III.2. Un trésor à la surface de l'eau des abysses.

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Merenda mange vite. Et elle ne cesse de jeter des regards partout autour de nous, comme si elle craignait quelque chose. Je pense qu'inconsciemment, je fais la même chose. On dirait qu'une véritable angoisse la ronge, la poussant à se méfier de tout et tout le temps... Mais il y a de quoi. Je ne sais pas si elle s'est faite harceler... En tout cas, cette histoire de guêpes doit être la raison pour laquelle je la vois aujourd'hui pour la première fois.

- Tu penses à quoi ? À l'instant ? Me lance-t-elle soudain, si bien que j'en sursaute.

- À rien...

- On ne pense jamais à rien. Je sais que tu pensais à quelque chose...

- Évidemment. Je... pensais à mon roman. Je ne l'ai pas encore commencé, mais j'ai l'univers à peu près en tête, je compte bien le coucher sur papier très bientôt, dès que tous les éléments du puzzle seront assemblés.

Construire un tel mensonge avec autant d'assurance ? Enfin, Sahenann, ce n'est pas vraiment un mensonge, puisque c'est vrai que je pense souvent à ce futur bouquin, et à ce que je sache, presque personne ne lit dans les pensées des gens, sauf les membres du Clan des Univiaux, qui sont presque des légendes.

- Ah oui ? Et de quoi va parler ton livre ?

Son air intéressé me donne envie de lui donner plus de précisions. Cette fille m'a l'air... Pas comme les autres. C'est étrange de pouvoir parler ici à quelqu'un sans se faire insulter. Ça fait des années que je cherche quelqu'un qui pourrait accepter mes différences et mes problèmes autres que mes parents. Enfin, ma mère. J'apprécie Merenda. Elle pourrait devenir une amie.

- D'un peuple inconnu, forcément, d'un peuple ennemi venant des étoiles, et de trois amies s'en allant sauver le monde... j'ai juste l'univers, la carte et les peuples en tête, sauf le peuple ennemi. Pour l'instant, je n'ai pas vraiment de scénario, alors ce que je te dis là est temporaire et reflète sûrement le plus ce que je pense en ce moment de mon roman.

- Je vois. Tu écris des romans... Je ne pense pas avoir assez d'imagination pour tenir un livre de plusieurs centaines de pages, s'esclaffe-t-elle.

- Ah, mais tu sais, je n'ai même pas écrit la première page ! Je lui réponds en souriant. Et on a tous de l'imagination, il suffit seulement de savoir l'exacerber...

- Je sais. Mais... En ce moment, c'est un peu compliqué. Mais bref. Ne trouves-tu pas ce gâteau de riz délicieux ?

- Eh bien... Oui, il est bon.

- Sahenann, euh c'est bien ton nom...

Je hoche la tête en signe d'assentiment.

- Tu n'as jamais pensé à aller te plaindre ? Notamment pour ce qu'il s'est passé toute à l'heure, en natation...

- Je... le paierais très cher. Les quelques fois seulement où je suis allée me plaindre, dénoncer, je me suis récolté par la suite des tas d'insultes. Ils étaient tous insurgés que je sois allée les dénoncer, et leur haine a fini par me faire tellement peur que je préfère me taire. De toute façon, j'ai l'habitude, ça fait bientôt quatre ans que je vis cette situation.

- Tu n'as rien dit non plus les années précédentes...

- Si. Mais tu sais, ce genre de choses ne se règle jamais. Tu ne peux pas forcer les gens à aimer quelqu'un, et à cesser de faire du mal, du jour au lendemain. Certaines choses peuvent arriver brusquement, d'autres ne peuvent s'arrêter comme ça, par magie.

- Je sais. Mais tu sais, tu pourrais aller à Mezeï, et te plaindre à la Reine Hellen, pour ce qu'ils t'ont fait et te font encore. Ce qu'ils te font est inacceptable ! Et ces filles ne se contentent pas de paroles, puisqu'elle te frappent.

- Elles ne sont pas les seules à me frapper. Des garçons me font des croches-pied dans la cour, et on passe son temps à me bousculer. Ma mère est trop occupée en ce moment pour qu'elle prenne le temps de m'emmener à la capitale... Je te dis que j'ai l'habitude, ce n'est pas grave.

Si, c'est grave et je le sais. J'ai du mal à vivre cela, le matin est toujours pénible pour moi. Il m'arrive de faire des cauchemars la nuit, dans lesquels je revis des scènes qui me fichent la peur au ventre. Mais ça, Merenda n'est pas obligée de le savoir. Je m'efforce de leur montrer, à tous, l'image d'une fille inébranlable, incassable, pour qui les insultes ne sont rien. Mais plus je lève ce masque autour de moi, moins je vois les choses comme je les voyais avant, et je me sens comme emprisonnée à l'intérieur d'une cage. Mais malgré tout, je reste qui je suis. Je ne sais plus vraiment comment définir ce que je ressens...

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