Chapitre 32 : Spectateur (1)

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Vyrian visualisait de nouveau le Monde Mythique. Il y retrouva les trois miliciens, Declan, Wikee et Djima. Les Mysticys se tenaient regroupés dans une chambre spartiate. Vyrian ne distinguait qu’une table, deux chaises et un lit sur lequel le jeune Sage Vagabond était maintenu de force. Malgré quelques soubresauts, l’artisane parvint à lui enfoncer une seringue dans l’épaule. Le mage tenta de la retirer, mais à force d’agitation, du sang se mit à couler le long de l’aiguille. Epuisé, Declan dut s’avouer vaincu. Les deux miliciens ne relâchaient pas pour autant leur étau.

Plaqué contre le matelas, la cage thoracique du jeune mage se soulevait frénétiquement, accompagnée par les gémissements de l’armature du lit. Vyrian le vit pâlir, à mesure que les rouages de la seringue s’actionnaient. Cran après cran, le piston s’éleva et émit un ultime cliquetis. C’était ce bruit qui avait activé l’omniscience du chercheur.

Vyrian regarda la seringue se remplir d’un fluide transparent, à peine visible : la magie de Declan. Le précieux flux récolté, Djima retira l’aiguille du bras du mage qui peinait à rester conscient.

Le biologiste reporta son attention sur le dispositif de l’artisane. Il en observa chaque rouage, en apprécia la complexité et se délecta de l’ingéniosité du système. Chaque piston avait une fonction bien particulière. Le premier filtrait la magie des autres composants du sang, tandis que le reste retournait à son propriétaire. Une fois prélevée, un second piston permettait de la purifier et de lui retirer tout résidu non mystique qui aurait pu s’y greffer. Enfin, un dernier traitement rendait le liquide visible. Son dispositif permettait donc de rendre la magie tangible.

Une fois la seringue remplie, elle en versa le contenu dans un cube mécanique. La structure s’agrandit au fur et à mesure qu’elle absorba le liquide. Djima sortit une clef de sa poche et remonta le mécanisme. Un orifice s’ouvrit et le dispositif projeta des gouttelettes de magie pure sur lesquelles dansaient les souvenirs de Declan.

Tous purent voir le jeune homme accéder au rang de Sage Vagabond, suivirent les discussions entre amis et les accolades chaleureuses, puis vint l’apparition précipitée de Pitchi. L’expression du jeune Sage s’était alors métamorphosée. L’euphorie qui l’animait avait peu à peu cédé place à la crainte. Declan s’était rapidement excusé auprès de ses amis, avant de filer à la poursuite de Pitchi. La petite créature ne cessait de pépier. Elle virevoltait pointant du doigt l’herbe calcinée. Declan avait alors analysé le terrain et découvert l’existence d’un portail avant de s’apprêter à en créer un nouveau lorsque les Miliciens l’avaient interrompu.

Djima resta pétrifiée. Seuls quelques mots parvinrent à franchir ses lèvres.

— Il est innocent. Il essayait vraiment d’ouvrir un portail pour retrouver son ami ! Vous l’avez agressé pour rien !

Cette dernière phrase s’adressait aux Miliciens. Malgré cela, leur réaction fut minime. La Milicienne ne prit pas la peine de la regarder.

— Les règles étaient simples : tu désapprouvais nos méthodes, tu partais. Qu’attends-tu pour dégager ?

— Mais …

— Mais quoi ? Aurais-tu peur de te retrouver seule ? Renies-tu tes principes pour survivre ?

— Ce n’est pas ça !

— Vraiment ? Tu ne cesses de nous juger. Pourtant, au fond, nos buts sont identiques. Nous voulons comprendre les secrets de ce monde et détruire ceux potentiellement dangereux. N’es-tu pas d’accord ?

— Si.

— Alors maintenant regarde-le bien. T’a-t-il l’air d’une menace ?

— Non… enfin si ! Euh non … Peut-être ! J’en sais rien !

Les deux femmes se turent et regardèrent Declan qui avait fini par perdre connaissance. La respiration du jeune Sage était à présent calme et régulière, bien loin de la frénésie qui avait secoué son corps peu de temps avant. Djima l'observa encore quelques instants, avant de reprendre.

— Je connais la polémique qui entoure les Téléporteurs, mais il n’a rien fait. On te peut tout de même pas lui en vouloir parce qu’il a une affinité particulière avec la magie !

— Ce n’est pas à nous d’en juger. On nous a demandé des infos sur des personnes portées disparues. Rien de plus, nous débuterons nos recherches demain, près de là où nous l’avons trouvé.

—Très bien, mais ne le torturez plus !

— Tout dépendra de sa coopération.

Sur ces paroles, Wikee intervint.

— Une bonne rouste de temps en temps, ça lui fait pas de mal !

En voyant le désaccord entre le mage et le Willefy, Djima eut une idée.

— Dis Wikee, tu ne saurais pas toi, par hasard, ce qu’il se cache derrière ce portail ?

— Non.

— Vraiment ? J’étais pourtant sûre que tu possédais un savoir inégalable. Faut croire que je me suis trompée sur ton compte…

Le Willefy lança un regard noir à la jeune artisane. Intimidée, la jeune femme recula imperceptiblement.

