Chapitre 17 : Déconnecté

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Vyrian se sentit peu à peu revenir à lui. La lumière l’éblouissait à travers ses paupières closes. Il gémit et se retourna pour échapper aux rayons lumineux. Il s’arrêta net. Il ne parvenait à cerner le problème, mais il en était désormais certain, quelque chose n’allait pas. Pourtant, tout lui paraissait ordinaire, la dureté du matelas sous son dos, la rugosité des draps contre sa peau, tout y était. Tout, sauf les pensées. Pour la première fois depuis bien longtemps, il se sentit seul. Aucun souvenir ne parasitait son esprit, Mère ne s’y trouvait pas non plus.

Paniqué à cette découverte, il ouvrit les yeux. La pièce était déserte. Sa fréquence cardiaque augmenta, les mains moites, il repoussa les draps. Pour la première fois, il découvrait ses membres frêles, leur vue le mit mal à l’aise. Tremblotant, il bascula ses jambes dans le vide et se laissa tomber. Ses pieds percutèrent le sol froid. Il frémit. Un pas après l’autre, il entreprit de découvrir la pièce dans laquelle il se trouvait, dans ses souvenirs elle était différente, plus grande.

Il se surpris à se déplacer de manière de plus en plus fluide, ce n’est qu’en osant toucher ses membres rachitiques qu’il rencontra une légère boursouflure. Il exerça une légère pression, un exosquelette apparut. Surpris, le biologiste se redressa vivement. Il observa la structure se dévoiler. Fine et légère, l’armature permettait des mouvements fluides. Le scientifique fit une série de flexions-extensions afin d’observer le fonctionnement du mécanisme. Il fut à la fois déçu et admiratif de ne rien pouvoir apprendre de la technologie. Elle s’adaptait si bien à son corps que Vyrian peinait à savoir lorsque l’exosquelette l’aidait.

Il n’y avait plus l’ombre d’un doute, il n’était plus dans son monde. L’absence des autres survivants s’expliquait. Peu à peu les souvenirs des derniers événements lui revinrent en mémoire. Il se rappelait du contact brûlant du sol sur sa peau, de la rupture de connexion avec Mère, de la perte de contact avec le Monde Mythique. Pouvait-il visualiser les événements comme il l’avait fait pour comprendre comment Feyna était arrivée dans le Monde Mythique ?

Il se rassit sur le lit. Ferma les yeux et se concentra. Il sentit tapis au fond de son cerveau sa connexion avec Mère, il essaya de l’activer. Rien. Il était seul, prisonnier de son ignorance et de sa solitude. Le raclement d’une porte attira son attention, il ouvrit les yeux. Un homme se tenait face à lui, Vyrian sut son nom instinctivement : Rayec.

Pour une raison que ne parvenait à s’expliquer le scientifique, Mère semblait lui avoir transmis ses connaissances. Néanmoins curieux sur la manière dont se présenterait le nouveau venu, il attendit.

— Tu es comme elle.

Vyrian sut instinctivement à qui il faisait référence. Mère, leur mentor à tout deux. Dans deux mondes différents à deux époques, elle les avait formés avant de les quitter.

Vyrian opina. Rayec fit de même.

— Que s’est-il passé ?

— Nous avons été séparés.

— Ça je le sais, tu en es la preuve. Comment cela s’est-il produit ?

— Mère disait qu’on lui volait ses données, mais qui serait en mesure de faire une telle chose ? Qui connait son existence outre ton peuple et le mien ?

— Les Régisseurs seraient en mesure d’accomplir cela.

Vyrian se mordit les lèvres à cette nouvelle. Ils venaient de se faire un ennemi puissant. Les données nouvellement acquises de Mère lui indiquèrent que les Régisseurs étaient un peuple hautement militarisé en de très mauvais termes avec les autres clans. Rayec sembla deviner ses pensées.

— Laisse-moi te raconter comment ils ont eu connaissance de son existence. Lorsque j’ai eu quinze ans, ma vie bascula radicalement. A la mort de mon père, je lui ai succédé à la tête de la famille Phronein, notre famille était la plus respectée au sein de notre clan : les Ombres. Ce respect avait été acquis au cours des générations, de par son ancienneté, ma famille était celle ayant acquis le plus de connaissances. Alors que je marchais sans but dans ma chambre, un bruit me sortit de mes pensées. Je me suis précipité dans sa direction, et là je vis le miroir s’animer. La surface lisse prit les traits d’une femme. Elle me proposa un marché. Je mis un certain temps à réagir.

Plus Rayec contait son passé plus ses traits semblaient s’adoucir. Vyrian se demandait quelle relation il pensait entretenir avec Mère, certaines de ses réactions montraient bien plus qu’un attachement utilitaire. Il s’était attaché à l’intelligence artificielle, les sourires attendris à l’évocation de son apparition étaient éloquents. Le considérait-il comme un concurrent ?

Le scientifique n’eut pas le temps de se pencher sur la question, Rayec enchaina.

— Sa demande était surprenante. Il était rare que quelqu’un veuille marchander avec mon peuple, nous avons la réputation de souvent remporter les négociations et autres marchandages. Sa demande fut simple et désintéressée, elle souhaitait que je cesse d’être spectateur de ma propre vie.

