Chapitre 16 : Hack

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Choqué, Vyrian regarda Pitchi survoler la zone où le portail s’était ouvert. La vitesse de la petite créature était telle que le chercheur peinait à la suivre. Il la regarda s’épuiser. Lentement, elle s’immobilisa, le souffle court, la moue attristée.

Le biologiste ne pouvait fixer ces yeux embués bien longtemps. Il se détourna et prit des nouvelles de Mère. L’intelligence artificielle peina à lui répondre. Cette latence inquiéta le chercheur.

— Que s’est-il passé ?

— Quelqu’un semble avoir forcé l’ouverture d’un portail entre les mondes.

— Qui ? Yvias ?

— Ça me parait peu plausible.

— Qui donc ?

— Je l’ignore.

— Qui serait en moyen de faire une telle chose ?

— Je l’….

— C’est bon, j’ai saisi ! Maintenant, comment allons-nous aider Pitchi ? On ne peut pas la laisser mourir !

A peine avait-il prononcé ses paroles que Vyrian vit apparaitre une nouvelle notification. Il l’ouvrit. Un sociogramme apparut. Le chercheur reconnut Pitchi et Keen’an. Tous deux étaient reliés par une fine droite grisâtre, elle semblait s’effriter telle leur union. Tandis que le trait plein, épais de couleur bleu reliant le mage à un jeune homme que Vyrian ne connaissait pas, contrastait avec la précédente interaction.

Avant même que Vyrian n’est pu s’interroger sur l’identité de cette personne, la Textys se dirigea vers la forêt en direction de la Confrérie. Surpris par cette brusque décision. Vyrian fit appel à Mère.

— Mais qu’est-ce qu’elle fait ? Où va-t-elle ?

— Le retrouver.

— Mais qui ça ?

— Declan, le fils de Dungal, le mentor de Yomi.

— Comme le monde est petit.

Le scientifique mit fin à la conversation et reporta son attention sur le sociogramme. Comme lui avait révélé Mère, il aperçut l’identité des personnes prises dans les interactions. Il comprit rapidement que la largeur de la ligne reliant deux individus représentait l’entente entre les deux personnes, quant à leur statut, il était symbolisé par de petits logos.

A L’aide de cette légende, Vyrian compris que Keen’an et Declan étaient amis, un pictogramme représentait deux personnes se serrant la main. A Declan était relié Dungal, leur lien était symbolisé par la schématisation de la silhouette de parents et de leurs enfants. Le biologiste arrêta son regard sur un symbole qu’il venait de voir, celui symbolisait l’union entre Keen’an et Pitchi. Il représentait une silhouette humaine et une autre animale. Pour un humain et une créature mythique.

Dans un soupir, Vyrian ferma le sociogramme. Il ne parvenait à suivre Pitchi dans sa course folle et s’imprégner des informations que lui offrait le sociogramme.

A présent toute son attention focalisée sur elle, le scientifique vit la petite créature franchir les derniers mètres qui la séparaient de l’angoissante forêt. Sans hésitation, elle s’y enfonça, slaloma entre les troncs rapprochés des arbres. Des craquements la firent sursauter, elle émit un petit cri strident. Vyrian ne put empêcher sa projection mentale de sursauter à son tour.

Le cœur tambourinant contre sa poitrine, il l’observa. A l’arrêt, Pitchi surveillait les environs. Des branches s’abattirent non loin d’elle. Effrayée, elle reprit sa course. Un fantôme se matérialisa devant elle. La petite créature voulut freiner mais entrainée dans sa course, elle le traversa. Inquiète, Vyrian la vit regarder en arrière, le fantôme se tenait là intact, seule son expression avait changé. Le scientifique supplia Pitchi de reprendre sa course, mais elle demeurait figée, immobilisée par la peur.

Mère crut bon de lire la notification qui clignotait.

« Les Lumobscures sont des créatures qui ne supportent pas les rayons du soleil. Elles n’apparaissent qu’à la tombée de la nuit, protégées sous un épais branchage.

Lorsqu’elles se retrouvent confrontées aux rayonnements du soleil elles deviennent invisibles, les UV détruisent leurs pigments. Intangibles de nature, elles se retrouvent sans moyen d’interagir avec l’environnement.

Dès la nuit tombée, elles apparaissent telles des spectres. Elles ne sont en rien agressives, seulement, leur intangibilité diminuant fortement leurs échanges. Il s’agit de leur talon d’Achille, ainsi que du moyen le plus sûr pour les provoquer. »

— Elles ne blesseront pas Pitchi. Elles en sont incapables. Par contre, elles savent manipuler à merveille l’esprit et peuvent se montrer terrifiantes. Elles excellent dans l’art de donner vie à la forêt, le craquement des branches se transforme alors vite dans un esprit apeuré en long cri strident, transformant la forêt en un lieu d’épouvante. Elles vont se jouer d’elle, lui faire payer l’affront qu’elle leur a fait.

