VIII.2. Une petite goutte d'eau face à un soleil ardent.

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Le lendemain.

Merenda et moi nous rendons sur la place Lumineuse. C'est un grand jour, pour tout le monde, aujourd'hui. Tout le monde le savait depuis des semaines, sauf Merenda et moi, elle à cause de ses parents qui ne lui disent plus rien, et moi à cause de la mort de mon père.

- Le Maître n'avait pas dit qu'il fallait une fleur d'automne pour la cérémonie ? Demande d'un coup Merenda, brisant le silence qui s'était installé entre nous.

- Si, il l'a demandé, et même si j'ai de bonnes raisons de croire que je n'appartiens pas au Clan de la Lumière, j'ai plutôt intérêt à ramener une fleur...

- Ne t'inquiète pas. Dans une semaine, on recevra nos cartes d'Enchanteresses, et tu seras fixée. Les élèves arrêteront peut-être de te faire du mal...

- Non, tu verras, je suis sûre que je n'appartiens à aucun Clan. Il n'y aura rien d'écrit sur cette fichue carte, ou alors, elle n'apparaîtra même pas.

- Et moi je suis certaine du contraire, me contredit Merenda. N'y pense plus pour le moment.

- Si tu veux, je lui réponds. Tiens, regarde, des fleurs d'automne...

Nous nous arrêtons pour en cueillir une chacune. De jolies fleurs aux pétales oranges, avec un cœur jaune et une tige magenta.

Ces fleurs sont magiques. Du cœur s'élève une faible lueur orangée, qui diffuse comme un parfum de sérénité. Je ressens son pouvoir, mais je serai incapable de m'y connecter, comme l'exige la cérémonie. Et pourtant, cette fleur est très belle.

- Elle ne meurt pas, s'étonne Merenda, fascinée elle aussi par la plante. Je veux dire, nous l'avons arrachée à la terre, et elle brille toujours autant...

- J'ai lu quelque part que ces fleurs ne se nourrissent pratiquement que de lumière. Elles n'ont pas besoin de terre pour vivre. Tout ce qu'elles désirent, c'est un peu d'oxygène, et les rayons du soleil. Quand elles sont en terre, elles se nourrissent des feuilles d'arbres tombées, et elles meurent pendant l'hiver, pour renaître à la fin du printemps. Le problème, c'est que, comme tu l'as remarqué, les feuilles ne tombent pas, l'automne ne démarre pas, et ces fleurs sont rares.

- Je vois... Tu t'y connais, en plantes !

- Il y a que j'aime beaucoup me balader en forêt pendant le week-end. Et je prends mon livre sur les plantes, pour les étudier, à défaut de m'entraîner à faire de la magie.

Elle ne me répond pas. Elle se contente de hocher la tête, pensive. Ma fleur à la main, j'observe le ciel. C'est l'aube, et les rayons pointent à peine le bout de leur nez. Traverser la forêt à cette heure de la journée est divin, c'est pourquoi il m'arrive de m'y promener tôt le matin, les jours de congé ou pendant les vacances. Seule. J'écoute le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles, agitées au gré du vent, et le clapotis du cours d'eau qui coule non loin de là. L'herbe est sombre, et les arbres sont gigantesques.

Ailleurs, comme à Mezeï par exemple, il existe des bois encore plus grands, avec des feuilles de couleurs différentes, violettes, roses, jaunes... Mais je préfère cette forêt, ma forêt, dans laquelle personne ne va, parce qu'elle est éloignée de la ville. Mon petit village, qui est également celui de Merenda, est à l'orée du bois, et nous devons le traverser pour atteindre la plaine, d'où nous apercevons les immeubles blancs de Liniorath.

Pour une fois, je ferai une prière à Estherell. Pour mon père. Lui appartenait au Clan de la Lumière, et priait avec ferveur sa déesse. Je veux lui rendre hommage. Il savait que les autres m'embêtaient à l'Académie, et à l'époque, même s'il ne savait pas vraiment ce qu'ils me faisaient, il tentait de me rassurer. Il me disait de prier Estherell, pour qu'elle m'apporte le soulagement. Mais ça n'a jamais fonctionné. J'ai donc cessé de m'échiner pour rien.

Maintenant, je suis seule, avec ma mère trop éplorée pour que je lui demande de m'aider. Elle se laisse mourir de chagrin, sans m'adresser la parole, sans manger, sans lever un œil sur les rayons du soleil, qui lui sont sûrement vitaux.

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