Chapitre 14 : Pourparlers (2)

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Lorsque le mage et la Textys entrèrent dans le bureau du politicien, Vyrian fut surpris par le désordre qui y régnait. Des rouleaux de papier éparpillés en tous sens encombraient la pièce. Seul le bureau au fond de la salle semblait avoir été épargné, une unique carte encombrait le mobilier, si bien que les bords dépassaient.

Faric s’y dirigea, bientôt rejoint par Keenan et Pitchi, alors qu’il prenait place derrière le bureau. Il joint les mains et posa les coudes sur ce qui s’avéra être un plan de bataille. Vyrian observa les croix tracées sur la carte, ces symboles semblaient correspondre à une annexion des villages ciblés. Peu à peu Faric étendait son influence. Vyrian ne fut pas le seul à comprendre cela, Keenan interrogea l’intéressé.

— Pour un maire frauduleux, vous ne manquez pas d’ambition.

Pour la première fois, Vyrian ne vit pas le mage sourire. La situation semblait le préoccuper. A l’inverse, Faric lui sourit et se saisit d’une craie. Sous les yeux du mage, il entoura la Confrérie des érudits.

— Bientôt, elle sera mienne.

— Cela m’étonnerait.

Le ton de Keenan se voulait décontracté, mais cela sonnait faux. Vyrian vit à la réaction du politicien que lui non plus n’était pas dupe.

— Et qui m’en empêcherait, vous ? Depuis le décès du doyen, et votre fugue, personne n’a repris le flambeau. Pour l’instant, la Confrérie survit, tant bien que mal, mais elle ne tardera pas à s'effondrer avec ou sans mon aide. Il me semble que vous êtes bien placé pour le savoir. C’est ironique que vous me parliez d’ambitions, venant de la part de l’assassin du doyen et du responsable de l’agonie des Sages, non content d’avoir tué votre mentor vous avez tué votre peuple.

Bien que Keenan tentait de rester neutre, il ne put empêcher un tic nerveux de lui échapper.

— Je ne l’ai pas tué

— Ce n’est pas ce que l’on raconte

— Les gens racontent beaucoup de choses. Malheureusement, les trois quarts s’avèrent fausses. Regarder vos hommes, ils ne savent pas reconnaitre une Fusionnée.

— Avouez que la ressemblance est quand même troublante.

— Si vous le savez pourquoi l’emprisonner ?

— Avez-vous déjà rencontré une telle créature ?

— Non

— C’est bien ce qui me semblait. Sa provenance ne vous intrigue pas ?

— Elle ne vous intéresse pas. Seules ses origines vous importent.

— Les autres contrées nous accusent du désastre de la Cérémonie, lorsque les affrontements auront lieu, de nombreux endroits ne seront plus habitables, il va bien falloir trouver des endroits où se loger.

— Vous ne songez pas à empêcher les affrontements ?

— Que je sois pour ou contre ni changera rien.

— Qu’allez-vous faire d’elle ?

— L’interroger pardi !

— Comme vous avez interrogé la seule rescapée de la Cérémonie ? Vous avez raison, les gens parlent, les informations voyagent vite.

Faric parut contrarié. Cette fois, ce fut son tour d’être trahi par ses expressions, il se mordilla la lèvre, l’espace de quelques secondes. Il s’interrompit lorsque Keenan lui fit une proposition.

— Laissez-moi repartir avec elle.

— Je ne pense pas.

— Est-ce une menace ?

Alors que les esprits s’échauffaient, Pitchi continuait de voleter paisiblement, jetant de temps à autre des coups d’œil aux deux hommes. Elle s’approcha de Faric et découvrit d’étranges glyphes présents sur le meuble. Elle s’amusa à les suivre, avant qu’ils ne disparaissent sous la carte. Elle fit le chemin en sens inverse et remonta jusqu’à Faric. Les caractères semblaient plus sombres près du politicien et Vyrian était prêt à parier que cela n’avait rien à voir avec l’ombre qu’il projetait sur le bureau. Intriguée, la petite créature remonta le long des manches du politicien et arriva face à ses mains. La Textys resta en vol stationnaire, quand soudain, ce que Vyrian prenait au départ pour un gilet noir se révéla être un camouflage. Lorsqu’il se dissipa, Vyrian put voir du sang s’écouler des coudes du politicien en alimenter les glyphes présents sur la table. Bientôt d’autres symboles apparurent sur les murs de la pièce. Keenan qui avait invoqué son arme, observa les caractères. Mais avant qu’il ne puisse tenter quoi que ce soit, son arme disparut, il s’effondra et Pitchi tomba à terre. Les deux compères se retrouvaient priver de leurs pouvoirs.

A genoux, un coude au sol, Keenan tentait de se redresser, il parvint tout juste à relever la tête et défier Faric du regard.

— Un sort d’inhibition magique, c’est interdit

— Ici, c’est moi qui fixe les interdits

Vyrian s’empressa de se renseigner auprès de Mère.

— Les sorts d’inhibitions sont tabous. Ils tirent leur origine des Fusionnés et plus particulièrement de Mywin. Avant de mettre en place l’exorcisme, d’autres méthodes ont été envisagé. L’une d’elle fut de lutter contre les Fusionnés à arme égale. Il s’agissait de s’injecter la magie d’un Fusionné via un Transmagie et d’affronter le Fusionné. Cette méthode jugée trop dangereuse ne fut jamais mise en application. Néanmoins les informations concernant le procédé traversèrent les âges et furent remis de maire en maire. Faric ayant pris le pouvoir, ces documents lui sont désormais accessibles. Un sort d’inhibition magique n’est rien d’autre qu’une variante de la manipulation du flux magique par Mywin pour tuer ses geôliers.

Quant au sort de camouflage que vous avez pu observer, il s’agit également d’un procédé mis en place par les Fusionnés pour essayer d’échapper à la traque. Certains développèrent la faculté de passer inaperçu aux yeux de la société. Comme vous vous en doutez cela ne fut pas suffisant et leurs capacités leur fut dérobée.

Alors que Vyrian écoutait les explications de Mère, il vit Faric se lever, le politicien se saisit de corps frétillant de la Textys. La petite créature tentait tant bien que mal de se redresser. Il la comprima de sa main estropiée. Pitchi poussa un cri strident, Keenan s’effondra et se tint les côtes. Il exhalait, un filet de salive s’écoulait de ses lèvres.

Arrivé à sa hauteur, Faric s’accroupi et présenta au mage le corps de sa partenaire.

— On nous a jamais dit que les combats n’étaient pas autorisés à l’intérieur. Quel manque flagrant d’éducation.

Malgré sa douleur, Keenan trouva la force de répondre au politicien, avant de se faire interrompre.

— Espèce de…

— Allons ! Comme à tes yeux, j’ai une réputation à redresser, je vais te proposer un marché : ramène-moi Yomi ou ta protégée sera Exorcisée à sa place.

— Comment … ?

— Comment je peux faire une telle chose ? C’est simple, j’en ai le pouvoir. Mais estime-toi heureux, tu vas la revoir.

Sur ses paroles, Faric jeta le corps de Pitchi sur Keenan et haussa la voix

— Emmenez-les !

Deux villageois apparurent et enchainèrent Keenan et Pitchi. C’est ainsi qu’ils furent conduits aux cachots. Vyrian regarda le corps du mage se faire trainer. Il s’était montré trop confiant et en payait le prix fort.

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