Chapitre 20 : Tourmentes

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Inconscient, l’esprit du scientifique parti rejoindre Mère. Lorsqu’il la retrouva son cœur se serra. Les données de l’intelligence artificielle avaient pris forme humaine. Sur son enveloppe virtuelle circulaient ses données cryptées.

Suspendue, pieds et poings liés, l’IA lui paraissait faible. Son corps disparaissait par intermittence dans des grésillements et réapparaissait l’instant d’après entrecoupé de parasites.

Aux endroits où les liens l’enserraient son code clignotait. Il semblait défaillant. Le scientifique fixa quelques instants le phénomène. Sous ses yeux, le code disparu, la lueur bleutée qui l’accompagnait également. Un nouveau code prit place. La lueur sanglante de son affichage fit paniquer le biologiste. Que lui faisaient-ils ? En quoi transformaient-ils Mère ? Elle seule pouvait lui faire réintégrer son monde, comment ferait-il sans elle ?

Elle perçut sa panique. Des yeux noirs sans fond s’ouvrirent. Son visage s’anima. Elle tenta d’émettre des pensées rassurantes au chercheur mais une plainte informe fut émise à la place lorsque le code inconnu attaqua ses données saines.

Le corps du scientifique eut un mouvement de recul, son dos percuta la surface dure du sol. La douleur commença à lui faire reprendre conscience. Des bruits de pas alentour lui parvinrent. Il tenta d’ouvrir les yeux. Mère le retint.

— Non ! Ne pars pas ! J’ai un dernier cadeau à t’offrir.

Vyrian sentit sa gorge se nouer à cet aveu. Ces propos sentaient l’adieu. Il ne pouvait laisser une telle chose arriver. Que ferait-il sans elle ?

— Je t’offre l’omniscience. Dans cette guerre, ce sera ton plus précieux atout. Il te permettra de prendre le contrôle de la situation. Sauve-les.

— Moi aussi, j’ai quelque chose pour toi.

— Je ne veux rien savoir ! Pars !

Mère chassa le scientifique. Il s’en voulu. Elle l’avait rejeté car il avait fauté. Qu’il avait été bête d’avouer qu’il avait quelque chose en sa possession pour elle quand elle se faisait pirater. A présent les hommes du Capitaine ne manquerait pas de le fouiller si cela n’avait pas déjà été fait.

Vyrian se mordit la lèvre, le goût du sang emplit sa bouche. Dans un autre monde quelqu’un d’autre percevait cette sensation. Vyrian y fut transporter.

Le scientifique se retrouva face à Declan. Lorsqu’il l’avait quitté le jeune homme tentait d’ouvrir un portail afin de retrouver Keen’an et sauver Pitchi. A présent, le jeune homme se tenait prostré dans l’herbe, du sang ruisselait de son nez et serpentait le long de sa bouche. Wikee se tenait assis dans l’herbe face à son partenaire.

— Je t’avais bien dit que tout ceci ne pouvait que mal se terminer.

Le jeune sage vagabond ne prit pas la peine de répondre et se tourna vers Pitchi prostrée au sol. S’il ne faisait rien, la créature n’en avait plus pour très longtemps.

Il tenta de parler mais ne fit que cracher du sang. Autour du mage se tenait trois autres personnes vêtues de noir de pied en cape. L’une d’elle prit la parole. Vyrian reconnu la tenue caractéristique de la Milice, organisation officieuse chargée d’éradiquer toute anomalie.

— Un décret a été voté mage. Certains sorts sont désormais interdits. Nous t’aurions déjà tué si tu ne faisais pas partie des membres de la délégation de la Confrérie. Tu nous accompagneras à Alteryx, il parait que l’une des nôtres risque un Exorcisme.

Sans un mot la Milicienne entreprit de relever Declan.

— Un dernier point que fait cette Textys loin de son propriétaire ?

— Il… a… disparu.

— Vraiment ? Ne veux-tu pas plutôt dire qu’il n’assume pas l’avoir abandonné.

— Non

— Voyez-vous ça, fidèle jusqu’au bout. Dommage que ce ne soit pas le cas de ton ami.

— Il… l’est. Il s’est fait… enlever.

— Et par qui ?

Declan ne répondit pas, il désigna du doigt le sol calciné.

— Quelles preuves avons-nous qu’il ne s’agit pas d’un de tes échecs à ouvrir un portail ?

Ce fut Wikee qui répondit.

— Il a à peine eu le temps de tester. Vous l’avez agressé bien avant. Je vous remercie pour cela. J’espère qu’il a retenu la leçon.

Declan émit un grognement en signe de protestation. Ce à quoi Wikee répondit.

— Tu n’aurais pas eu à souffrir si tu m’avais écouté !

Nouveau grognement. Une autre voix s’éleva du groupe de Miliciens.

— Si je peux me permettre, je peux concevoir un objet permettant de retracer ses souvenirs. Le flux magique est constamment modulé selon l’expérience de son propriétaire. En se basant sur son flot d’énergie je peux concevoir un outil permettant de savoir s’il dit bel et bien la vérité.

