X.1. Révélations et insultes sur rocher solitaire.

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Une semaine plus tard

Rêve...

Lâchez-moi, vous ne comprenez donc pas. Vous insultez comme si c'était vital pour vous. Vous me regardez d'un air suspicieux, vous me détestez... Le mensonge est enraciné en moi depuis tellement longtemps que je ne sais pas, je ne sais plus, je ne comprends plus. Vous me détruisez un peu plus chaque jour.

- Putain, mais va-t-en, tu ne mérites pas de vivre ! Intello de service !

- Tu nous as pas donné les réponses hier, pourquoi ?

- Elle a toujours pas compris qu'ici, c'est pas le pays des intellos et des débiles comme elle ! T'as pas le droit de nous imposer cette vision que tu nous donnes ! Tu entaches la popularité de notre Académie !

Je n'ai pas compris. Je ne comprends jamais.

Je me réveille. Je n'ouvre pas les yeux tout de suite. Je repense à ce rêve sans logique mais tellement angoissant... J'ai très peur. Je ne veux plus faire face. Je veux m'en aller, voyager, et j'y repense sans cesse. J'ouvre les yeux, et mes yeux croisent la lueur à peine présente du matin. Il est trop tôt pour se lever.

Émergeant doucement du sommeil, je me m'assieds dans mon lit, les couvertures autour de moi. Ici je n'ai pas froid, mais je ne suis pas plus protégée qu'à l'Académie. Même dans mes nuits, ma tête s'emplit de toutes leurs insultes, et ces cauchemars m'empêchent de dormir paisiblement. Je crois que ça n'arrange pas mon état.

Je me décide à me lever, véritablement. Je marche sur la pointe des pieds dans le couloir, et ramène mes cheveux au-dessus de ma tête. Ils sont tellement longs qu'il m'arrive parfois de trébucher dessus. Je ne tiens pas à faire de bruit, ni même à me faire du mal.

J'arrive dans la salle de bain, et trouve l'interrupteur malgré la pénombre. Je regarde le reflet que me renvoie le miroir, et le détaille. Je vois devant moi une jeune fille fatiguée, les yeux bleus rougis. Même mes oreilles sont abattues sur les côtés, me donnant l'air triste. Mes oreilles réagissent n fonction de mes sentiments, je l'ai remarqué depuis longtemps. C'est étrange, je suis la seule à qui ça fait ça.

De chaque côté de mon cou apparaissent deux trois traits blancs, que j'ai depuis la naissance, d'après ma mère. Ce sont des tâches étranges, qu'on ne voit qu'à la lumière. Moi, je les aime bien.

Je m'habille rapidement, d'une tunique blanche. Aujourd'hui est un grand jour, un très grand jour même, pour tous les jeunes de mon âge.

Aujourd'hui va se tenir la remise des cartes d'Enchanteurs et Enchanteresses. Et je vais enfin savoir à quel Clan j'appartiens. Enfin ! Depuis le temps que j'attendais ce moment.

Mais avant de partir, il faut que je fasse quelque chose. Je retourne dans le couloir, et frappe à la porte de chambre de Maman. Il est temps de faire quelque chose...

Aucune réponse ne me parvient. Mais je sais qu'elle ne dort pas. Elle ne dort plus, je le sais parfaitement. Elle ne veut pas me répondre, pour ne pas affronter la réalité. Mais le temps est venu de l'affronter, cette réalité, cette vérité, et ce n'est pas en se laissant mourir qu'elle obtiendra quelque chose.

Et comme elle reste obstinée dans son silence, j'ouvre la porte et entre.

Ce que je découvre me laisse béate.

La chambre est vide. Maman n'est pas là. Son lit est fait, ses affaires sont rangées. Comme s'il ne s'était rien passé. Affolée, je sort en trombe, descends les escaliers à toute allure, en criant son nom dans la maison, pour arriver dans la cuisine, et sentir une bonne odeur de lait de chave .

- Maman ?

- Je n'allais tout de même pas rater la cérémonie de remise des cartes... me dit-elle avec lassitude.

Les premiers mots qu'elle m'adresse depuis une Lune, presque une et demie. J'avance en hésitant vers la table, et finit par me laisser tomber sur une chaise, un peu trop surprise par tout ça. Ma mère est descendue, ma mère a fait le petit-déjeuner, ma mère m'a parlé. Elle est descendue... Pour moi.

