire particulier. Le dernier jour consiste à boire une décoction à base de sulfate de magnésium, d’huile d’olive et de jus de pamplemousse infâme, le tout ayant une fonction hyper laxative et aidant à expulser les calculs biliaires.

C’était au mois d’Avril, quelques mois avant le décès de Brigitte. Je rentrai chez moi et je décidai de faire un jeûne strict d’une semaine ayant tout loisir de pouvoir procéder à l’opération tout en ayant le luxe de pouvoir me reposer chez moi. Je consacrai donc ma semaine à la lecture de ce livre, à faire de la méditation tous les jours et à m’enfermer dans une sorte de retraite silencieuse durant laquelle je méditai. Il se passa quelque chose lors de ces quelques jours, quelque chose sur quoi je ne saurais mettre des mots. Une sorte d’équanimité, de tranquillité de l’âme et de l’esprit que je n’ai pas ressenti avec la même intensité depuis. Le dernier jour fut pourtant très violent. Je manquai de faire un malaise et je vomis ce qui devait être de la bile. Je me couchai éreintée et me je levai au septième jour comme après une anesthésie post-opératoire. Une sensation de flottement m’envahissait, une sensation de plénitude absolue, comme si je venais de faire une découverte extraordinaire qui permettait d’atteindre une sorte de calme absolu, de nirvana.

C’est à partir de ce moment-là que je me mis véritablement à méditer tous les jours et que je commençai à écrire de façon plus régulière. Je cheminais doucement là où son cheminement à elle était contraint et sans commune mesure puisqu’il la menait à l’acceptation du mystère ultime de sa vie. Comment peut-on accéder à une paix de l’âme quand toutes vos pensées s’entrechoquent dans la seule perspective d’une fin terrestre inéluctable ? La mort, une énigme, un mystère, un flot d’interrogations, se dessaisir de sa propre matière dans l’espoir d’un au-delà de soi incertain. Et pourtant le flot perpétuel du monde continue de s’agiter et nous n’en sommes qu’une goutte d’eau avant de devenir cendre.

La veille de son décès, je me rendis à l’hôpital. C’était un jour du mois de Juin, le soleil commençait à annoncer l’été. Je ne sentis même pas la force de franchir la porte de sa chambre. J’avais pourtant fait une heure de route pour venir la voir. Puis, les infirmières laissèrent entendre qu’elle ne passerait peut-être pas la nuit. Le cancer du pancréas m’avait déjà pris ma grand-mère, celui du côlon ma marraine six mois plus tard. Depuis que ce fichu crabe sévissait autour de moi, je m’étais résignée devant la puissante détermination de sa progression. J’avais fini par admettre que le corps médical fait rarement de mauvais pronostic quand il s’agit de présager du temps qu’il vous reste alors je me décidai à entrer dans sa chambre et je la vis lumineuse et souriante malgré les traits de son visage émacié, creusés par la souffrance. Ses immenses beaux yeux bleus me souriaient et je me souviendrai toute ma vie de ce précieux sourire, presque serein, qui émanait d’elle, comme si elle avait accepté qu’elle était arrivée au bout du chemin. Je me souviens de son dernier geste, de cette main qui, comme une dernière caresse, saluait notre dernier au revoir.

“ Au revoir”, c’est un mot ambivalent au revoir, il peut être à la fois définitif et plein d’espoir.

C’est une interjection de politesse inutile qui se perd dans les vagues de l’incertain.

On ne peut pas savoir ce qui se cache derrière un au revoir, même l’intention de son locuteur peut être biaisée par la vie, c’est un mot qui ne devrait pas exister au revoir, on aurait dû inventer le mot – valise « abientaurevoir » plutôt… Plus tôt…

J’ai le temps qui court, le temps qui court trop vite pour ce mot trop vague, ce mot qui, sans valise, prend la fuite.

AutobiographieTragédie
Tous droits réservés
Contenu sensible
1 chapitre de 5 minutes
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En réponse au défi

Tristesse profonde

Lancé par Camilarrea

Hello, permier défis roposer pour essayer de me remonter le moral suite au décès de mon chien. Alors, aujourd'hui, je vous propose de raconter ce que vous avez ressentit lors de la mort de votre animal et si vous n'avez pas ou n'avez jamais eu d'animaux, raconter ce que vous avez ressenti suite au dèces ou à la perte d'un proche.

je sais que c'est sinistre, mais ça peut en aider plus d'un.

il n'y a pas de limite ou de consignes, juste exprimer vous, ne fait pas attention au faute d'ortographe, juste laisser vos doitgt écrire ce que vous ressentez. Ça vous fera du bien.

Bisous

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