Vyrian maugréa. Pitchi n’avait pas besoin que l’on se joue d’elle. Il regarda la petite créature reprendre ses esprits, le Lumobscure à quelques centimètres d’elle. Elle sortit de sa torpeur, hurla. Les traits du Lumobscure s’étirèrent dans un sourire malsain. Pitchi fit de même, son adversaire cessa de sourire aussitôt la petite créature s’enflamma désintégrant le fantôme.

Satisfaite, la Textys reprit sa route, les Lumobscures s’écartèrent sur son passage. Vyrian vit Pitchi leur tirer la langue, il sourit. La petite créature n’était pas au bout de ses ressources.

L’orée de forêt se rapprochait. Pitchi parcouru le reste de la distance sans encombre. Elle déboucha sur une grande place. Les personnes présentes s’indignèrent de son arrivée. Elle fut chassée. Elle monta en altitude. De là, Vyrian put voir sur le sol dallé en contrebas ce qui lui semblait être des étudiants défiler. Pitchi prit cette direction.

Vyrian comprit qu’il s’agissait de jeunes mages. Constatant que le scientifique n’était toujours pas apte suivre les événements et prendre connaissance des notifications, Mère lui expliqua la situation.

- Ce monde est régi par plusieurs cérémonies, il y a celle du passage à l’âge adulte, mais aussi celle du savoir. C’est durant cette cérémonie que les membres de la Confrérie voient leur vie scellée. C’est un point de non-retour. S’ils sont déclarés aptes à être jeune Sage Vagabond, ils continuent leurs études. Dans le cas contraire, ils se retrouvent dans l’incapacité d’exercer l’art apprit durant de nombreuses années, considérés insuffisamment digne pour maitriser ses arcanes. Pour s’assurer le respect de cette règle leurs pouvoirs sont rendu inaccessibles, une rune leur interdit peu à peu l’accès à leur pouvoir. Une interdiction brutale a de graves conséquences notamment psychologiques. La magie fait partie de leur mode de vie, le sevrage se doit d’être progressif.

Vyrian observa le déroulement de la cérémonie. Un nom se démarqua des autres.

— Declan, fils de Dungal et d’Oriana, êtes-vous prêts à consacrer votre vie à la recherche de la vérité ?

— Oui, je le suis.

— Bien dans ce cas, relevez-vous et renaissez en tant que Sage Vagabond. À partir de ce jour, vous parcourrez les terres Mythiques à la recherche de leurs moindres secrets. Pour cela vous serez accompagnez dans votre quête par ce jeune Wileefy qui tout comme vous dois faire ses preuves. Bien qu’encore inexpérimenté, ce jeune compagnon vous sera d’une aide précieuse, prenez-en soin.

Vyrian ne prêta pas beaucoup plus attention à la cérémonie. Il voulait connaitre la créature. Il lut d’une traite la description.

« Wileefy : créatures assez rares pouvant être aisément confondu avec des insectes. Le plus souvent d’apparences proches de celle des papillons, coccinelles et libellules à la seule différence qu'en lieu et place du corps de l'insecte se trouve un petit individu à la peau dorée.

Sans y regarder de près ces caractéristiques physiques offrent un excellent camouflage, rendant célèbre ces créatures pour leur discrétion, elles servaient souvent de messagères.

Au fil des siècles, ces créatures ayant une espérance de vie plus longue que celle des humains, les Wileefy ont acquis un savoir conséquent, malheureusement ces créatures ont tendance à être imbu d'elle-même. Néanmoins, malgré leur sale caractère, elles étaient réputées pour être d’une efficacité redoutable. »

Vyrian soupira à l’idée de ce que pouvait être les interactions entre deux fortes têtes. Le chercheur vit Declan recevoir comme les autre jeunes Sages Vagabonds un parchemin. D’un geste vif, Declan déroula le document et prit connaissance des détails de sa première mission. Le court instant ne permit pas à Vyrian de prendre connaissances des informations.

Frustré, il vit le mage saluer ses instructeurs et quitter la cérémonie, entouré de ces collègues. Les jeunes gens, le crâne récemment tondu s’isolèrent afin de célébrer leur réussite dans un cadre moins formel. Les spectateurs les félicitaient sur leur passage. En plus de leur crâne rasé, Declan et les jeunes Sages Vagabonds étaient facilement reconnaissables à leur toge.

Vyrian vit Pitchi se diriger vers Declan, le jeune homme l’accueillit chaleureusement. Son compagnon semblait moins ravi mais s’abstient de tout commentaire.

Alors que le jeune mage tentait d’engager la conversation avec elle, Pitchi ne parvenait à cesser de pépier des informations incompréhensibles. Après un certain temps, Declan s’interrogea.