- Qu'est ce qui t'a pris ? Je la questionne soudain. Pourquoi tu m'as laissée toute seule ? Pourquoi tu m'as laissée affronter ce vide seule, sans personne ? Tu m'as littéralement abandonnée !

Maman ne dit rien. Elle baisse la tête, et je remarque combien elle a maigri. Elle n'a rien mangé depuis des semaines. Les premiers jours, je lui avais déposé une assiette matin, midi et soir, mais je retrouvais les plats froids, sans que rien ne soit touché. J'ai fini par abandonner, moi aussi. Et je ne peux m'empêcher d'être en colère contre elle, mais contre moi, également.

- Tu t'es laissée mourir dans ton coin, sans penser à ta fille qui avait peut-être besoin elle aussi de réconfort ! Tu as tout laissé tomber, tu m'as laissée souffrir à l'Académie, parce que oui, l'Académie est un enfer pour moi ! Tu as été ce qu'il ne fallait pas que tu sois, Maman.

Mais elle ne répond toujours pas. Elle s'assied, en face de moi. Le soleil traverse les vitres, et les rayons viennent choir sur le bois de la table, et dans les boucles rousses de ma mère, l'emplissant de feu.

- On aurait pu surmonter cette épreuve ensemble, Maman.

- Tu... as raison. Je n'aurais pas dû... me laisser aller comme ça. Je suis vraiment désolée, Sah'. Je vais me reprendre en main, et tu verras, tout redeviendra comme... Presque comme avant.

- À vrai dire, je ne crois pas, Maman. Je ne suis pas du Clan de la Lumière... Tu sais que je n'ai aucun pouvoir. Je veux partir d'ici. Je ne peux pas continuer mes études à Liniorath. Les gens me font trop de mal, ici. Et j'ai rencontré une amie qui voudrait partir, elle aussi.

- Écoute, ma fille... Je suis sûre que tu as des pouvoirs. Tout le monde en a. Un jour, il apparaîtront !

- Maman... Il se passe des choses étranges, quand je suis en colère. Ma peau devient bleue, et d'un seul coup, une tempête se déchaîne autour de moi, détruisant pas mal de choses. Comme si un vent très puissant venait de mettre tout sans dessus-dessous. Et pourtant, je ne sais même pas faire léviter un crayon...

- Pourquoi tu ne me l'as pas dit avant ?

- Ça me fait peur, je lui murmure. La semaine dernière, toutes les vitres d'une salle de classe ont explosé, parce que je me suis mise en colère contre mes camarades qui n'arrêtaient pas de m'embêter et de m'insulter.

- Sahenann... On va aller à cette cérémonie... Et on verra bien. Peut-être que toutes les réponses à tes questions se trouvent sur cette carte.

Nous finissons de manger en silence, et lorsque c'est l'heure, nous sortons de la maison, pour nous rendre à l'Académie.

Nous passons entre les maisons, puis par la petite place de notre village, où sont alignées en cercle d'autres maisons autour d'une magnifique fontaine en cristal bleu. Derrière, d'immenses arbres se dressent, majestueux. Quelques Elfes sont assis dans la terre, au milieu de la nature luxuriante.

- Sahenann ? Retentit une voix derrière moi.

- Merenda ! Je m'exclame, en me retournant.

Merenda contemple un instant ma mère, avant que je lui lance :

- Je... te présente ma mère. Maman, voici Merenda, et c'est mon amie.

- Enchantée, s'exclame Merenda, décidément de bonne humeur aujourd'hui.

Merenda est magnifique dans sa robe verte. Mais personne ne l'accompagne. Je m'en doutais un peu, et encore hier, j'étais prête à parier que je serais seule aussi. Comme quoi, le destin nous réserve bien des surprises...

- Tu es bien de bonne humeur, aujourd'hui, Merenda, je lui lance en souriant.

- Bien sûr ! s'exclame-t-elle. Aujourd'hui est mon dernier jour à Liniorath. Tu sais, me dit-elle plus bas, même s'il s'avère que j'appartiens au Clan de la Lumière, je m'enfuirai.

Ma mère me jette un regard interrogatif. Mais je balaie ses interrogations d'un geste de la main. Elle verra bien assez tôt ce que je projette de faire.

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