Chapitre 24 : Choix

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De nouveau dans les couloirs du vaisseau, les sirènes parvinrent aux oreilles de Vyrian. Le scientifique émit une plainte amplifiée par celles des autres membres de l’équipe. La salle de torture étant insonorisée, leurs tympans s’étaient habitués au calme qui y régnait.

Ce brusque retour à l’urgence de la situation leur fit un choc. Que s’était-il passé en leur absence ? Combien de temps avait-elle duré ?

Vyrian n’aurait su le dire, mais une chose était sûre, la stridence de la mélodie accélérait les battements de son cœur et amplifiait le stress qui ne cessait de le ronger. Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Bien que Mère lui ait légué ses connaissances et lui fit don d’omniscience, il ne parvenait pas encore à se servir de cette capacité. La seule fois qu’elle s’était déclenchée, il avait fallu un facteur commun, du sang ruisselait dans la bouche de Declan, dans la sienne également.

Il devait trouver un moyen de contrôler ses nouvelles capacités. Il avait beau y réfléchir, il ne parvenait à se concentrer. Le sang tambourinait à ses tempes, ses mains ne cessaient de trembler sous l’effet de l’adrénaline qui se déversait en continue dans son organisme. Le scientifique jeta un coup d’œil aux membres de la troupe. Historian et Numériciens subissaient aussi les effets de la sonnerie.

Sans plus s’attarder, Saern s’élança dans une course effrénée. Ils le suivirent. Leur avancée fut ponctuée par le martellement de leurs pas sur le sol ainsi que le bruit de leurs respirations saccadées.

Le scientifique s’étonna de ne croiser aucun Régisseur depuis leur évasion. Etaient-ils tous accaparés à contrer la Résistance comme lui avait suggéré Dinaïn ? Etait-elle si redoutable que cela pour parvenir à mettre à mal ce peuple hautement militarisé ?

Un point de côté vint ternir les pensées du scientifique. Il se maudit pour sa faiblesse. Malgré sa volonté de maintenir la cadence, il fut obligé de ralentir. Nick n’était pas en meilleure forme que lui. A la traine, les deux hommes se sourirent, étrangers, ils peinaient tous deux à s’adapter à leur nouveau rythme de vie. Impuissants, ils regardèrent la distance se creuser avec le reste du groupe.

Synchrone Dinaïn et Kayle se retournèrent. L’un pour porter secours à son protégé, l’autre pour surveiller sa cible. L’entraide reliait Nick à Dinaïn, Vyrian se surprit à envier ce lien bien qu’il doutait que celui-ci se soit forger dans la douleur. Le seul arrangement qu’il était parvenu à avoir avec Kayle concernait sa mort. A cette pensée, il soupira. Ce monde-ci ou le sien, une épée de Damoclès semblait toujours suspendue au-dessus de sa tête attendant le moment propice pour la trancher.

Résigné, il se mit à trottiner et combla peu à peu l’espace avec les autres membres du groupe aux côtés de Nick. Il fit abstraction du regard méprisant de Kayle et se força à mettre un pied devant l’autre dans une expression neutre. Il ne laisserait pas le jeune homme se régaler de sa souffrance. Pour autant, il ne put retenir une expression de surprise étirer ses traits lorsque de nouvelles déflagrations secouèrent le vaisseau et le firent lourdement chuter. Il observa avec satisfaction que tous étaient tombés tel un jeu de quilles, personne n’était parvenu à résister à la violence du choc.

Endoloris, tous tentèrent de retrouver leurs esprits. Saern fut le plus réactif. Le résistant pressa une interface sur sa tempe.

— C’est quoi ce bordel les gars ? Vous voulez nous tuer ?

— Ce n’est pas nous, ça se passe au centre du vaisseau. Nous ne pouvons pas aborder tant que ça ne se sera pas calmer.

Une seconde vague d’énergie ébranla le vaisseau. Vyrian, Kayle, Vanea et Dezaël la reconnurent.

— Yomi !

— La folle !