— Pitchi où est Keen’an ? Que fais-tu seule ?

Exaspérée Pitchi plaqua sa main contre son visage, secouant la tête de désespoir. Elle se reprit rapidement et montra du doigt la forêt.

— Keen’an est dans le bois ?

Lassée, Pitchi saisi Declan par la manche et tira. Wikee intervient.

— Ce ne sont pas des manières !

— Pitchiiii, pitchitchi

— Ton manque de vocabulaire n’est en rien une raison pour agresser mon partenaire. Vois-tu nous sommes promis à un grand avenir.

Vyrian pouvait voir la colère couver dans la jeune Textys, l’envie de faire flamber ce jeune arrogant devait être grande. Pourtant, elle n’en fit rien. Declan intervint avant.

— Wikee ! C’est une Textys, elle ne peut s’exprimer autrement !

— Je sais bien ! J’ai toujours trouvé ces créatures grotesques. Elles sont dépendantes. Sans association elles ne peuvent communiquer et dépérissent. Ça craint !

Cette fois, Pitchi ne put retenir ses pulsions, elle se jeta sur Wikee. Declan eut juste le temps de s’interposer. Il s’excusa auprès de ses collègues et s’éloigna. Pitchi se calma peu à peu comme Declan s’approchait de la forêt. Se fiant au comportement de la Textys, il poursuivit dans cette direction.

Il traversa la forêt sans rencontrer de Lumobscures et arriva dans la grande plaine, de là, Pitchi le guida. Vyrian reconnut sans difficulté l’endroit où le portail avait fait son apparition. Le sol était calciné, une dysharmonie s’était installée avec le reste du paysage. Le lieu avait été profané.

Alors que Declan s’accroupissait, égrainant la terre entre ses doigts, une voix emplit l’air.

— Declan, Sage Vagabond récemment titularisé, je me nomme Faric. Mes Visionnaires vous ayant trouvé non loin du village d’Alteryx, j’en profite pour vous faire part d’une importante information. Vous avez été sélectionné pour faire partie de la délégation avec laquelle je vais m’entretenir demain. Ce sera l’occasion d’échanger au sujet de notre ami commun : Keen’an. Il vous est demandé de vous présenter à l’aube à l’entrée de la Confrérie.

La transmission prit fin. Des questions défilèrent dans l’esprit du chercheur. Comment Faric était-il au courant du lien entre les deux hommes ? Les mages l’auraient-il informés ? Pourquoi ? Avait-il vu Pitchi ?

Declan tout comme Vyrian s’interrogeait au sujet de la créature.

— Pitchi que s’est-il passé ?

La petite créature mima l’ouverture d’un portail. Septique, Declan tendit ses bras, de ses paumes de main naissaient de petits halos blanchâtres. Peu à peu, ils firent apparaitre ce qui avait disparu : le portail.

Wikee siffla d’admiration. Seulement le portail avait beau être présent, il demeurait fermé. Declan resta face au portail des heures durant. Les premiers rayons de l’aube pointaient à l’horizon et le portail demeurait toujours fermé. Le jeune mage ne se laissa pas abattre, sans cesse motivé par Pitchi qui s’affaiblissait au fil des heures.

Après une énième tentative infructueuse. Declan s’adressa à elle.

— Es-tu capable de localiser Keen’an ?

La petite créature parut hésiter puis hocha vivement la tête.

— Bien ! Si je ne peux emprunter ce portail pour le rejoindre, je vais en créer un autre !

Devant cette affirmation Wikee manqua s’étouffer.

— Quoi ?!

Tandis que le jeune Wileefy s’indignait un fol espoir gagnait Pitchi et Vyrian. Le chercheur n’eut pas le temps d’en profiter. Une alerte retentit. Il mit un certain temps à comprendre qu’il s’agissait de Mère. L’intelligence artificielle diffusait une longue plainte robotique. Vyrian fut coupé du Monde Mythique. Que se passait-il ?

Il tenta de questionner Mère, à peine parvint-il à lui communiquer ses pensées.

— Que… se… passe-t-il ?

— Mes données… on me les vole.

— Em…pêche… ça !

— Je … peux… pas.

— Qui te pirate ?

— … connue.

L’échange prit fin. La communication fut rompue. Le monde autour de Vyrian redevint noir. Des fourmillements lui parcoururent le corps. Il tenta de déplacer ses membres sans bouger les aiguilles des perfusions. Il y parvint. Il en fut soulagé. Ce fut de courte durée. Une douleur irradia son corps. Il se convulsa, il lui sembla que son matelas se consumait. Ses mains cherchèrent les bords par peur de basculer. Il ne rencontra rien, rien d’autres que des cendres incandescentes et un ciel sans lune.

Il n’était plus dans le labo, rien d’autre n’importait, sûr de cette conclusion, il s’évanouit sous les assauts de la douleur.

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