Dans le sillage du temps

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— Sally ! Où as-tu mis mes chaussettes ?

— Je ne sais pas. Regarde dans un tiroir au fond de ton armoire.

Le sentiment d'effroi qu'elle ressentait ces derniers jours virait maintenant au cauchemar. Une oppression lui nouait la gorge tandis qu'elle essayait de contrôler sa respiration, en vain. Elle ne voulait surtout pas que David remarque à quel point elle paniquait. Plus tôt dans la journée, il était sorti localiser des endroits sûr afin de préparer leur départ. À son retour, son regard fuyant trahissaient les obstacles qu'il avait dû repérer et qu'il essayait de garder pour lui. Elle avait alors pris conscience de leur illusoire sécurité, qui pouvait prendre fin d'un moment à l'autre sans crier gare.

À l'étage inférieur, une vieille radio à piles diffusait en boucle des messages d'alerte à destination des gens qui vivait au périphérique de la ville.

Le chaos était en train de se propager rapidement. Des milices privées tentaient de s'imposer sur les résidents des zones environnantes. Ces derniers, horrifiés par les événements en cours, n'avaient guère de choix que de se plier à ces hommes armés jusqu'aux dents dans l'espoir d'être protégé de la barbarie qui se refermait sur eux.

La plupart savait déjà que des villas et les banlieues environnantes avaient déjà été pillées et saccagées par des hordes de pillards hors de contrôle.

Tout en essayant de faire le tri dans ses vêtements, elle se remémora les flashs d'infos sur le nombre effroyable de corps retrouvés dans les maisons des quartiers environnants, de l'infâme speaker radio de service et de ses descriptions sadiques des tortures faites aux victimes. Elle ressenti de nouveau de la haine froide à son égard en regard des horreurs qu'il décrivait sans tenir compte de la sensibilité de certains auditeurs. Elle avait eu l'envie de jeter la radio sur le sol mais David n'aurait pas apprécié qu'elle perde son sang-froid. Il avait besoin de la sentir forte, prête à réagir au cas où les ennuis se rapprocheraient.

Les événements actuels paraissaient si irréels Elle se sentait prisonnier dans un rôle de personnage de films ou de romans, qui observe inerte son univers s'effondrer face à une barbarie refaisant surface des cendres des guerres d'antan. Des peurs anciennes jadis relégués dans les profondeurs du genre humain. Comment était-ce possible ?

— Tu es prête ? David se tenait derrière elle, un grand sac à dos sur ses épaules.

— Non. Je ne sais pas quoi prendre. D'ailleurs, comment pourrais-je le savoir !

— Chérie, on doit faire vite... Quelques pantalons, des T-shirts et des pulls. Des choses qui seront utiles, quoi !

— Des choses qui seront utiles ! Tu pourrais me dire au moins où est-ce qu'on va ? Elle était soudain redevenue cette petite fille apeurée qui se cachait sous les draps durant des nuits dans sa chambre, terrorisée par les recoins sombres, hantés par son imagination . Des tremblements s'emparèrent de ses mains face à ses anciennes terreurs nocturnes. Elle ne pouvait se permettre de perdre le pas sur sa réalité, et qui l’ébranlerait sûrement dans le cas contraire.

— Je ne crois plus qu'il y est encore un endroit dans le monde où aller, reprit-t-elle tout en se focalisant sur un tricot qu'elle détestait, et qu'elle déchira soudain avec rage.

David posa son sac et lui prit ses mains dans les siennes.

— Écoute, je te mentirais si je te disais qu'il n'y a pas de risques. Malgré tout, il se pourrait que, quelque part, des gens se soient organisés entre eux. En attendant, on se cachera dans les bois les premiers temps. Ensuite, on anticipera. Pour l'instant, il faut qu'on bouge avant qu'il ne soit trop tard

Il l'embrassa sur le cou, puis se dirigea vers l'escalier.

— Je descends prendre de quoi manger et quelques médicaments pour la route et je remonte t’aider. OK !

— Je vais y arriver, murmura-t-elle tout s’acharnant à plier correctement un pantalon, sans y parvenir. Fais ce que tu as à faire .

— Dix minute, lui dit-il doucement. Je sais que c'est dur d'en arriver là, mais on n'a pas le choix. On doit emporter que le strict nécessaire. Je reviens de suite.

Elle le regarda s'éloigner tout en essuyant les larmes sur son visage. Il lui fallait avant tout se calmer si elle ne voulait pas se retrouver avec comme seuls habits les fringues qu'elle détestait le plus. Dehors, au travers des carreaux de sa fenêtre, le soleil brillait. Cela aurait dû être une belle journée.

