Chapitre 18 : Hack (1)

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Choqué, Vyrian regarda Pitchi survoler la zone où le portail s’était ouvert. La vitesse de la petite créature était telle que le chercheur peinait à la suivre. Il la regarda s’épuiser. Lentement, elle s’immobilisa, le souffle court, le visage défiguré par la tristesse.

Le biologiste ne pouvait fixer ces yeux embués bien longtemps. Il se détourna et prit des nouvelles de Mère. L’intelligence artificielle peina à lui répondre, ce qui l’inquiéta d’autant plus.

— Que s’est-il passé ?

— Quelqu’un semble avoir forcé l’ouverture d’un portail entre les mondes.

— Qui ? Yvias ?

— Cela semble peu plausible.

— Faric ?

— Je l’ignore.

— Qui alors ?

— Je l’….

— C’est bon, j’ai saisi ! Maintenant, comment allons-nous aider Pitchi ? On ne peut pas la laisser mourir !

Vyrian n’oubliait pas que la Textys était liée au mage, il était le seul capable de la comprendre. Sans lui, elle ne pouvait communiquer et cette solitude la tuerait.

A cette pensée, l’image du biologiste devint instable, elle menaçait de disparaitre à tout instant. Lorsque Vyrian vit un nouvel onglet charger, il se focalisa dessus. Mais la latence du chargement ne fit qu’accentuer la fragilité de son avatar.

Après ce qui lui parut être une éternité, un sociogramme apparut. Le chercheur reconnut Pitchi et Keenan. Tous deux étaient reliés par une droite argentée, Vyrian sut en la regardant qu’elle symbolisait leur entente. Comme il avait pu l’observer, elle était puissante. Seulement, en y regardant de plus près, elle semblait perdre de son éclat. Pires, les parties ternies s’effritaient.

Une nouvelle inquiétude vint perturber l’image mentale du biologiste. Il vérifia la stabilité des autres interactions partant du mage. Lorsqu’il se rendit compte que le phénomène était spécifique du lien qu’il entretenait avec Pitchi, l’avatar du scientifique se stabilisa. Au moins, pouvait-il supposer que le mage avait survécu.

Quelque peu soulagé, une interaction en particulier attira son attention. L’épais tracé d’un bleu vif se démarquait des autres liaisons. Il reliait Keenan à un jeune homme que le scientifique ne connaissait pas. Un nom apparaissait sous son profil, Vyrian le lut : « Declan ». A peine avait-il prononcé ces mots qu’il s’aperçut que la Textys avait disparu.

Il la chercha, affolé et la retrouva plus loin à proximité de la forêt marquant la frontière entre les contrées d’Altéryx et de la Confrérie. Surpris par cette brusque décision, Vyrian abandonna ses recherches et fit appel à Mère.

— Mais qu’est-ce qu’elle fait ? Où va-t-elle ?

— Le retrouver.

— Qui ça ?

— Declan, le fils de Dungal, le mentor de Yomi.

— Comme le monde est petit.

Le scientifique reporta son attention sur le sociogramme. Comme le lui avait révélé Mère, il découvrit que Declan était effectivement relié à Dungal, cette fois-ci, le lien était rouge vif.

Alors que Vyrian s’intéressait à la signification des couleurs, il vit une légende en bas à droite de l’histogramme. Il comprit ainsi que l’argenté correspondait à un lien avec une créature mythique, le bleu à l’entente entre deux êtres réels et le rouge aux relations entre membres d’une même famille.

Des précisions entre parenthèses permettaient d’affiner les caractéristiques des interactions. Les mentions « père » et « fils » côtoyaient respectivement les prénoms de Dungal et Declan.

Vyrian s’autorisa une dernière recherche avant de fermer le sociogramme. Il ne parvenait pas à suivre Pitchi dans sa course folle et s’imprégner des informations que lui étaient offertes. Il retourna sur la photo de Keenan et regarda les interactions tout autour. Un œil sur les déambulations de la Textys, il finit par trouver ce qu’il cherchait. Une liaison en pointillés reliait le mage à son mentor décédé. Le lien qui les unissait était puissant. Vyrian découvrit que cet homme était également lié à Dungal, Declan, Dallan et Fara. Vyrian se remémora les dernières paroles de l’Exilé. Il s’était montré suspicieux quant au décès de son mentor. Comme si cela n’était pas suffisamment étrange ses proches se trouvaient liés à Numyrhis et se trouvaient sous les verrous, seul Declan semblait y échapper. Vyrian aurait bien aimé pousser ses recherches plus loin, mais il se résolu à fermer l’onglet.

A présent toute son attention focalisée sur Pitchi, le scientifique la vit franchir les derniers mètres qui la séparaient de l’angoissante forêt. Elle s’y enfonça sans hésitation et slaloma entre les troncs rapprochés des arbres. Des craquements la firent sursauter, elle émit un petit cri strident. Vyrian ne put empêcher sa projection mentale de sursauter à son tour.

Le cœur tambourinant contre sa poitrine, il l’observa. A l’arrêt, Pitchi surveillait les environs. Des branches s’abattirent non loin d’elle. Effrayée, elle reprit sa course. Un fantôme se matérialisa devant elle. La petite créature voulut freiner, mais entrainée par son élan, elle le traversa. Inquiète, Vyrian la vit regarder en arrière, le fantôme se tenait là, intact, seule son expression avait changé. Le scientifique supplia Pitchi de reprendre sa course, mais elle demeurait figée, immobilisée par la peur.

Mère crut bon de lire la notification qui clignotait.

« Les Lumobscures sont des créatures qui ne supportent pas les rayons du soleil. Elles n’apparaissent qu’à la tombée de la nuit, protégées sous un épais branchage.

Lorsqu’elles se retrouvent confrontées aux rayons du soleil, elles deviennent invisibles, les UV détruisent leurs pigments. Intangibles de nature, elles se retrouvent sans moyen d’interagir avec l’environnement.

Dès la nuit tombée, elles apparaissent telles des spectres. Elles ne sont pas agressives, mais, leur intangibilité diminue fortement leurs échanges. Il s’agit de leur talon d’Achille, ainsi que du moyen le plus sûr pour les provoquer. »

— Elles ne blesseront pas Pitchi. Elles en sont incapables. Par contre, elles savent manipuler à merveille l’esprit et peuvent se montrer terrifiantes. Elles excellent dans l’art de donner vie à la forêt, le craquement des branches se transforme alors vite dans un esprit apeuré en long cri strident, transformant la forêt en un lieu d’épouvante. Elles vont se jouer d’elle et lui faire payer son affront.

Vyrian maugréa. Pitchi n'avait pas besoin de ça. Il observa d’autres Lumobscures apparaître et rejoindre celui que la Textys avait accidentellement bafoué. Le biologiste les vit s’approcher animant la forêt d’ombres cauchemardesques. Arrivés à quelques centimètres de la Textys, la petite créature sortit de sa torpeur et hurla. Les traits des Lumobscures s’étirèrent dans un sourire malsain. Pitchi fit de même, l’expression de ses adversaires se troubla, aussitôt elle s’enflamma et les désintégra. Satisfaite, la Textys reprit sa route. Si les bois abritaient d’autres Lumobscures, ils ne se montrèrent pas. L’orée de forêt se rapprochait. Pitchi parcouru le reste de la distance sans encombre.

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