Jour : 435.

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À l’heure terrienne qu’ils ont élue comme étant le fuseau horaire de leur vaisseau, il est exactement deux heures seize du matin.

Scott verrouille — il est un as de la bidouille des système opérateurs internes à l’orbiteur — les accès entre le pont du complexe cabine de pilotage et la salle aux baies vitrées, puis celui d’accès aux modules d’habitation. Simple mesure de précaution : qui à cette heure-là aurait l’idée de les déranger ? Ils se sont imposés de respecter un rythme terrestre, donc tout le monde fait — dans le pire des cas — semblant de dormir.

Ce soir — ou plutôt cette nuit —, ils ont envie d’intimité. Un vrai moment à eux, un instant où ils vont vraiment se découvrir plus en détail, et approfondir certaines choses. Ce désir est arrivé d’un coup, sans prévenir, les terrassant par sa puissance, comme s’il était enfin temps de passer à l’étape supérieure.

Andrzej se trouve là, au milieu de la cabine. Il a sorti quelques objets d’un sachet qu’il tient bien en main, et laisse le tout flotter tranquillement dans la pièce.

— Jamais je n’aurais imaginé faire l’amour dans l’espace, et encore moins en ayant cette vue-là sur Mars ! dit-il, songeur tout en riant, rapidement rejoint par Scott, qui une fois la sécurité des lieux assurée, se colle tout contre lui.

En quelques secondes, l’ambiance passe de détendue à tendre. Puis de tendre à tendue.

Les deux hommes se calent dans un coin de la pièce pour ne pas trop dériver — donc être contraints de partir à la chasse l’un de l’autre. Rares ont été les fois où ils se sont touchés dans le but d’éveiller le désir chez leur partenaire. Ils n’ont jamais creusé ce filon ensemble. Mais pour cette grande première, les Martiens vont être spectateurs de leurs ébats.

À mesure qu’ils jugent tel ou tel vêtement un peu trop encombrant, ils l’ôtent sans délicatesse, et l’envoient dériver dans un coin de la pièce. Ils ne cessent de se taquiner l’un l’autre et de jouer de la sensualité de leurs corps, qu’ils apprécient mutuellement. Plus leur désir augmente, et plus ils se recroquevillent dans leur coin, se débarrassant finalement de leurs derniers vêtements.

Après un certain temps, l’envie se fait plus pressante que jamais. Scott et Andrzej se détachent enfin l’un de l’autre, et contemplent un instant le spectacle de leurs vêtements qui flottent dans la pièce, mélangés à des paquets de mouchoirs ainsi qu’une espèce de petit tube que le Russe attrape.

— Qu’est-ce que c’est ? demande Scott, la gorge sèche, admirant son amant, mais aussi la lente danse de leurs affaires.

D’une certaine manière, il trouve ça poétique.

— Le seul truc que j’ai trouvé et qui pourrait nous servir de lubrifiant… je ne pensais pas en avoir besoin ici, alors j’en n’avais pas ramené… et je suppose que toi non plus, murmure Andrzej d’une voix rauque agrémentée d’un petit sourire séduisant.

— Et c’est quoi ? insiste Scott en embrassant son petit ami et en l’attirant encore plus tout contre lui.

— C’est grave si je garde le secret ? susurre-t-il en étouffant un petit gémissement.

— C’est quoi ?

Scott en mordille gentiment l’épaule du Russe, mais sa question sonne comme un ordre.

— De l’huile de moteur ! déclare Andrzej devant le regard effaré de Scott. Je plaisante, se rattrape-t-il rapidement. Tu es trop curieux, mais je te confierai peut-être mon secret plus tard.

Soulagé qu’il ne s’agisse pas vraiment d’huile de moteur, l’Américain lâche l’affaire et se contente de lécher le cou du Russe. Ce dernier se colle alors tout contre son petit ami, et ils reprennent leurs activités précédentes là où elles en étaient, jusqu’à ce que de simples caresses et baisers ne soient plus suffisant. Il leur fallait quelque chose de plus humide, de plus brutal, de plus pénétrant.

