Chapitre 2 : Souvenirs envahissants

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Suite à cet étrange entretien, Vyrian ne cessait de s’interroger. Il connaissait le triste sort de ses prédécesseurs. Cependant, il ne pouvait leur reprocher leur initiative.

Depuis les bancs de l'université, ils s’étaient toujours démenés pour protéger la vie. La fin du monde n’avait rien changé à cela, bien au contraire. Elle n’avait fait que renforcer l’importance qu’ils accordaient à chaque être vivant.

Vyrian ne doutait pas de la bonne volonté de ses confrères. Pourtant, au fond de lui, il regrettait la précipitation de leur acte. De toute évidence, ils avaient agi sous le coup de leurs émotions. Malgré cela, il les comprenait. Lui-même avait commis de nombreuses erreurs. La survie lui avait appris, de la plus cruelle des façons, que l’enfer était pavé de bonnes intentions.

Néanmoins si cela était à refaire, il agirait de la même manière. Cette simple pensée suffisait à le faire frissonner. Parviendrait-il à apprendre de ses erreurs ?

Mère connaissait le passé houleux du scientifique. Etant connectée à chaque survivant, elle percevait leur moindre angoisse. Il était de son devoir de limiter leur souffrance. La cacophonie mentale dans laquelle les rescapés étaient plongés permettait d’inhiber les souvenirs trop douloureux.

Seulement, il arrivait qu'ils soient si intenses que la surcharge mnésique ne parvenait à les arrêter. Les souvenirs remontaient à la surface. Vyrian en faisait la désagréable expérience : ses interrogations faisaient ressurgir de noirs souvenirs.

Mère ne fut pas la seule à le percevoir, les survivants tentèrent d’apporter leur soutien au chercheur. Attentive, l'intelligence artificielle observait, silencieuse. Elle n’était autorisée à intervenir que si Vyrian devenait une nuisance pour la communauté. En attendant, elle devait laisser faire. L’entraide renforçait l’état de Télépathie, elle donnait plus de substance aux souvenirs et facilitait les échanges.

Mère assista à une vague de condoléances adressée au chercheur. Leur tristesse était réelle, pourtant ils ne pouvaient rien faire pour le soustraire à ses peurs. Son angoisse les terrassa et ensemble, ils revécurent sa tourmente.

La tempête s'était apaisée. Seuls quelques éclairs zébraient encore le ciel, illuminant la berge par intermittence. La gravité avait retrouvé son influence sur la végétation arrachée de terre. Le rivage était criblé d'impacts. Troncs et branches s'enchevêtraient pêle-mêle. Dans ce paysage meurtri, les vagues léchaient paresseusement le sable, semblant panser les blessures du sol. C'est à ce moment-là qu'il vit immobile le corps de sa promise, drapée d'écume.

Il courut vers elle. Seulement, le parfum que lui apporta le vent n’était pas celui de l'être aimé. Seule une odeur de mort et de putréfaction s'insinua dans ses narines. La senteur âcre pénétra ses poumons. Une froide certitude l'emplit, celle qu'il aimait n'était plus. Des larmes roulèrent sur ses joues, des sanglots soulevèrent sa poitrine, à bout de souffle, il dut arrêter sa course.

A quelques pas de là, se trouvait Clana. Il s'avança, la peur et le chagrin lui étreignaient les entrailles. Lorsqu’il arriva à proximité du corps, l’acidité de l’eau l’avait à jamais transformé. Les courbes autrefois pleines de vie n’étaient plus qu’un amas de chair difforme, semblant avoir été modelé dans de la glaise au rythme des vagues. Son visage d'ordinaire si chaleureux n'était plus que lambeaux. Implacable, la pensée qu'il ne la reverrait plus jamais s'imposa à lui. C'était fini. Son sourire n'illuminerait plus son visage, ses yeux rieurs ne le regarderaient plus.

Tour à tour, les perceptions qu'il avait de Clana disparurent. Vyrian se laissa choir. A genoux, face à celle avec qui il avait prévu de passer le reste de sa vie, il se sentait seul, dépossédé. Malgré la chaleur qui l'habitait suite à sa course, un frisson le parcourut.  

Vyrian réalisa avec horreur que les années avaient passé, ses souvenirs s'étaient estompés. Seul le visage de sa bien-aimée et l'amour indéfectible qu'il lui portait persistaient.

Tous partagèrent sa tristesse, mais aucun ne put l’atténuer. Vyrian sentit leur présence. Il les chassa sans ménagement. Il voulait pleurer encore une fois celle qu’il avait perdue il y avait de cela des années. Il s'en voulait. Seule la mort avait tiré profit de ses bonnes intentions.

Le chercheur resterait à jamais marqué par son vécu. Chacune de ses expériences le façonnait, seul son trépas pourrait y mettre un terme. Afin d’éviter une vague de dépression, Mère dut l’isoler.

Coupé du reste de la communauté, Vyrian finit par se calmer. Le souvenir s'étiola. Epuisé, le docteur en oublia ses interrogations, ses doutes. Seul le sentiment de tristesse persistait.

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