Vyrian n’avait pas encore eut l’occasion de voir Djima, l’une des six Exilés. La jeune femme portait de gros gants en cuir, mais il ne faisait aucun doute que comme tous les autres, elle portait le symbole du projet Trimondes.

Le scientifique apprit rapidement lorsqu’une notification s’afficha que la jeune femme avait quitté Hemyra, elle souhaitait trouver des réponses non se baser sur des hypothèses pour comprendre la situation préoccupante du Monde Mythique. C’est ce désir d’assouvir sa curiosité qui l’avait poussé à quitter la Guilde des Sciences Mystiques. Cette guilde était l’une des plus anciennes et des plus mystérieuses, elle avait pour rôle d’étudier les catastrophes mythiques, de les prévoir, de les contrer en somme un rôle de prévention et de résolution. Cette bivalence avait conduit les membres de cette guilde à pousser au plus loin leurs connaissances sur leur environnement.

Hemyra étant la capitale de l’artisanat, il était très facile d’y construire une arme visant à abattre telle créature mythique ou bien à élaborer un artefact capable de copier les capacités d’une créature.

Djima avait grandi dans ce monde de mythes et légendes complété par une touche de mécanique. Tout ce qu’elle connaissait, elle l’avait appris au sein de la Guilde. La jeune femme était accompagnée par une créature que Vyrian n’avait pas encore eu l’occasion d’observer. Un nom apparu : ExoTempus.

« Considérés comme étant les plus puissants des métamorphes. Leur forme d’adaptation est optimale pour chaque situation, les erreurs commises au cours de leur vie leurs apportent une expérience inégalée en matière de survie. Chaque situation apporte son lot de surprises, d’imprévus sauf pour ses créatures à la mémoire infaillible, dès qu’une situation apparait une fois dans leur vie, elles la mémorisent et tirent profit de leurs erreurs pour dès qu’une situation semblable se présente, elles puissent s’adapter au mieux, sans commettre d’erreurs cette fois.

Cette physiologie dotait les jeunes individus d’une grande réactivité mais d’une adaptabilité moins grande. Quant aux individus âgés, ils perdaient peu à peu cette réactivité mais possédaient une adaptabilité plus grande en raison de l’acquisition d’une plus grande expérience.

Ces créatures sont facilement reconnaissables à leurs pelages. Dans leur jeunesse, il est d’un blanc éclatant, puis au cours de leur vie les expériences vécues s’impriment à même le corps de l’animal. Il est dit que l’on peut retracer la vie d’un ExoTempus si l’on parvient à comprendre ses glyphes. »

Aux yeux du chercheur, la créature ressemblait à un petit lémurien dont le pelage aurait été tâché d’encre. L’animal reposait sur l’épaule de la jeune femme. Il observait silencieux.

Vyrian voulut tenter de déchiffrer les glyphes qui parcouraient le corps de l’animal. Il espérait avec les connaissances de Mère pouvoir y parvenir. La milicienne ne lui en laissa pas le loisir. Elle répondit à Djima et ramena le scientifique à la discussion.

— Avec vous les artisans, il est toujours question de technologies. Une question simple peut se régler de bien des manières.

Sur ses paroles, la jeune femme sortit une dague de sa botte et la plaça sous l’œil de Declan. A cette vue, Djima réagit.

— Vous allez pas encore le torturer ! Le pauvre ne peut déjà plus parler !

— Hum, c’est vrai, nous attendrons qu’il retrouve l’usage de la parole. En route, nous sommes attendu.

Les deux autres miliciens suivirent leur chef. Elle s’arrêta. Ils firent de même.

— Au fait si notre méthode ne te plait pas tu es libre de partir.

— Je reste !

— Bien. Soit utile dans ce cas, occupe-toi du blessé.

Declan fut poussé dans les bras de Djima comme s’il ne pesait rien de plus qu’un fétu de paille. La jeune artisane eut du mal à réceptionner le mage. Elle lui offrit son épaule en guise de support.

Ensemble, ils se dirigèrent vers Alteryx. Les premiers pas de Declan furent hésitants, le jeune mage s'appuyait de tout son poids sur Djima qui peinait à avancer. Après un énième pas laborieux, le mage tendit le bras, l'une de ses bagues s'illumina. Il en sortit une petite créature reptilienne. Elle s'enroula autour du poignet du Sage vagabond. Et se teinta d'une lumière violacée, plus son contact perdurait avec son invocateur. Vyrian observa Declan se détendre, son expression se fit plus sereine. Bientôt il fut en mesure d'avancer.

Intrigué, le scientifique s'intéressa de plus près à la créature. Il découvrit qu'il s’agissait d’un Psyco. L’étymologie de ce nom venait de psy pour psychologique et co pour connaissance. "Créatures de type symbiote naïves et fondamentalement bonnes, incapable d’éprouver de mauvaises intentions. Par cet aspect, elles se sentent incomplètes. Dans ce cadre s’organise une symbiose avec un autre individu, les humains constituent une cible de choix, en raison de leur complexité émotionnelle. Dans le cadre d’une symbiose, elles se nourrissent de ses émotions et renvoient leurs antagonistes, pour cela elles absorbent les sentiments d’une personne qui pourraient lui nuire, transforment la peur en courage, tempèrent la folie en témérité, convertissent le stress en sang froid, inhibent la rage en colère, la jalousie en sérénité, l’avarice en bonté. Elles peuvent aussi semer le trouble lors de combat, déstabilisant émotionnellement leurs adversaires.