Andrzej débouche alors le petit tube et le tend à Scott, qui hésite quelques secondes avant de tremper les doigts dedans. Le Russe se retrouve dos contre une paroi, sa tête appuyée contre, et ses mains s’agrippant aux aspérités qui lui permettent de s’ancrer ici, pour bouger le moins possible. Ses jambes sont largement écartées, et visiblement, il attend quelque chose. Scott colle une dernière fois ses lèvres aux siennes avant de se laisser glisser entre les jambes de son petit ami, les doigts pleins de ce mystérieux corps gras.

L’Américain laisse une de ses mains errer dans un endroit qu’ils n’ont encore jamais visité. Andrzej rejette plus fort encore sa tête en arrière, et courbe son corps de façon à faciliter l’accès de cette partie de son anatomie à son amant. Scott trempe de nouveau les doigts dans le petit tube en prenant bien soin de le refermer pour que rien ne s’échappe. Il étale le liquide — non sans le renifler au passage : odeur non identifiable, pas déplaisante — sur son sexe. Puis il adresse un grand sourire à Andrzej — qui a les yeux à moitié clos —, et se glisse lentement là où, jusqu’à présent, il ne s’était jamais faufilé.

C’est à ce moment-là — à quelques secondes ou minutes près —, que les deux hommes vantèrent intérieurement les mérites des vaisseaux spatiaux avec leurs merveilleuses portes de sas insonorisées.

L’orgasme arrive bien trop rapidement au goût de Scott — il s’est abstenu pendant bien trop longtemps —, qui serait bien resté planté là, dans le corps d’Andrzej, des heures durant. Heureusement, ce dernier n’étant pas du tout apaisé, il s’accroche au jeune homme et les fait dériver au centre de la pièce, flottant désormais au milieu de leurs vêtements.

— C’est mon tour ? questionne-t-il, en chantonnant.

Scott glousse. Il hoche la tête. Il se sent bien, là, au milieu de rien, ne sentant tout contre sa peau que celle du Russe.

— Retourne-toi mon beau, sauf si tu préfères que je te retourne, marmonne Andrzej en souriant.

L’Américain hausse un sourcil.

— Non mais c’est quoi cette proposition obscène ? réplique-t-il en riant mais en obéissant immédiatement à la requête d’Andrzej.

Ce dernier fait glisser sa langue le long du dos de son homme, jusqu’à tomber dans un petit sillon, puis un lieu encore plus creux, dans un endroit où les sensations se décuplent immédiatement. Sa langue joue à faire trembler et frissonner le corps de Scott. Au bout d’un temps fou — ils n’ont même plus la notion du temps —, le Russe remplace sa langue par ses doigts désormais gras, puis bien vite par son sexe huileux lui aussi. En amorçant ses mouvements de hanche, Andrzej les fait dériver un peu plus vite. Ils tournoient, là sur eux-mêmes, dans tous les sens, perdus et emmêlés au milieu de leurs vêtements. Le tout sur fond d’étoiles avec Mars bien visible, au loin. C’est un spectacle tout bonnement magnifique, au moins autant que celui de leurs deux corps liés et de leurs voix célébrant leur plaisir.

C’est une nuit magique et tout deux sont plus que jamais dans les étoiles, au sens propre comme au figuré.

Une fois leurs ébats achevés et les voyeurs de Martiens rassasiés, Scott et Andrzej s’accrochent un peu plus l’un à l’autre en haletant, et se laissent dériver dans la pièce.

— Quand on est tous seuls toi et moi, je peux t’appeler Andy ? demande Scott, taquin.

Andrzej pouffe de rire.

— Si tu veux, mais ne compte pas sur moi pour t’appeler Scotty, jamais… grogne gentiment le Russe.

Scott attrape le visage de son amant et l’embrasse tendrement. Il n’a pas du tout sommeil. Ils n’ont pas du tout sommeil. Mais pour une bonne raison.

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