Ce jour-là Tim, Enzo et moi avions décidé d’aller voir la maison prétendument hantée qui se situait à la limite de notre village, à côté des bois. Nous nous étions motivés toute la semaine alors pas question d’abandonner. Pourtant à l’approche de la maison, Tim semblait hésitant :

-Vous êtes sûrs que c’est une bonne idée, il paraît que c’est dangereux.

-Maintenant qu’on est allé jusqu'ici, on ne peut pas faire demi-tour, répondit Enzo.

-T’inquiète, on sera là pour te protéger si jamais il y a une attaque de monstre, rajoutai-je en tirant la langue et en levant les bras.

Tim soupira puis nous entrâmes dans le jardin de la bâtisse en passant par un trou dans le grillage.

La demeure avec ses murs noirs et ses fenêtres condamnées faisait vraiment froid dans le dos. Elle comportait deux étages et un toit en pointe qui me rappelait les maisons hantées des dessins animés.

Lorsque nous pénétrâmes dans la maison, la porte produisit un tel grincement que nous avions bien cru qu’elle allait nous tomber dessus.

Mes amis étaient partis devant, j’entrais avec prudence quand je vis deux points rouges se dessiner dans l’obscurité. Je m’approchais quand ils disparurent.

-Tim, Enzo ? Vous êtes où ? criai-je.

-Là ! Juste là.

Je ne pus les localiser que grâce au son à cause de l’obscurité ambiante. Mais lorsque mes yeux s’y accoutumèrent, je pus distinguer deux silhouettes.

-Vous avez vu ce que j’ai vu ? leur demandai-je.

-De quoi ? répondit Enzo

-Ben, les yeux.

-Je vous avais dit que cet endroit était dangereux, frissonna Tim.

-Arrêtez de faire vos chochottes, soupira Enzo. On a une maison à visiter là.

On continua l’exploration et je ne vis plus ces étranges yeux.

Nous avons commencé par ce qui semblait avoir été une cuisine. Elle était équipée d’une sorte de poêle, de placard et d’une bassine posée sur un meuble. Dans un placard reposaient encore des assiettes et des verres, des restes de saucisses ou je ne sais quelles charcuteries étaient encore accrochés au mur. Leur état de décomposition peu avancée contrastait violemment avec l’équipement sommaire présent dans la pièce.

Nous sommes ensuite passé à la pièce d’en face. Une pièce à vivre, je suppose. Dans la cheminée au fond de la pièce restaient encore des restes de cendres. En face trônait un fauteuil, l’unique meuble de la pièce.

On décidait de se séparer pour visiter l’étage : Tim visitait ce qui avait l'air d’une salle de bain. Enzo et moi, une chambre chacun.

Arrivé dans la pièce, je revis ces deux yeux rouges, je me dirigeais vers la fenêtre afin d’ouvrir les volets. Mais une fois fait, il n’y en avait plus aucune trace.

La chambre était sobrement décorée, des lambeaux de papiers peints blancs pendaient des murs révélant les briques. Une commode surmontée d’un miroir cassé se trouvait face à la fenêtre. Un grand lit recouvert d’une couverture en laine finit de remplir la pièce. Je voulus rejoindre Tim sauf qu’il n’était plus dans sa pièce, j’allais donc voir Enzo, mais rien. Je les ai cherchés dans toute la maison. Alors que j'arrivais dans la cuisine, je vis une nouvelle fois des yeux rouges, cette fois, je me précipitai dessus mais quand j’arrivai à leur hauteur, ils avaient disparu.

Je continuais de chercher mes amis quand la porte se referma. Impossible de l’ouvrir. Je tambourinais à la porte en hurlant:

-Allez, les gars, ouvrez-moi, c’est pas drôle !

Aucune réponse. Même pas quelques rires furtifs. Je n’arrivais pas à croire qu’ils pensaient que j’allais tomber dans le panneau. Mais plus le temps passait, moins j’étais rassuré. J’étais allé ouvrir les volets, et en revenant je vis encore ces yeux. Mais ce qui était étrange, c’est que je ne voyais que des yeux, alors que la lumière du jour éclairait parfaitement la pièce. J’eus un léger sursaut mais en approchant je vis bien que cette paire d’yeux était suspendue au bout d’un fil. Je dois avouer que ce n’était pas mal comme blague, j’ai failli me faire avoir.

Je revins à la porte en criant :

-C’est bon je sais que c’est une blague. Ouvrez-moi !

Toujours rien. Qu’est-ce qu’ils peuvent être têtus quand ils veulent. J’examinais la cuisine afin de trouver comment sortir. La fenêtre ! Je l’escaladais et parvins à me hisser dehors. Malheureusement, la porte d’entrée était fermée, ce qui était étrange vu que personne n’avait de clé. Je retournais dans la cuisine et décidais d’essayer de défoncer la porte.

Je fonçais dedans avec le maximum de vitesse, la porte émit un craquement mais ne bougea pas. J'entrepris donc de trouver quelque chose pour faire pied-de-biche. Au fond d’un tiroir, je trouvais une sorte de spatule, je la glissai entre la porte et le mur et parvins à enlever le loquet.

Derrière la porte, aucune trace de mes amis. Je refouillais la maison mais cette fois, je pus être témoin de l’ampleur de leur blague : les portes claquaient à mon passage mais je pensais toujours à mettre quelque chose entre la porte et le mur, pour ne pas rester bloqué. Je vis une espèce de monstre lors d’un bref passage des rayons de soleil. Il faisait près de deux mètres, avait de grandes dents pointues et son visage était recouvert de fourrure. Un mix entre un vampire et chewbacca) en somme. Dans la salle de bain, de nouveau des yeux rouges.

Alors que je calais ma basket entre la porte de la chambre et le mur, un craquement me fit me retourner. Je sursautai et étouffai un cri en sentant des mains se poser dans mon dos. Je me retournai et vis deux silhouettes dans l’ombre : mes amis.

-Vous m’avez fait peur, soufflai-je.

-Ouais, c’est fait exprès, se moqua Enzo.

-Venez, on se casse, suggéra Tim. Je préfère quand même ne pas rester trop longtemps ici.

En descendant les escaliers, je les félicitais :

-Ils étaient cool, vos monstres, même si les yeux, j’avais vite deviné que c’était faux.

-Haha merci, rigola Enzo. C’est moi qui ai eu l’idée.

-Quand est-ce que vous avez installé tout ça ?

-On était déjà venu pour tout préparer, il y a une semaine environ, explique Tim.

-Et vous avez fait comment pour les portes ? Parce que c’était vraiment flippant.

-Quelles portes ? demandèrent mes amis en cœur.

-Dans la cuisine, quand elle s’est refermée toute seule et celle de l’entrée fermée à clé ?

-ça devait être un… un coup de vent, ou… quelque chose qui l’empêcher de s’ouvrir, balbutia Enzo.

L’inquiétude se lisait dans sa voix. Je me retournais vers lui et pendant quelques instants, la lumière éclaira une créature indescriptible. Elle souriait et descendait avec nous.