Kayle appuya d’un regard ses propos. Le message était clair, la jeune femme avait beau avoir de l’importance pour ses parents, ce n’était pas son cas.

— Oublie pas, qui que tu sois, tu nous dois des réponses sur Mère.

Ce rappel eut pour effet d’attirer l’attention de Vanea et Dezaël. Les deux jeunes gens restèrent silencieux pourtant le scientifique pouvait lire leur désir de connaitre la vérité. Il ne connaissait que trop bien ce besoin. Il leur aurait volontiers raconté la vérité si cela ne mettait pas à mal la culture de leur peuple.

Rayec avait fait entrer Mère dans leur vie. Ils lui avaient donné leurs connaissances en échange de leur capacité à changer de monde. Puis elle avait disparu en même temps que les huit Ombres déserteurs, seule leur capacité à changer de monde était restée.

Vyrian ne savait quelles seraient leurs réactions lorsqu’il leur apprendrait que tout cela était dû à la décadence de son peuple, même agonisant il était parvenu à causer du tort aux trois mondes.

Le biologiste soupira à l’avance des querelles à venir, puis se morigéna, chaque chose en son temps. D’abord localiser Yomi, puis la retrouver et enfin l’emmener en sécurité. Les explications viendraient plus tard.

Le chercheur entreprit de rechercher la jeune Mysticys. Il ferma les yeux et se concentra. Il laissa les données de Mère immerger son cerveau. Il essaya de localiser la jeune femme et la retrouva dans ce dédale de couloirs. Un goût métallique emplit de nouveau sa bouche et lui fit rouvrir les yeux.

Il croisa le regard amusé de Dinaïn.

— Décidément, t’es pas étanche ! Une vraie passoire !

Inquiet Vyrian porta les mains à son visage. Il sentit le contact poisseux du sang sous ses doigts. Qu’est-ce que cela signifiait ? L’utilisation répétée des capacités de Mère nuisait-elle à sa santé ? Si tel était le cas, Vyrian avait du souci à se faire.

Un autre danger plus imminent reporta les interrogations du scientifique. Sous la violence des précédents assauts, le vaisseau commençait à se déliter. Des grincements lugubres se répercutaient sur les parois faisant écho à l’agonie du vaisseau. Ils ne pouvaient pas rester là.

Leur course reprit. Toujours en retrait, Nick et Vyrian ne purent échapper à ce désagrégement, le poids de leurs prédécesseurs avaient fragilisés la structure déjà ébranlée. Leur poids fut de trop. La taule se sépara du reste de l’armature offrant aux deux hommes un toboggan vers le vide qui s’étendait sous leurs pieds. Vyrian fut le premier à glisser, Nick le rejoignit.

Cette descente ne fut que douleur. Le frottement de leurs corps tentant de freiner leur fin précipitée n’était que brulures. Des cloques ne tardèrent pas à se former sur leurs membres endoloris. Vyrian avisa un renfoncement dans lequel il pourrait se caler s’il parvenait à l’atteindre. Il l’atteignit de justesse offrant sa main à Nick qui ne finissait de glisser. L’Historian l’attrapa. Vyrian avec l’aide de son exosquelette entreprit de le remonter. Centimètre après centimètre, le corps du jeune homme se rapprochait. Encore un dernier effort et il serait à l’abri. Dans un ultime râle le biologiste rassembla ses dernières forces et tira violemment le jeune homme. La boîte que lui avait confié Yvias sortit de sa poche.

Nick le sentit et s’empressa de détacher l’une de ses mains afin de remettre la boite en place. Trop tard, elle s’élançait dans le vide, l’Historian gesticula au bout des bras du chercheur dans l’espoir de la récupérer. Vyrian ne pouvait empêcher ses doigts de glisser dans ses mains. Son exosquelette pouvait le rendre plus fort, non contrôler son taux de sudation. Peu à peu, il perdit son emprise sur la main du jeune homme, le sentant inexorablement glisser, les centimètres les séparant de plus bel.

