VIII.1. Une petite goutte d'eau face à un soleil ardent.

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- Je t'en prie, réponds-moi.

- Laisse-moi tranquille, Merenda ! Je ne veux parler à personne !

C'est venu du cœur. Merenda s'éloigne, et moi j'éclate à nouveau en sanglots. J'en ai assez. J'en ai assez d'entendre les autres démonter mon entièreté devant moi sans que je sois capable de répondre quelque chose.

J'en ai assez de ne pas savoir faire léviter un pauvre crayon.

J'en ai assez de les voir tous se moquer, me traiter de tous les noms possibles et inimaginables, juste pour le simple plaisir de s'acharner sur quelqu'un. Ils aiment la souffrance, ils aiment la douleur, ils aiment tout ça ? Eh bien moi pas !

J'ai hurlé ces derniers mots.

J'ai peur de ces mains bleues destructrices. Je crains ma colère qui déclenche des cataclysmes. Je me crains moi-même.

Tout ça me dépasse. Je suis perdue. Mon labyrinthe a le pouvoir de changer la position des murs. C'est trop pour moi. J'ai envie que tout s'arrête. J'ai besoin de paix, de calme, de sérénité, de méditation. Ça ne devrait pas être compliqué...

Il faut positiver. Je le sais. Après tout, ce ne sont que des idiots...

Je n'aime pas être à l'Académie, je n'aime pas être chez moi, où tout me rappelle l'absence de mon père, même si ça s'améliore. Je n'aime être nulle part, sinon dans mes livres ou dans mes univers qui n'existent pas.

Mais va-t-on m'expliquer ? Pourquoi cette fichue énergie ne sort de mes mains que lorsque je suis en colère ? Pourquoi je ne sers qu'à détruire ce qui se trouve autour de moi ?

J'estime avoir eu une matinée bien remplie aujourd'hui. Je me faufile donc dans le hall, profitant de l'inattention des surveillants, et je me retrouve dans la rue.

Une rue sous l'ombre des arbres encore touffus. Une rue droite, rectiligne, peu accueillante, alors que la mer vole le sable des plages pas loin d'ici.

Alors je cours, je cours, cours encore, sous le soleil de l'automne ressemblant plus un printemps qu'autre chose. J'oublie tout, et ne pense plus qu'à une chose, mon sanctuaire.

C'est une petite grotte nichée dans la falaise, remplie de vase et de toiles d'araignées. Les vagues turquoises inondées de soleil viennent mourir à l'intérieur, et généralement, c'est le seul endroit où je me sens réellement bien.

Mais je sais aussi une chose : aller là-bas est dangereux. Aux moindres vagues commençant à s'élever un peu haut, je me retrouverais coincée entre l'eau et la paroi de la grotte, quelques mètres plus loin. Et ce serait bien ma veine. Je ne tiens pas particulièrement à mourir noyée dans mon propre sanctuaire, mais j'aime le danger. Je ne suis décidément pas normale.

Je n'entrepose rien là-bas, je retrouverais tout noyé le lendemain. Mais personne ne m'a jamais trouvée ici, et personne ne me dérangera. Le rideau de lianes - mêlées à de la vase - à l'entrée de la grotte donne un aspect secret à l'endroit. On s'y sent bien. Tout du moins, moi, je m'y sens bien. Cet endroit m'appartient, et pour rien au monde je ne le céderai à d'autres personnes. C'est MON sanctuaire. Gare à celui qui vient me déranger.

Je cours dans l'eau, sous le soleil écrasant. Ce temps printanier, voire estival, commence à m'intriguer. Il devrait pleuvoir des seaux, et au lieu de cela, on a un immense soleil d'été.

Je me mets à écrire, enfin paisible. Mes pieds nus sont dans l'eau, et je me mets à observer, pensive, les jeunes s'amuser dans les vagues. Les familles s'amuser à faire s'illuminer l'eau, pour leur plus grand plaisir. Les gerbes d'eau voler, puis foncer sur les enfants, qui éclatent de rire. Les petites tornades de sable qu'une petite fille s'amuse à faire apparaître.

Un mélange d'envie et de jalousie me traverse. La petite ne sera pas rejetée par ses camarades. Elle aura tout pour elle, des parents bien vivants, des amis à qui se confier, une magie à développer, des passions à partager. Je lui souhaite tout le bonheur du monde.

- Je t'ai vue.

Qui a parlé ? Une ombre apparaît, et Merenda fait son apparition derrière les lianes. Si c'est elle...

- Pourquoi tu m'as suivie ?

- Je voulais voir où tu te rendais. Cet endroit est magnifique. Et je t'annonce qu'il regorge de magie. Ta magie, en fait.

- Qu'est ce que tu racontes ? Je n'ai pas de magie, et je n'en aurai jamais.

- Ne dis pas ça, je suis sûre qu'elle est bien cachée au fond de toi.

- Et moi, je suis certaine de ce que je dis. Y a rien d'autre dans ces fichues veines que de la haine, de la rancœur, de la peur et de la colère. Rien de bon. Je suis pourrie jusqu'à la moelle, j'assène en me repliant sur moi-même.

- Si je t'entends encore tenir un tel discours sur toi, c'est moi qui vais m'occuper de ton cas. Tu n'es certainement pas pourrie jusqu'à la moelle, comme tu le dis.

- Sors de là, personne n'est censé entrer ici. C'est mon endroit, je ne veux personne. Tu ne sais pas ce que c'est, l'envie d'être seule, un temps ? Juste pour le plaisir d'être seule ?

- Je ne sortirai pas.

- Sors ! Je lui hurle, tandis que ma colère afflue à nouveau en moi.

Puis j'observe mes mains, et je les cache, les maudissant encore une fois. La plupart du temps, elles ne produisent rien, et se contentent de changer de couleur... mais chaque fois que ça arrive, je crains le pire.

Ma tête pivote en direction du visage de Merenda. Strié de petites coupures. Elle en a aussi dans le cou, et un morceau de verre a déchiré un bout de sa manche.

- Écoute, je suis désolée... je tente de lui expliquer.

- Tu n'as pas à t'en vouloir. Et pas la peine de me raconter ce qu'ils t'ont fait, j'en ai une vague idée.

- Une vague idée, oui... je rentre chez moi. À demain, Merenda.

Et je me sauve, comme elle l'a fait hier. Beaucoup par peur d'être confrontée à mes démons, un peu par vengeance. Juste un peu.

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