— Ne t’avise pas d’essayer de me corrompre ! C’est à ce crétin que j’ai juré fidélité, pas à la première bécasse venue ! Je n’ai certes pas le partenaire idéal, mais je respecte mon engagement. Lorsque je l’estimerai digne, c’est à lui et à nul autre, que j’apporterai mon savoir !

Les paroles de Wikee installèrent dans la pièce un léger malaise. Djima, détourna le regard du Wileefy et entreprit de carresser distraitement son ExoTempus qui lui rendit son affection. Les ronronnements de la créature arrachèrent un sourire à la jeune femme.

Le groupe s'intalla pour le reste de la nuit qui au vu du ciel était déjà bien entamée. Vyrian observa Djima se rouler en boule, Exe lové contre elle à même le sol. Les trois Miliciens quant à eux restèrent éveillés. Leur chef, observa en silence Declan et ses acolytes gardaient le regard rivé sur l'extérieur. Le jeune Sage se réveilla peu de temps avant l'aube. Devant le regard incendiaire qu'il adressa à la Mysticienne, elle le devança.

— Tu disais bien la vérité. Maintenant que nous en sommes sûrs, peux-tu nous parler de ton ami ?

— C'est pas comme si j'avais cherché à le cacher !

— Tu es en colère, c'est compréhensible. Mais pouvons-nous passer à autre chose ? Les vies de plusieurs personnes sont peut-être en danger, dont une de tes connaissances.

— Il s'appelle Keenan, c'était le fils adoptif du Doyen de la Confrérie.

— Je vois.

— Vous le pensez coupable ?

— Ce que je pense n'a pas d'importance. Nous devons seulement retouver les personnes disparues, le reste ne nous regarde pas.

Djima commença à s'éveiller alertée par la conversation qui se tenait non loin d'elle, avant de finir d'émerger suite à l'entrée d'Ywan. La jeune femme maugréa, se redressa et suivit le groupe à l'extérieur. Vyrian la vit avec Declan plisser les yeux, bien que la luminosité soit encore faible à cette heure.

Ils suivirent leur guide et rejoignirent la mairie. Faric les y attendait. En le voyant, Vyrian se rappela la contamination dont il était victime. A trop vouloir obtenir de puissance, il avait utilisé des sorts interdits issus des recherches sur les Fusionnés et son corps peinait à le supporter. Le scientifique avait craint qu'il finisse à son tour par en devenir un. L'état du mysticys semblait s'être stabilisé, mais Vyrian ne savait qu'en penser. L'ensemble de ses veines étaient apparentes et noires, quant à ses yeux qui étaient le plus touchés, un coeur magique y dansait et semblait remplacer l'ancienne pigmentation de ses iris, leur conférant une couleur du brun au rouge cramoisit. Vyrian se rappela les striures rouges dans le regard de Yomi et se mordit la lèvre. Il était possible que Faric, soit devenu comme elle, un Fusionné. Le biologiste jeta un coup d'oeil à Ywan, bien que ce soit discret, ses veines sombres ressortaient aussi, mais aucune trace de coeur magique n'était visible.

Alors que le politicien s'approchait d'eux, son second s'écarta de son passage, l'ensemble était fluide et semblait coordonné. Le chercheur grimaça. Plus que jamais ses craintes semblaient se confirmer. Les villageois étant restés sous son contrôle semblaient ne faire qu'un avec lui. Comme s'ils étaient devenu un seul et même Fusionné.

Vyrian détourna son regard et découvrit plus en retrait Dungal, Feyna et Pitchi. Mais, il ne vit aucune trace de Dallan et de Fara. Il espérait qu’ils ne leur soient rien arrivé et qu'ils soient toujours eux-mêmes. Le biologiste n'osait imaginer ce que pourrait faire le politicien avec les connaissances du couple.

Sans plus de formalités, la Milicienne dont le nom échappait toujours à Vyrian rapporta les nouvelles.

— Il dit la vérité.

Faric parut ravi.

— Bien, je communiquerai cette information à la Confrérie. Cette histoire fait grand bruit.

D’un geste de la main, il ordonna à Feyna d’approcher. L’hybride peinait à dissimuler le désir de meurtre qu’elle éprouvait pour le politicien. Néanmoins, elle tentait de faire profil bas. Moins on aurait à lui reprocher, plus elle avait de chance de s’en tirer.

Comme convenu, Faric lui retira ses chaines. Les mains libres, Feyna s’attarda sur la gorge dégagée du politicien. Vyrian pouvait sentir l’envie la consumer. Pourtant, elle n’en fit rien et rejoignit tranquillement le groupe avec Pitchi somnolant sur son épaule.

Dungal voulut s’adresser à son fils, mais Faric ne lui en donna pas l’occasion.

— Bien, vous traverserez le portail dans ce cas. Il se passe des choses étranges, vous découvrirez de quoi il s’agit.

La milicienne s’inclina sur ses paroles.

— Bien.

Sans plus de cérémonie, la séance prit fin et Ywan reconduisit le groupe au logement qui leur avait été assigné.

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