Lorsque Vyrian ouvrit la bouche, la sueur mêlée au sang s’y déversa. Il ne put s’empêcher de postillonner des gouttes carmin lorsqu’il s’adressa à Nick.

— Qu’est-ce qui le plus de valeur à tes yeux ? Ton passé ou ta vie ?

Surpris, le jeune se détourna de l’objet et cessa de gesticuler.

— Que… ?

— Tout comme toi, je suis tiraillé entre mon passé et l’instant présent. Mais demande-toi vaut-il la peine que tu t’y accroches tant ? Je ne te demande pas d’oublier tes origines, mais réfléchis, ton engagement auprès d’Yvias vaut-il la peine de mettre ta vie en danger ? N’as-tu pas déjà accompli ton rôle ? N’a-t-il pas la confirmation que d’autres mondes existent ?

Vyrian n’aimait pas la situation. Il avait horreur de faire étalage de ses connaissances d’autant plus que cela avait plongé le jeune dans d’intenses réflexions. Vyrian pouvait deviner de quoi il s’agissait, avait-il eu raison d’emmener cet objet ? Comment cet homme connaissait ces faits ? Ils n’avaient pas le temps pour ça.

— N’abandonne pas ! Agrippe-toi à moi et remonte !

Ces paroles sortirent Nick de ses pensées, il sembla soudainement réaliser la précarité de sa situation. Il donna sa main au scientifique au moment ou l’autre glissait. Dans un soupir Vyrian le tira à lui. Ils étaient saufs, du moins pour l’instant. Ils leur restaient encore à escalader la paroi du vaisseau pour rejoindre les autres.

Dans un dernier grincement, le sol fini de se décrocher et parti rejoindre la boite de Nick. Les deux rescapés observèrent un instant le morceau de taule tournoyer dans les airs avant de disparaitre.

Vyrian déglutit. Il aurait bien aimé se reposer mais ils n’en avaient pas le temps. Après s’être assuré que Nick n’avait rien, il testa les premières prises. Avant qu’il ne commence à grimper, Nick le questionna profitant qu’ils ne soient que tous les deux.

— Comment…

— Plus tard les questions !

— Mais…

— Comment être sûr que j’y répondrai ? Tout d’abord commençons par sortir d’ici ! Si l’on parvient à se tirer de ce tas de ferraille je te dirai tout. Alors grimpe, je n’aurai rien à enseigner à un cadavre si tu restes ici !

Vyrian ignorait à quoi il devait cette résolution, urgence de la situation, lassitude des secrets, esprit d’équipe inexistant. Peu importe, il était convaincu d’une chose, il devait leur prouver qu’il était des leurs.

Dès que des prises suffisamment bonnes lui permettait, il couvait des yeux Nick s’assurant de sa bonne progression. A plusieurs reprises il attendit qu’il arrive à son niveau.

Lorsqu’il grimpait, le scientifique n’avait plus que deux idées en tête monter les jambes, monter les mains et recommencer. Ce schéma tournait en boucle. Pieds-mains-pieds-mains. L’acide lactique lui brûlait les avant-bras, ses mains peinaient à se refermer sur les prises, quant à ses jambes, il ne parvenait à calmer leurs tremblements, l’épuisement le guettait. Vyrian appréhendait les prochains mètres.

Il ne pouvait abandonner, pas maintenant, pas après tous ses efforts. Dans un grognement, il mit fin à la distance qui le séparait du reste du groupe. Nick arriva juste après pantelant. Les deux hommes s’effondrèrent sur le sol froid. De la buée se forma tout autour de leur corps.