Elle s'était dit, par la suite, qu'ils pourraient s'en sortir, qu'ils trouveraient, comme David venait de lui dire, d'autres personnes comme eux essayant de fuir le chaos et auxquels ils se joindraient. S'accrochant à cet espoir, elle se motiva à ranger ses affaires avec frénésie.

Ils quittèrent leur maison une fois qu'ils eurent pris tout ce qu'ils pensaient indispensable, tente, sacs de couchage, denrées alimentaires en conserve, coupe-faim. Lampes de poche, briquets et allume-feu ainsi que des cartes des environs et une boussole.

Sally suivit David en direction de leur garage. Ils portaient chacun un sac à dos d'une vingtaine de kilos ainsi que des sacs de toiles à bandoulières contenant de quoi se vêtir en prévision d'un long séjour dans la nature.

C'est à ce moment-là qu'un groupe d'individus fit son apparition à quatre pâtés de maisons de la leur. Une trentaine d'hommes et de femmes agités qui avançaient dans leur direction. Certain titubaient, une bouteille à la main, tandis que les autres semblaient observer les alentours avec intérêt. Malgré la distance, Sally réalisa avec horreur que la plupart portait des machettes ou des haches en main. C'est à ce moment que l'un d'entre eux, un jeune homme au crâne rasé, bardés de tatouages, pointa un doigt en sa direction. Sans hésiter, la horde se rua aussitôt en leur direction comme des prédateurs fonçant sur leur proie.

— Lâche tes affaires...

— Quoi... ? Répondit-elle, l'air hagard.

David, qui se trouvait à sa droite, lui saisit le bras.

— Laisse tes affaires..., lâcha-t'il, la mâchoire crispée par la peur. On se tire !

En voulant se retourner brusquement, elle se vrilla une cheville et tomba de tout son long sur son sac à dos, envoyant valser en l'air celui qu'elle tenait dans ses mains. En état de choc, elle resta là sans bouger. Toute ce qui l'entourait se déroulait soudain au ralenti dans son esprit. David l'agrippa par-dessous ses bras, lui criant dessus tout en essayant de la relever comme il put.

— Réagis ! L'intonation emprunte de panique de sa voix résonna brutalement dans sa tête. Elle n'eut pas le temps de se remettre qu'il la tira sans ménagement vers l’arrière de leur maison. La peur paralysait son corps devenu étranger alors qu'elle essayait de remuer ses jambes qui ne lui obéissaient plus. David, d'une bref et rapide halte, la porta vers l’allée qui menait à la palissade au fond de leur jardin. Une fois devant, il la posa et s’accroupit devant elle.

— Il faut que tu te reprennes, MAINTENANT ! Pose ton pied sur mes mains, vite ! ordonna-il tout en enlevant précipitamment son sac à dos qui le gênait puis joignit ses deux mains l'une contre l'autre. Elle voulut lever le sien et se froissa l’un des muscles de sa nuque. Elle poussa un cri malgré elle lorsque David lui vint en aide. Sans s'attarder, il reprit aussitôt sa position accroupie et elle posa fébrilement son pied gauche sur ses mains malgré les tremblements de son corps. David s'arc-bouta et la poussa vers le haut de toutes ses forces. Elle enjamba péniblement la palissade. David fit de même, poussé par l'adrénaline, et atterrit de l'autre côté avant elle. Il la saisit par la taille et l'aida à descendre. Des bruits de pas rapides et de voix se firent entendre de l'autre côté de la balustrade. Sans hésiter, ils s’élancèrent en direction de la plaine devant eux.

Elle sentait ses forces. ses mains moites lâchèrent celles de David qui la reprit fermement par son bras droit.

— Accroches-toi !

Ils s’éloignèrent aussi loin qu’ils purent alors qu'un fracas de vitres cassées provenait de leur allée. Ils atteignirent les bois environnants quand David se retourna pour voir où ils se trouvaient. Il vit avec effroi les silhouettes menaçantes franchissant leur palissade et se précipiter vers eux.

Sally trébucha une nouvelle fois sur une racine, se reprit et enleva rapidement ses chaussures. David, respirant à plein poumons, lui prit la main et l'emmena dans un chemin qui s'enfonçait dans des broussailles épaisses tout en essayant de faire le moindre bruit possible. C'est à ce moment que leurs assaillants pénétrèrent dans la forêt ainsi que d’autres, qui les rejoignirent dans la foulée. Ils couraient trop vite et étaient sur leurs talons. Le couple, à quelques pas devant eux, se rendit compte avec horreur qu’il ne s'en sortirait pas.

AventureScience-fiction
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