Chapitre 26 : Traquenard

8 minutes de lecture

Vyrian gémit lorsque l’aiguille pénétra sa peau. Il pouvait la sentir s’insinuer sous son épiderme. Lorsque l’injection fut réalisée, la douleur fut telle qu’il plaqua sa main à l’endroit endolori, une petite protubérance se tenait sous ses doigts.

— Qu’est-ce que…

— Kalya, on t’envoie les blessés !

— Bien reçu !

Avant que Vyrian n’ait eu le temps de comprendre la situation, Kayle et Vanea le fixèrent médusés. Le scientifique nota l’absence de réaction de Saern et Dezaël. Quant à Zaïk, il fixait avec un mélange de peur et de colère un des trois résistants venant de faire irruption. Etait-ce lui qui l’avait privé de ses pouvoirs ?

Vyrian voulut tourner la tête pour voir de qui il s’agissait. Il n’en eut pas le temps. Son corps commençait à disparaitre, sa conscience à s’effacer. Il comprit que comme lui, Yomi, Nick et Dinaïn avaient subi le même traitement, leurs corps ne se trouvaient plus dans la pièce. Une seule question lui resta à l’esprit : comment pouvait-on priver quelqu’un de ses pouvoirs ?

Lorsque le scientifique reprit conscience, il se trouvait dans un autre vaisseau, il flottait dans une étrange brume bleutée. Intrigué, il se servit des facultés de Mère pour en comprendre le fonctionnement. Comme il s’y était attendu, cette brume n’était pas ordinaire. Il s’agissait d’un maillage de nanoparticules qui reconstituait ses tissus. Vyrian observa incrédule ses avant-bras s’allonger et s’affiner au fur et à mesure de la reconstitution. Arrivées au poignet, les fibres s’élargir donnant naissance aux prémices de ses mains. Il resta ainsi les yeux écarquillés dans l’attente que son corps finisse d’être téléporté. Une fois le transfert fini, il dégluti, satisfait d’être en un seul morceau.

Une voix le sorti de sa contemplation.

— Ça fait un choc n’est-ce pas ?

Avant que Vyrian n’ait le temps d’approuver, la voix se rapprocha et la silhouette se précisa. Le biologiste put distinguer un Innovateur, son corps était parcouru de scarifications.

Pour la première fois, le scientifique entendit plus qu’il ne vit les données de mère l’informer du mode de vie de ces habitants. Les scarifications leurs permettaient de se débarrasser des constituants extérieurs avec lesquels ils fusionnaient pour réaliser leurs constructions. Aucune autre méthode ne parvenait à égaler l’efficacité de fréquentes saignées.

Une image d’un vieil Innovateur apparut à l’esprit de Vyrian. Malgré un système de purification à sa ceinture, séparant le fer de son sang des particules extérieurs, l’homme était parcouru de cicatrices et malgré cela son corps n’était plus humain, marqué par les différents constituants qu’il avait manipulé au cours de sa vie.

Certains, s’amputaient les membres trop infectés avant que cela ne se propage au reste de l’organisme, on leur confectionnait alors des prothèses customisées capables de prouesses similaires sans avoir à craindre pour leur intégrité physique.

D’autres préféraient voir leur corps se transformer, sa fonctionnalité n’en étant pas amoindri, ils devenaient par contre tributaires des caractéristiques des matériaux, dans la plupart des cas, il s’agissait de mélanges, les caractéristiques s’additionnaient donc. Cette sensibilité dépendait de chacun.

Comparé aux images que venaient d’apercevoir Vyrian, le jeune homme qui lui faisait face se portait bien. Il apprit qu’il se nommait Renean, baptisé Ren par les membres de son équipe. Il occupait la fonction d’ingénieur. Son rôle consistait à maintenir la sécurité de l’équipage.

Le jeune homme se tenait face à lui, sa tenue possédait pleins de compartiments dans lesquels étaient triés et rangés une panoplie d’outils. Vyrian n’osait imaginer le poids que cela devait représenter, pourtant le jeune homme ne semblait nullement gêné dans ses mouvements, sa démarche était légère et fluide, ses pas silencieux.

Sa voix chassa les informations dont regorgeaient les données de Mère à son égard, l’intelligence artificielle semblait regorger de connaissances à son sujet.

— Attention à la chute.

