III.1. Un trésor à la surface de l'eau des abysses.

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Dans les vestiaires, Oria et Meven m'insultent, accompagnées de Luzenn. Puis d'autres s'y mettent. Merenda est dans un coin, et ne dit rien. Je pense qu'elle ne peut rien faire.

- Regardez le grizzli ! Connasse va.

- T'es qu'une pouffiasse ! Vous avez vu comment elle nage ? Une vraie baleine !

J'ai envie de leur donner des claques. Comme elles l'ont fait toute à l'heure. Je contiens mes sanglots. J'ai mal. Je m'habille maladroitement, les mains tremblantes.

- T'es nuulle ! Un jour, t'apprendra à nager, et à faire de la magie ! Tu n'es pas digne d'être ici !

- Mais c'est pas une Elfe, elle ne nous ressemble pas, avec ses trop grandes oreilles, ses cheveux, sa taille et sa peau bleue !

Je. N'ai. Pas. La. Peau. Bleue. Enfin, si, mais seulement quand vous me mettez en colère.

- Vous n'avez pas honte ? Elle ne vous a rien fait ! s'exclame une voix.

- D'où tu dis quelque chose, toi ? On t'a rien demandé ! Rétorque Oria.

- Ouais, c'est pas parce que tu t'es faite piquer par des Guêpes Tueuses que t'as quelque chose à dire !

Merenda prend ses affaires, et s'en va, sans plus de façons. Elle vient d'arriver et on l'embête aussi ? Et c'est quoi cette histoire de Guêpes Tueuses ? On ne survit pas à plus de trois piqûres. Je lui demanderai ce midi. Si elle veut toujours manger avec moi.

Quelques minutes plus tard, nous sommes dehors, et le prof nous libère pour qu'on aille manger. Ça a déjà sonné, tous les élèves sont dans la cour. Luzenn est déjà là, elle attend ses amies. Moi, je me dépêche de poser mon sac dans mon casier, et d'y mettre un cadenas. Je me retourne pour aller manger, mais Merenda se tient juste à côté de moi. Elle serre les poings, appuyée sur un pilier de quartz.

- Ça ne va pas ? Je lui demande.

- Pas vraiment... Je peux mettre mon sac dans ton casier ? Me demande-t-elle.

- Heu... Oui.

J'ouvre le casier, elle glisse son sac dedans, et je referme. Elle s'adosse à nouveau contre le pilier, et me questionne :

- Dis, tu lis ?

- Je... J'aime beaucoup ça, je lui réponds, surprise par la brutalité avec laquelle elle a dit ça.

- Viens, on va manger...

On se range, et on attend que le surveillant appelle notre classe. Merenda me regarde de ses yeux noirs. Elle a toujours les poings serrés. Ses jointures sont blanches, tout comme son visage. Un visage qui n'a pas vu le soleil depuis longtemps. L'astre brunissant la peau. Elle a l'air fatiguée, énervée, comme si un orage se déroulait dans sa tête sans qu'elle puisse faire quoi que ce soit pour l'arrêter.

- Prends ma main. Ça va me calmer. Je... Je vais la frapper, sinon.

Elle montre d'un geste de la tête le dos de Luzenn, devant nous. Je prends sa main sans hésiter. Il ne manquerait plus qu'elle la frappe. Ce n'est pas la meilleure des choses à faire... Je dois apaiser l'orage. Je dois empêcher la foudre de tomber. Oui, je lui prends sa main, en espérant que ça aide à apaiser la colère des dieux.

Finalement, on entre dans la cantine, et on attrape chacune une assiette pour se servir des différents mets qui sont à notre disposition. Des baies de Liniorath, bien sûr, puis les mangues, les norguis, et les frussas de Menaran. On a aussi de la salade en entrée, et un gâteau de riz en dessert.

On se sert, à la suite des autres, dans le brouhaha général du réfectoire. Je n'ose pas lui parler, chaque fois, j'ai peur de faire le premier pas. Et il y a toujours cette méfiance, incessante, qui me traverse chaque fois que quelqu'un vient me parler. Et ce qui se passe à l'instant même est si inhabituel que j'en perds mes moyens. Quelqu'un est gentil avec moi... Je n'en reviens même pas.

Enfin, nous nous asseyons à une table, dans le fond de la cantine, et on commence à manger. Mais l'appétit ne vient pas. Pourtant, j'étais certaine que ça allait bien se passer. Mais je ne me sens pas bien, sûrement à cause de toute à l'heure. J'ai les mains en coupe qui retiennent mon menton, les yeux rivés sur mes frussas. Petits fruits noirs au goût juteux que je suis incapable d'avaler.

- Eh, ça ne va pas ?

- J'ai l'air d'aller ? Je lui réponds, un peu trop brusquement.

- Désolée, me répond-t-elle, l'air navré.

J'attrape ma fourchette et joue avec mes fruits, pour au final en avaler un.

- C'est moi. Je n'aurais pas dû te parler comme ça.

- Ce n'est pas grave, dit-elle comme avec lassitude. Qu'est ce que tu fais, en dehors de l'école ?

- Eh bien, j'aime beaucoup lire... J'écris, aussi. Et parfois, je dessine. Des paysages.

- J'écris et lis aussi... Tu écris quel genre ? Me demande-t-elle.

- J'aime les histoires de dragons. L'intrigue se passe souvent à Kama. Sinon, j'imagine d'autres planètes, d'autres peuples, qui prônent l'acceptation de ses voisins, et bla bla bla... Parfois je me désespère moi-même. Tout est si niais. Mais bref. Sinon, j'écris des poèmes.

- Oh, moi, j'écris beaucoup moins. Quelques poèmes... Mais la plupart du temps, c'est dans mon journal intime que je me défoule. Il m'est arrivé des choses, et j'ai besoin de... Pardon, tout ça ne t'intéressera pas.

- Mais non, ne pense pas ça. Tout le monde a une histoire digne d'être écoutée et entendue. Chacun a des rêves...

- Je t'en parlerai plus tard.

J'évite de lui poser la question à propos de ce que les filles ont dit dans les vestiaires. C'est sûrement quelque chose dont elle n'aime pas parler, et ce n'est certainement pas moi qui vais la pousser à se livrer. Je ne suis qu'un inconnue pour elle, ce serait indiscret de demander. Je la laisserai dire quand elle le voudra.

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