Jour : 104.

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Scott est occupé à ses vérifications journalières de bon fonctionnement de leurs systèmes de survie. Jusqu'à présent, il est extrêmement soulagé de voir qu'aucune panne n’a encore eu lieu — leurs méconnaissances de l’usure des matériaux dans l’espace reste inquiétante. Si un seul de ces appareils les abandonne avant l’heure, ils sont bons pour une mort assurée au bout d'un ou deux mois maximum. Et il a une peur bleue à l’idée de mourir, ce qui lui a toujours semblé incompatible avec son métier.

Scott ne sait pas s'il est le seul dans ce cas-là ou si les autres cachent bien leur jeu, mais il a le mal du pays. Dès le lancement, il a rapidement éprouvé une incroyable envie de retourner sur Terre. Il sent qu'il peut craquer d'un instant à l'autre, car parfois, son estomac se contracte violemment, et il sent une vague d’angoisse et de tristesse s’abattre sur lui. Il évite de rester seul. Il veille à créer du lien, et à maintenir des rituels les plus terrestres possible. Ses camarades, quant à eux, semblent s'en sortir plutôt bien — largement mieux que lui. Et il doit avouer que s'il s’est autant lié d'amitié avec Allan, c’est pour la simple et bonne raison que le type est un éternel boute-en-train, et que grâce à son humour, ce dernier lui permet d’oublier momentanément ses peurs.

En parlant du loup... le voici qui débarque.

— Hey, Scotty ! T'as bientôt fini ?

— Ouais... mais je pense que t'as pas besoin de moi pour aller draguer Patricia, dit le jeune homme en terminant sa vérification des appareils qui maintiennent le climat à température adéquate dans leur petite ferme.

Il a bien remarqué que, de plus en plus fréquemment, Allan cherche la jeune femme, et sa présence à ses côtés le gêne pour draguer — même si par loyauté amicale, il ne lui dit rien. Ce qu’il comprend parfaitement ; même si tenir la chandelle ne lui a jamais posé problème. Ce qui lui cause des soucis, c’est plutôt de rester seul dans cet espace infiniment grand ; et ce, malgré le fait que le vaisseau ne soit pas si vaste et que tous ses collègues ne se trouvent jamais bien loin.

— Oh ! Bah alors ! Boude pas Scotty ! C'est pas parce que Patty semble avoir une préférence pour moi que tu vas me faire la gueule ?! s’exclame Allan, goguenard.

Il donne des surnoms ridicules à tout le monde, ou presque. Il n’y a rien à faire contre ça, et plus vous râlez, plus vous êtes assurés que ce sobriquet vous collera à la peau.

— Mais non, tout va bien, réplique Scott, interrompant un moment ses inspections. C'est simplement que je sais que ce serait plus facile pour vous deux de vous rapprocher si je ne suis pas avec vous.

Allan hoche la tête.

— Pas de problème, vieux. T’es sûr, hein ? Tout roule ? demande-t-il en ouvrant bien grand les yeux, signe qu’il est attentif au moindre détail.

— Oui, tout roule, soupire Scott avant d’exprimer enfin le fond de sa pensée, après quelques semaines durant lesquelles il a pu profiter des tentatives de drague d’Allan. C’est juste que je ne comprends pas pourquoi tu lui cours après. T'es pas obligé de te jeter sur elle comme ça, alors qu’on est en pleine mission ! En plus, si jamais vous vous mettez ensemble et que vous rompez, il y aura une très mauvaise ambiance au sein du groupe !

Allan hausse les sourcils.

— Bordel, Scotty ! Mais tu racontes que des conneries ! Ce serait pas de la jalousie — Scott secoue la tête en levant les yeux au ciel —, ça ? Tu sais, j'ai pas franchement envie de rester frustré pendant six ans, voire plus. Peut-être que c'est ton choix personnel, mais moi, je ne partage pas du tout ton opinion : j’ai envie de profiter de tous les plaisirs de la vie, peu importent les circonstances !

Scott n’en dit pas plus, reprenant ses tâches, et il se déplace de quelques mètres dans un petit couloir très étroit, où il est rejoint par Allan. Après avoir vérifié un énième appareil, il lui pose enfin la question qui lui torture l'esprit depuis le lendemain du décollage — celle qui lui donne le mal du pays.

— Tu penses vraiment qu'on sera de retour sur Terre dans six ans ?

Il essaie de formuler cette demande sans céder à la terreur.

— Bien sûr ! répond Allan, comme s'il s'agit-là d'une évidence — et d’une question stupide. Je parie même que dans deux ans, vu les progrès exponentiels des avancées technologiques, ils auront déjà trouvé un vaisseau capable d'arriver à destination avant nous. On se trouvera un peu comme des idiots, avec le vaisseau du retour qui nous attendra depuis des mois !

Scott ne rebondit pas là-dessus et se déplace plus bas pour continuer ses contrôles. Il n’est pas véritablement convaincu par cette hypothèse.

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