Au même instant, l’étrange brume se dissipa. La gravité reprit ses droits et Vyrian heurta violemment la grille derrière laquelle la fumée réintégrait de petits conduits intégrés aux parois du vaisseau.

— J’avais prévenu.

Ren laissa Vyrian pester et se relever. Cette simple action rafraîchit la mémoire du scientifique. Il revit l’affrontement contre Zaïk puis la piqure. Il effleura sa nuque, la protubérance ne s’y trouvait plus.

— C’est à usage unique. Ça se désagrège lorsque vous respirez le gaz.

A présent debout, Vyrian se prit à espérer que sa jambe soit guérie, il ne ressentait plus de douleurs. Lorsqu’il se décida à la regarder, il n’y avait plus aucune trace de la blessure. Les nanoparticules combinées à la puce qui avait été insérée sous sa peau permettaient de se téléporter mais également de reconstruire les tissus lésés.

La blessure rappela au scientifique les personnes qui l’accompagnaient à ce moment-là, il interrogea Ren.

— Comment vont les autres ?

— Ils vont bien. Ils ne devraient pas tarder à se réveiller. Quant à ceux restés sur les vaisseaux, on les rejoint bientôt.

Vyrian fut soulagé mais non moins intrigué.

— Qui sont les trois personnes intervenues ?

— Joy, Kedoran et Xenaya. Joy est le mentor de Dinaïn, c’est un ancien soldat qui a épousé la cause de la Résistance, Kedoran a été banni des Ombres, pour continuer de lutter contre les Régisseurs, il s’est engagé dans la résistance et Xenaya…

Des explosions interrompirent la conversation. Le vaisseau chavira. Vyrian s’agrippa tant bien que mal afin de ne pas tomber. Il aperçu une trappe, il s’avança et l’ouvrit.

Pour la première fois, il eut une vue dégagée du Monde Numérique. Les vaisseaux des Régisseurs flottaient au-dessus du vide, la faille semblait déchirer le Monde Numérique, telle la matérialisation de la césure que Kaeronn avait provoqué dans leur culture.

Les cendres rougeoyaient au-delà de la faille. Vyrian aperçu de nouvelles sources de lumière causée par les explosions dévorer les vaisseaux des Régisseurs. Il se remémora les paroles de Zaïk : « La Résistance ne veut pas la paix ». Effectivement, elle voulait renverser le système, amplifiant la guerre par la même occasion. Le scientifique prit conscience de sa similitude avec le Matéria tous deux devaient leurs pouvoirs à d’étranges entités leurs ayant confiés pour mission un sauvetage. Seuls leur vécu et leur méthode divergeaient.

Vyrian se surprit à s’inquiéter pour le jeune homme, il espérait qu’il soit toujours vivant. Des tirs dans sa direction le sortir de ses pensées. Ren le fit réintégrer l’intérieur du vaisseau et le jeta au sol sans ménagement.

— Je sais pas ce qui m’énerve le plus. Votre stupidité, vos pulsions suicidaires, le mal qu’on s’est donné pour vous garder en vie ? Sans compter qu’en pointant votre tête à l’extérieur vous faîtes de nous une cible de premier choix…

Une voix féminine intervint abrégeant les reproches de Ren

— Ren des dégâts ?

— Que du superficiel.

— Tu peux demander à Eald de se préparer. Xenaya et les autres seront bientôt au point de rendez-vous.

Ren pressa la même interface que Saern plus tôt. A ce moment-là, Vyrian comprit ce qui le dérangeait depuis tout ce temps. Malgré toutes les embûches qu’ils avaient traversés, ils n’avaient rencontrés aucun soldat. Il avait supposé que la Résistance les maintenait occupé pourtant, aucun vaisseau ne venait les intercepter. Il n’avait observé aucune lutte en contrebas. Vyrian avait du mal à l’admettre mais c’était trop facile. Il repensa au dispositif d’observation dans les cellules. Le déclic se fit. Il ne s’appliquait pas qu’aux cellules mais à tout le vaisseau. Depuis le début le Capitaine devait les observer prenant conscience de leurs aptitudes. Le Capitaine maîtrisait bien mieux que lui l’art la guerre. Pour remporter une victoire, il était indispensable de connaître les siens et ses ennemis. Vyrian ne doutait pas que le Capitaine connaisse son peuple, quant à ses ennemis c’étaient choses faites.