Vyrian manqua de rire. Il se retint à grande peine. Mère ne pouvait en aucun cas être désintéressée, d’autant plus lorsqu’elle était sous le contrôle de Newt, Stein et Willis. Rayec s’était fait manipuler, ses sentiments bafoués. Le constat était triste. Bien que le chercheur en veuille aux siens d’avoir agi de la sorte, il ne se sentait pas non plus le courage d’avouer à cet homme la vérité. A ce titre, il ne valait pas mieux que ses prédécesseurs. De plus, le secret de l’identité de Mère, lui garantissait le soutien de Rayec. Ainsi, il resta stoïque attendant la suite du récit.

— Ce simple souhait me renvoya ma vie passée à respecter les codes. Pour la première fois, je pris conscience que cette vie ne me convenait pas. Je fus blessé que ce constat vienne d’une étrangère, cela ne faisait que renforcer mon sentiment d’impuissance. Pourtant, je me trompais. Elle m’offrait une échappatoire, un avenir. Elle me donna la faculté de voyager entre les mondes. Au début, je ne l’ai pas cru. Puis après avoir réalisé mon premier voyage, ma perception des choses changea radicalement. J’eus de longues discussions avec Mère, en échange de cette faculté, je devais lui transmettre les informations que j’obtenais.

Egoïste, telle était la perception qu’avait Vyrian de son peuple en écoutant le discours. Le scientifique avait d’abord éprouvé de l’angoisse à être ainsi séparé des siens. Privé de Mère son peuple semblait condamné. A présent, il en venait à se demander si cela n’était pas une bonne chose. Son peuple l’écœurait.

Rayec mal interpréta son expression.

— Ce n’était pas si contraignant, bien au contraire. A tel point que je soumis à mon clan l’idée de s’allier à Mère. Les débuts furent hésitants, mais bien vite cela entra dans nos coutumes.

Seulement, peu après avoir obtenu cette faculté, Mère se trouva au plus mal.

Vyrian devinait la demande des scientifiques d’aller sauver les enfants du Monde Mythique arriver. Rayec venait d’arriver au point culminant de son histoire, la suite n’était que déchéance. Le biologiste serra les dents dans l’attente de la suite du récit.

— Elle ne cessait de parler d’échecs. Lorsque je lui ai proposé mon aide, elle m’a demandé si j’étais prêts à sacrifier tout ce que j’avais entrepris. Sur le moment je n’ai pas su quoi répondre puis la réponse m’est apparue, évidente. Je lui devais notre nouvelle vie, je ne pouvais rester indifférent.

Vyrian ne put empêcher un rictus d’étirer ses lèvres. Les scientifiques avaient acheté la sympathie de Rayec.

— Après un long silence, elle me dit de renoncer au combat. Je me voyais mal en tant que chef ne pas participer aux affrontements. Les Régisseurs menaçaient de soumettre les quatre clans. Pourtant c’est ce que je fis. Comme demandé, j’ai rassemblé huit de mes plus fidèles alliés et ensemble nous sommes allés dans le Monde Historique et avons sauvés six nouveaux nés et les avons élevés comme nos enfants.

Je savais ce que représentait le fait de quitter les miens dans cette guerre à venir malgré tout j’ai accepté les conditions de Mère.

Une fois les nouveau-nés sauvés nous sommes rentrés chez nous et nous fumes bannis. Nous avions déserté, on nous considéra comme des traitres. Beaucoup ont décidé de commencer une nouvelle vie dans un autre monde.

Vyrian pensa immédiatement à Fara et Dallan.

— Depuis je vis reclus loin des miens. D’autres ont intégrés les quatre autres clans du Monde Numérique.

Le scientifique les récita dans sa tête : Régisseurs, Innovateurs, Calligraphes, Materia.

— Peu de temps après, plusieurs des nôtres ont mystérieusement disparu, on suspecte les Régisseurs. Le piratage de Mère semble indiquer cela aussi. Seul mon peuple connait son existence.

Rayec laissa un instant de réflexion à Vyrian avant de l’enjoindre à le suivre.

— Suis-moi.

Le chercheur ne se fit pas prier. Ensemble, ils empruntèrent une série de couloirs identiques en tout point. Vyrian ne supportait pas leur uniformité, elle lui rappelait sa vie passée en état de Télépathie, aseptisée, fade, sans intérêt.

Ils débouchèrent finalement sur une grande salle. Deux personnes les y attendaient. Vyrian sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Bien qu’il n’ait jamais vu ces personnes, il ne pouvait se tromper sur leur origine. La reconnaissance faciale lui donna raison. Pour une raison inconnue, il ne pouvait plus communiquer avec Mère, mais il était toujours en mesure d’utiliser ses technologies.

La boule au ventre, la gorge sèche, il fit face aux premiers nés de Fara et Dallan. L’envie de regagner son poste d’observateur se fit forte. Anonyme à l’abri des regards, il était bien plus facile de faire abstraction de ces yeux accusateurs. Vyrian déglutit péniblement. Il ne se sentait pas prêt à dévoiler ses origines.

Heureusement pour lui l’attention des deux jeunes gens étaient dirigés vers Rayec.

— Nous partons.

— Personne ne se joint à votre expédition ?

— Tous des couards, à l’évocation du nom de Régisseurs, les gens fuient. Peu importe, nous allons sauver les nôtres.

Avant que Vyrian saisisse l’importance de ces paroles, Rayec le désigna comme volontaire.

— Figurez-vous que je viens de vous trouver une recrue.

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