La teinte que prend leur peau correspond au prélèvement d'une émotion. A chaque émotion est associée une couleur, lorsqu'il y a plusieurs émotions, les couleurs se mélangent."

Le biologiste comprenait mieux le soudain regain d'énergie du mage, sa douleur ayant disparu, il se déplaçait avec plus de facilité. Ainsi ils atteignirent rapidement Alteryx. On les laissa entrer. Ywan, le second de Faric les accueillit. Il les conduisit au pied d’une petite estrade. On pouvait voir Dallan, Fara et Dungal ainsi que Feyna au centre. L’hybride se tenait en avant du groupe attendant son jugement.

Faric les vit arriver et les invita à s’installer.

— Bien maintenant que toutes les personnes conviées sont présentes, nous allons pouvoir commencer. Je vous ai rassemblé afin de tirer les derniers évènements au clair. Tout d’abord, chers Miliciens j’ai cru apprendre qu’il s’agissait ici de l’une des vôtres. Est-ce le cas ?

Faric désignait Feyna. Les trois miliciens ne pouvaient bien évidemment pas répondre ne connaissant pas leurs identités. La voix autoritaire de la Milicienne trancha dans le calme qui régnait. Son ordre se répercuta sur les murs des bâtisses.

— Parle !

— Euh …

— Sa voix pourrait correspondre à n’importe laquelle des nôtres ayant disparu le jour de la Cérémonie. Que voulez-vous qu’on fasse d’elle ?

— La prendre sous votre aile.

— Pardon, mais ne devait-elle pas subir un exorcisme ?

— Un doute plane toujours sur son identité. Il a été conclu que vous la prendrez en charge et en fonction de ses agissements, nous aviserons. Vous la confier, me parait être la solution la plus sage. Vous être maîtres dans l’art de l’étrange quant à l’artisane qui vous accompagne, c’est une experte en arme. Elle sera en mesure de vous aider à l’éradiquer si jamais elle vous pose problème.

— Bien.

La voix de la femme semblait moins ferme. Le choix ne lui était pas donné, la milice se trouvait en sous-effectif. Membre initial ou jeune recrutée, ils feraient de la jeune femme l’une des leurs. Pour le plus grand plaisir de Faric qui aimait voir ses jouets se démener.

Le maire reprit.

— Vous pouvez vous approcher de votre partenaire.

Les miliciens, suivit de Djima qui supportait toujours Declan s’approchèrent de Feyna. Pitchi réagit à l’approche de l’hybride. Le scientifique devina qu’elle ressentait le pouvoir qu’elle lui avait donné. La petite créature ouvrit les yeux, voleta maladroitement jusqu’à Feyna et se lova dans le creux de son cou.

Vyrian fut émut par cette scène, la petite créature se sentait si seule qu’un simple contact suffisait à lui redonner de l’énergie.

Declan se tourna vers son père avec l’aide de Djima. L’homme posa une main sur le visage tuméfié de son fils.

— Quand cesseras-tu d’être imprudent ?

— Je…

— Peu importe, ce qui est fait, est fait. Que se passe-t-il ? Que fait Pitchi seule ? Où se trouve Keen’an ? Il devait revenir, aucun Visionnaire ne parvint à retrouver sa trace. Que sais-tu ?

Faric intervint à ce stade de la conversation.

— C’est justement à ce sujet que j’aimerai questionner votre fils. Ça ainsi que le portail qu’il s’apprêtait ouvrir, pourquoi courir un si grand risque ? Jeune homme, je vous pose la question.

Declan fit face au maire, prêt à répondre. On ne lui en laissa pas l’occasion. La milicienne fit irruption dans la conversation.

— Artisane, ta proposition est toujours d’actualité ?

La jeune femme se retrouva face à un Declan démuni, un père intrigué et un maire intéressé. Vyrian attendit la réponse de la jeune femme. Elle ouvrit la bouche, mais le scientifique ne parvint à saisir ses paroles. Une voix extérieure interférait. Il ne parvenait à se concentrer. Peu à peu l’image du Monde Mythique se dissolu, il ne resta plus que l’obscurité.

La voix insista de plus belle, Vyrian se força à ouvrir les yeux. Sa vision était trouble. Il eut du mal à reconnaitre le visage du jeune homme qui se tenait au-dessus de lui. Il resta ainsi quelques instants à observer le visage tuméfié avant de pouvoir y associer un nom, Nick.

Le jeune homme reprit de plus belle.

— Je vous ai entendu murmurer le nom de Feyna. Que lui arrive-t-il ? Est-ce qu’elle va bien ?

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