Vyrian se força à trouver les évidences dont il était passé à côté. Les prisonniers, des apâts ? Le garde, un sacrificier ? Zaïk, un laissez pour compte ? Plus il y réfléchissait, plus il ne parvenait pas à se débarrasser de ce pressentiment, Vyrian se précipita sur la trappe. Sans hésitation, il sortit sur la carlingue. Malgré son exosquelette il peinait à rester stable. Lorsque de nouveaux tirs le visèrent, il les fit disparaitre annulant leurs caractéristiques. Comme il s’y attendait, les tirs étaient automatiques, ce qui ne fit que renforcer son impression d’être manipulé.

Alors que le vaisseau passait en rase motte du lieu où se tenait les prisonniers du Monde Mythique, il s’élança. Il entendit le cri de Ren dans son dos.

— Mais qu’est-ce que vous faîtes ?

— Je vérifie une théorie, je rejoindrai les autres au point de rendez-vous.

Vyrian ne perçu pas la suite des paroles et se focalisa sur sa réception. Il modifia la structure du vaisseau de sorte à amoindrir l’impact. Le choc se répandit dans ses membres malgré cela il put se redresser sans difficulté.

Il rejoignit le trou laissé par l’effondrement du plafond et réintégra le vaisseau des Régisseurs sans tenir compte des adversaires qui auraient pu l’accueillir. Il courut se remémorant le plan. Il passa devant la salle de Zaïk sans y prêter attention.

Après un énième tournant, il atteignit la cellule dans laquelle se trouvait les prisonniers, il pouvait encore ressentir leur présence mais il n’y avait nulle trace de leurs corps. Où étaient-ils passés ?

Il scruta l’environnement à la recherche d’indices dissimulés sous cette taule branlante, il finit par discerner l’éclat d’une caméra. Il recula afin de mieux la voir. Une voix s’éleva, Vyrian la reconnut et la détesta d’autant plus.

— Félicitations ! Vous êtes parvenus à voir clair dans note jeu. Je crains malheureusement qu’il soit un peu tard. Enfin bon, vous ne payez pas de mine de prime abord mais vous semblez regorger de compétences, étonnez-nous !

La communication fut rompue. Une subite chaleur envahit le vaisseau, des flammes léchèrent bientôt les parois, parmi ce crépitement incessant, Vyrian discerna des pensées embrumées. Il s’en approcha, elles devinrent suffisamment claires pour qu’il les reconnaisse.

Il fit disparaitre la porte derrière laquelle se terrait les pensées à l’aide des compétences de Mère. Xam sortit de la pièce, son pelage avait commencé à prendre feu. Vyrian eut toutes les peines du monde à communiquer avec lui. L’esprit du jeune Xyleras n’était que douleur, sa seule chance était de rejoindre les autres afin que ses tissus soient régénérés par la brume.

Xam finit par s’arrêter. Vyrian étouffa les flammes et porta la pauvre créature, il espérait lui amoindrir ses souffrances, malgré cela le pauvre ne cessait de gémir. Sa chair carbonisée ne laissait rien présager de bon. Seul le côté sur lequel se trouvait son cœur magique avait été épargné, Vyrian espérait que cela soit de bon augure.

Le scientifique ne tient compte ni des larmes qui lui inondaient les joues, ni de la brulure de ses muscles et de ses poumons. S’il voulait survivre, il devait sortir de cette fournaise.

Alors qu’il s’approchait du point de rendez-vous, les autres apparurent dans son champ de vision ainsi que la carcasse éparpillée d’un vaisseau résistant encore fumant.

Les Régisseurs contre-attaquaient, l’expérience était finie, les données analysées. Leur seule chance de survie était de franchir la faille, les vaisseaux des Régisseurs ne pouvaient aller au-delà.

Vyrian comprit à la respiration sifflante de Xam qu’il s’était évanoui, cela était surement mieux ainsi. Dans un ultime sprint, le scientifique couvrit la distance qui le séparait des autres.

Alors qu’il s’apprêtait à embarquer, le vaisseau dû faire un brusque écart pour éviter des tirs ennemis. Un objet lui fut envoyé mais le lancer trop court ne l'atteignit pas. Dans un geste de survie le scientifique s’élança dans le vide, il tendit la main afin d’attraper l’objet de son salut et se sentit chuter. Sans penser aux conséquences, il injecta à Xam la puce, puis ce fut à son tour.

Le monde devint noir, il resta ainsi sans certitude de sa réussite.

Annotations

Vous aimez lire Neru ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0