Le reste du groupe les regarda sans rien dire. Vyrian ignorait s’ils étaient parvenus à entendre leurs conversations mais en cet instant, il n’en avait que faire. Il était en vie, cela lui suffisait amplement. Il se surprit à sourire. Nick l’imita un rire nerveux s’éleva du jeune homme qui se mit sur le dos. Dinaïn lui proposa sa main. Nick s’en saisit et se remit fébrilement sur ses jambes et tendit à son tour la main à son sauveur. Vyrian l’attrapa souriant. La mort le poursuivait, une fois de plus, il était parvenu à la déjouer, cela lui suffisait d’autant plus que l’hostilité à son égard semblait s’être réduit. Vanea et Nick lui souriraient quant aux autres ils semblaient rassurer, même Kayle semblait avoir perdu son air bougon.

Plus prudent, ils reprirent leur avancée. Dinaïn les guida à travers ce labyrinthe. Arrivé à une intersection, Vyrian se prit à hésiter. Il percevait à gauche l’aura de Mère, quelques mètres les séparait. Il pourrait la revoir s’il mettait fin à cette distance, et à droite il retrouvait Yomi. Immobile, il ne savait quelle décision prendre. Le groupe était lui aussi à l’arrêt, il se trouvait effectivement au centre du vaisseau, six possibilités s’offraient à eux. Seules deux intéressaient Vyrian, il ne pouvait en choisir qu’une.

Une secousse plus violente que les autres leur indiqua qu’il se rapprochait de l’épicentre. Ils étaient sur la bonne voie. Pourtant, Vyrian ne parvenait à se décider. Des craquements retentirent au-dessus de sa tête. Lentement il leva les yeux, au même moment, un morceau de l’armature se détacha du toit et lui fondit dessus.

Impassible, le chercheur, le fixa, il avait l’impression que le temps s’écoulait au ralentit, il eut une ultime hésitation. Elle lui fut fatale. Lorsqu’il se jeta dans le couloir de droite, son mollet fut déchiqueté.

Le scientifique atterrit lourdement sur le ventre sous le regard médusé du groupe. Il ne leur prêta aucune attention et déversa sa rage contre le sol. Son poing vint le percuter.

— ‘chier !

— Vous devriez utiliser cette énergie pour frapper vos ennemis, le sol ne vous a rien fait !

Vyrian ne tint pas compte des propos de Dinaïn, le soldat avait beau le charrier, il n’était pas d’humeur à rire. Il se retourna et constata le couloir obstrué par la chute d’une partie du plafond. En son for intérieur il se promit de revenir libérer Mère.

Il se redressa s’aidant du mur, lorsqu’il parvint enfin à se remettre debout du sang gicla de la plaie lorsqu’il effectua un pas. Il s’effondra. Il lui fallait un garrot. Il chercha du doigt les bords de son exosquelette, il espérait que comme lors du combat, l’armature diminuerait sa peine.

Il observa l’exosquelette s’étendre sur sa jambe, recouvrir la plaie, la pression exercée par l’alliage arrêta l’hémorragie. La douleur quant à elle ne le quittait pas, livide le scientifique se redressa une seconde fois. Il aurait bien aimé bénéficier comme Dallan d’un Psycho. Faute de mieux, il supporta sa douleur.

Les membres de l’équipe le laissèrent passer lorsqu’il s’approcha d’eux. Lentement, il s’avança déterminé de la pièce dans laquelle était détenue Yomi. Il n’avait pu libérer Mère, il n’échouerait pas avec elle.

Lorsqu’il approcha la main de la clenche des deux imposantes portes, la porte de gauche sortit de ses gonds lorsqu’un soldat la percuta. Kayle, Vanea, Dezaël et Vyrian comprirent sans difficulté que la jeune femme s’était encore transformée, quant à Dinaïn, Saern et Nick il s’agissait d’un mystère.

Inquiet à l’idée de la scène qu’il s’apprêtait à voir, Vyrian jeta un bref coup d’œil. Il fut choqué. Là, sous ses yeux se tenait Yomi à terre à la merci d’un jeune homme possédant une étrange épée, sur un des murs un écran montrait les villageois capturés par les Sanctionneurs, Vyrian y reconnut Ylméria.

Le scientifique ne prit pas plus de temps pour analyser les évènements, il s’élança ne tenant pas compte des tiraillements de sa jambe.

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