Chapitre 11 : Renégat (1)

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Vyrian observa Nick s’engouffrer dans une étroite ruelle. De loin, il était impossible de la discerner, l’obscurité et la crasse en masquaient l’entrée. Les épaules du jeune homme frôlèrent les murs, le tissu de sa chemise fut égratigné et tâché. Si Nick ressentait un quelconque désagrément, il ne le montrait pas.

Curieux quant à la destination du jeune homme, Vyrian ne le quittait pas des yeux. Mais bientôt ce ne fut plus suffisant. La fumée se faisait si épaisse qu’il ne parvenait plus à le distinguer.

Vyrian déplorait la qualité de l’air sur la grande place, mais rien ne l’avait préparé à une telle intoxication. Son image mentale s’arqua, sa bouche s’ouvrit en quête d’oxygène et ses convulsions s’accentuèrent.

Les symptômes de l’avatar se répercutèrent sur le corps du biologiste. Vyrian sentit sa bouche devenir pâteuse, sa salive se raréfier et la cendre irriter sa trachée. Il se mit à déglutir dans l’espoir de la faire disparaître, mais rien n’y fit, elle prenait peu à peu possession de son corps. Au bord de l’asphyxie, son cœur s’affola, le tracé analogique de l’électrocardiogramme retranscrit sa frénésie. Puis à peu, le signal s’atténua, la cage thoracique du biologiste s’affaissa, avant de se soulever de plus belle.

Vyrian hoqueta, toussa, cracha avant de parvenir à se calmer. Son image mentale reprit forme avant de s’adresser à Mère d’une voix mal assurée.

— Que s’est-il passé ?

— Vous avez fait une forte réaction à la pollution du Monde Historique. Bien qu’ayant cessé de vous transmettre les informations sensorielles de ce monde, votre corps a eu du mal à les supprimer.

Vyrian se mit à rire et une quinte de toux agita de nouveau son corps.

— Alors ça c’est la meilleure. J’ai failli mourir à cause de la pollution d’un autre monde, sans m’y trouver.

— En effet.

L’ironie de la situation passée, Vyrian prit conscience de la précarité de sa condition. Où qu’il soit, quoiqu’il visionne, il n’était en sécurité nulle part.

Vyrian ignorait combien de temps s’était écoulée depuis son asphyxie, mais une chose était sûre, Nick avait disparu. Vyrian vit l’image du Monde Historique subir plusieurs retouches. Peu à peu la projection s’éclaircit et il fut de nouveau en mesure de voir l’Historian.

Vyrian ne semblait pas le seul à avoir passé un moment désagréable. Nick caillassait le haut d’un bâtiment. Vyrian se concentra sur la cible du jeune homme et l’image s’agrandit. Il découvrit un ventilateur soufflant l’air vicié de la place vers la périphérie de la ville. Le scientifique comprit que le jeune homme venait de pénétrer dans la zone défavorisée du Monde Historique.

Tandis que Vyrian l’observait déverser sa colère contre le mur, il interrogea Mère.

— Pourquoi ne pas m’avoir informé plus tôt du piratage ?

— Par crainte que vous ne tentiez l’expérience.

— La rétention d’informations est une raison valable pour vous pirater, la vérité non.

— Vous dites cela sur le coup de l’émotion.

— Evidemment ! Je suis humain. Je viens de découvrir que je risquais de mourir à tout instant en visionnant les événements des trois mondes, alors un peu de franchise ne serait pas cher payer !

— Je suis votre guide. En tant que tel, je vous révèle les informations qui me semblent nécessaires en temps voulu. En ce sens vous n’avez rien à me reprocher.

— M’auriez-vous informé du lien entre les parents de Yomi et le projet Trimondes, si Fara ne vous avez pas vu ?

— Non.

— Pourquoi ? Ce point est quand même crucial.

— Cela ne vous aurait en rien empêcher de découvrir les mondes, ni de vous y attacher. Retenez juste que le Monde Historique se meurt et que ces habitants ont besoin d’un monde de substitution. La décadence du Monde Historique, rompt l’équilibre existant entre les mondes et le Monde Mythique risque l’invasion.

— Qu’arrive-t-il au Monde Historique?

— La même chose qu’au notre.

— 70% de ressemblance, n’est-ce pas ?

— En effet.

— Quelle est la probabilité que ce monde ne finisse pas comme le nôtre.

— 30%. Enfin maintenant 20% avec l’arrivée des Sanctionneurs l’équilibre du Monde Mythique a été chamboulé. Mais vous êtes là pour rétablir la situation.

— Comment ?

— Si je le savais, vous ne seriez pas là.

Une heure s’écoula avant que Nick se calme et admette être perdu. Essoufflé, désorienté, crasseux, le jeune homme était misérable. Il se laissa tomber au sol ne se préoccupant pas de l’urine qui serpentait entre les pavés. Une ombre s’étira sur le sol poussiéreux et attira l’attention du biologiste. Il la regarda se déplacer de mur en mur avec aisance. Arrivée à proximité de Nick, elle disparut. Une voix sortit des ténèbres.

