Chapitre 19 : Non-dits

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Piégé, Vyrian regardait la situation lui échapper. Il ne pouvait détourner les yeux du spectacle qu’offrait la jeune femme. Plusieurs mètres les séparaient. Yomi lévitait les toisant de son regard ardent. Tout autour d’elle la cendre s’agglomérait en de petits orbes rougeoyants. Le scientifique ne doutait pas de leur potentiel de destruction. Tous prirent connaissance de la menace.

Xam cessa d’attirer son attention, il s’immobilisa. Trop tard. Elle le toisa, il se courba, une longue plainte s’éleva dans les airs. Insensible à la détresse de son compagnon, elle arma le bras, un orbe vint se loger dans le creux de sa main. Vyrian sentit son cœur se comprimer, elle ne pouvait quand même pas… pas à lui. Le Xyleras n’attendit pas la réponse et fuit ventre contre terre. Vyrian l’observa se tapir derrière son dos. Attirant par la même occasion l’attention de la jeune femme.

Le scientifique déglutit. Ensevelit sous la cendre, il n’avait aucun moyen d’échapper au tir. Elle tirait, s’en était fini de lui. Un instant, il fut tenté de fermer les yeux, d’échapper à cette vision cauchemardesque.

Une voix familière le rappela à l’ordre.

— Bats-toi, souviens-toi de ton engagement !

— Mère ?

Le scientifique chercha du regard la provenance de la voix. Nulle trace de l’intelligence artificielle.

Pendant ce laps de temps, Dezaël vint s’interposer entre Yomi et lui. Décontracté, le jeune homme retira l’un de ses gants. Il se délectait du suspense qu’il imposait à la jeune femme. Le symbole du Projet Trimondes apparu. L’expression de Yomi ne fut que douleur.

— Toi aussi… tu as perdu tout ce qui t’étais cher.

— Pas vraiment. Je n’ai jamais rien eu. Sauf la rivalité de ces deux abrutis.

D’un mouvement de tête, Dezael désigna Kayle et Vanea.

— Et la sévérité de l’homme auquel je voulais te présenter. Je partage ta tristesse. Rayec, l’homme qui m’a élevé, ne m’a jamais caché mes origines, il n’a cessé de me répéter ma différence. Contrairement à tes parents, il ne m’a pas ménagé. Je n’ai jamais connu l’amour d’une famille, pour ça je t’envie. Je compatis à ta souffrance, ta différence, ta solitude, je l’ai vécu au quotidien. Mais eux, ils n’y sont pour rien.

Tout en parlant Dezaël écarta les bras et désigna le scientifique ainsi que le frère et la soeur. Il s'attarda sur eux. Yomi suivit son regard.

— Tout comme toi, ils ont souffert de leur séparation avec leurs parents. Ils en souffrent toujours. Excuse-moi, je n’ai compris que trop tardivement qui étaient tes parents. Ne te venge pas sur eux pour la douleur que t’ont causé leurs géniteurs.

A ces paroles, Vanea sortit de son mutisme.

— Dez, qu’est-ce que ça signifie ?

La réponse fut apportée par son frère sous le choc.

— Père et Mère ont fondé une nouvelle famille. Ils ont été bannis pour s’occuper d’elle. Ils nous ont abandonnés.

Il chercha un peu de réconfort auprès de sa sœur. Elle lui renvoya la réalité.

— Il serait temps que tu t’en rendes compte.

— Mais pourquoi ? Qu’ont-ils de si spécial ?

Vyrian appréhendait le changement de situation. De proie, Kayle devenait prédateur. Il s’approcha de Yomi.

— Tu nous as volés tout ceux à quoi nous tenions !

Vyrian vit la jeune femme chavirer dans les airs. Les paroles de Dezaël faisaient effet, elle reprenait conscience. Elle regarda son corps, observa l’environnement

— Je n’ai jamais voulu ça.

— Et crois-tu que nous, nous le voulions ?

Yomi retourna à terre. Kayle l’empoigna.

— Réponds-moi !

Vanea stoppa son poing avant qu’il ne percute la jeune femme.

— Ça suffit ! Elle n’y est pour rien !

— A qui la faute dans ce cas ?

D’une voix forte, Vanea expulsa le nom du fautif.

— Rayec.

Cela ne suffit pas à ébranler Dezaël.

— Il n’est qu’une marionnette de plus. Tout comme cet homme, seule Mère semble avoir les réponses.

A l’évocation de ce nom, les deux Ombres se raidirent. Ils lui devaient leur capacité à changer de mondes. Pourtant, ils ne connaissaient rien d’elle.

— Qui est-elle ?

— Je l’ignore… Par contre, ça n’a pas l’air d’être son cas. Tout comme Rayec, il n’a l’air de ne jurer que par elle. Je l’ai entendu à l’instant.

Quatre paires d’yeux se tournèrent vers le scientifique dans l’espoir d’avoir les réponses à leur souffrance. Sa gorge se noua. Xam le libéra de la cendre, le poussa, le forçant à se relever. Pourtant, à cet instant précis, il aurait aimé être enseveli, loin des conflits de ces mondes.

Alors qu’il tentait d’ordonner ses pensées pour les apaiser. Une sensation familière fit son apparition. Tous la reconnurent.

— Des Sanctionneurs !

— Des Infovirus !

A cet instant, Vyrian réalisa l’étendu de sa mission. Il ne devait pas empêcher une guerre de se produire. Il était trop tard pour ça. Il devait l’arrêter. Les Infovirus n’étaient autres que les créatures des Régisseurs, dénaturant la faune existante du Monde Numérique : les Biovirus et les Technovirus. Ils en avaient fait des armes et avec elles avaient attaqués le Monde Mythique.

Dans un même mouvement, tous se retournèrent vers les créatures fantomatiques, elles sortaient par dizaines de l’obscurité. Kayle et Vanea affichèrent un air farouche. Xam se positionna devant sa maitresse apeurée affichant la pire grimace possible, Dezaël resta imperturbable et quant à Vyrian il se prit à regretter la monotonie de son passé.

Les Infovirus se rapprochèrent encerclant le groupe. Une voix jaillit des ténèbres. Vyrian n’eut aucun mal à l’identifier : le Capitaine des Régisseurs.

— Que vois-je ? Trois rebelles, un inconnu et oh surprise la seule personne ayant su me tenir tête. C’est ce qui s’appelle obtenir le gros lot.

Yomi se mordit les lèvres et défia le Capitaine.

— Libérez-les !

— Pourquoi ferais-je une telle chose ? J’ai encore beaucoup de choses à apprendre de ton peuple. Ne t’inquiète pas, tu ne tarderas pas à les rejoindre. Neutralisez-les !

De toute part des rayons d’énergie zébrèrent l’obscurité. Vyrian comprit trop tard leur erreur. Ils étaient encerclés. Nulle chance de fuir. Lorsqu’un des rayons le toucha, il sentit son énergie le quitter, ses jambes flancher, son buste s’incliner et enfin le contact du sol brûlant contre sa peau.

— Pas encore…

Sa plainte fut noyée dans la cendre. Une fois de plus le scientifique s’évanouit.

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