— Alors, on est perdu ?

Nick se redressa instantanément. Il s’éloigna du mur et en scruta le sommet dans le but de débusquer l’origine de la voix. Mais avant qu’il n’y parvienne, des bras lui comprimèrent la trachée. Il lutta, s’essouffla et paniqua. Vyrian vit ses gestes devenir désordonnés. La panique lui comprima le cœur, il ne pouvait le regarder mourir, il devait agir, trouver un moyen de l’aider, mais rien aux alentours ne pouvaient servir d’arme improvisée à Nick. La projection mentale du scientifique se parasita.

— Nan, pas ça, pas ça.

Un rire cristallin retentit et lui fit lever la tête. Vyrian se concentra sur sa provenance. Le spectre auditif du rire lui apparut dans un onglet, il se concentra dessus et l’image se réorienta. Il ne se trouvait non plus face à Nick, mais de côté. Là, il discerna une silhouette lovée contre le jeune homme. Il se focalisa dessus et la résolution de l’image s’améliora. Vyrian discerna le corps d’une femme étreindre Nick. Des questions se bousculèrent dans sa tête, il en fit part à Mère.

— Qui est-elle ?

— Je l’ignore.

— Vous êtes plutôt incompétente, en tant que guide.

— Elle n’est pas rattachée au projet Trimondes.

— C’est chose faite puisqu’elle étrangle le clone d’un des Exilés.

La jeune femme prit de nouveau la parole et mit fin à la discussion entre Vyrian et Mère.

— Que vient faire un type comme toi par ici ?

— Qui êtes-vous ? Montrez-vous !

— Bien, messire.

La fille sortit de l’ombre. Vyrian la dévisagea. Il fut surpris par sa carrure, grande, maigre et débraillée, il se demandait comment elle avait pu exercer tant de forces sur le jeune homme. D’’épaisses chaussures, des protections aux articulations et des gants aux jointures renforcées lui donnèrent un premier indice. Il se dégageait d’elle une aura de violence. Elle avait l’allure d’une combattante. Cette impression fut confirmée par les cicatrices lui parcourant le corps piquetant sa peau de discrètes tâches blanchâtres. Vyrian réalisa que ce qu’il avait prit dans un premier temps pour une tenue débraillée lui apparut soudain comme les restes de ses vêtements après des affrontements. Le tissu de son chemisier se trouvait aérer en de nombreux endroits par des coupures, quant à ce que Vyrian avait prit pour un short devait en réalité s’agir d’un pantalon raccourcit au fur et à mesure des combats. Il ne faisait aucun doute, il s’agissait d’une survivante, une guerrière.

Nick toujours de dos à son adversaire, tentait de prendre la parole mais l’air se bloqua dans sa gorge. Il manqua de s’étouffer. Un sourire satisfait étira les lèvres de la jeune femme.

— Ne fais pas cette tête. Tu pourras bientôt reparler. En attendant c’est moi qui pose les questions. D’abord, que fait un type comme toi ici ? Regarde-toi ! Tu es pathétique ! Enfin bon, ce n’est pas ma survie qui est en jeu, mais j’espère pour toi que tu as une bonne raison de t’aventurer dans les bas quartiers.

Vyrian ne put s’empêcher de frémir aux menaces à peine voilées de la fille. Un couteau papillon était apparu dans ses mains pendant qu’elle questionnait Nick. Elle en vérifia le tranchant, satisfaite, elle fit jouer les quelques rayons du soleil qui parvenaient à traverser les nuages sur sa lame. Elle les orienta sur la carotide de Nick. Le jeune homme ne manqua pas la signification de ce geste. Sa respiration s’accéléra. Vyrian s’inquiétait de plus en plus au sujet de la jeune femme. C’était une prédatrice, son regard scrutait, jaugeait et analysait chacun des mouvements du garçon.

Intimidé Nick tenta de formuler une réponse, mais il ne put que bégayer.

— Je…Je cherche…

Bien qu’il s’appliquât à prononcer chaque mot séparément, des quintes de toux l’empêchaient de s’exprimer convenablement. Agacée, la fille reprenait ses phrases, le poussant à continuer.

— Que cherches-tu ?

Le chercheur vit le jeune homme se recroqueviller sur lui-même. Il n’avait pas encore vu le visage de son agresseur. Comment réagirait-il en voyant cette rouquine aux cheveux foncés ? Cette coloration rappela à Vyrian les cheveux de Yomi. Il n'en tint pas compte et se prit à espérer que Nick ne fasse rien de stupide.

Manquant une nouvelle fois de s’étouffer Nick lui montra la carte de visite qu’on lui avait laissée. À en juger par sa réaction, il était évident qu’elle connaissait la personne qui habitait à cette adresse. Son ton se fit plus dur et ses muscles se raidirent prêts à frapper.

— Que lui veux-tu ?

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