40.4

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Hellooo !! Nous sommes dimanche :D Voilà 2 petits épisodes pour clore ce chapitre 40 !

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Alors que je commençais à glisser dans le sommeil, deux petites voix m’en tirèrent aussitôt. J’ouvris les yeux. Près de moi, des chuchotis brisaient le silence feutré de la nuit.

– Il faut lui dire !

– Moi, je dis que non !

– Mais toi, t’as pas raison ! C’est moi qui ait raison ! Faut lui dire, un point c’est tout !

– Elle va être fâchée…

– N’importe quoi ! Picta, elle est jamais fâchée ! C’est pas comme ta mère !

– Hé ! Qu’est-ce qu’elle a, ma mère ?

Je me frottai les paupières, amusée, mais déjà exténuée. À tous les coups, il s'agissait de Mona et Rani, deux petites furies de huit et neuf ans qui passaient leur temps à se chamailler et à se réconcilier. Elles se déplaçaient toujours ensemble, parlaient ensemble, faisaient les mêmes mimiques au même moment, et semblaient souvent ne former qu’une seule entité.

Sauf lorsqu’elles se disputaient.

– Il faut qu’elle soit au courant, c’est un Ours ! C’est dangereux !

– N’importe quoi, il est très gentil !

– Jusqu’au jour où il va te manger toute crue ! Tu te souviens pas des histoires de Grenat ?

– Grenat, c’est qu’une menteuse. Mon papa, il était très gentil, d’abord.

– Oui, mais il est parti, donc bon, il était pas si gentil que ça.

Alarmée, je me redressai dans mon hamac. Les deux fillettes sursautèrent. Elles n’étaient guère que deux ombres, vaguement surlignées par la lueur de la lune.

– Que se passe-t-il ? demandai-je à voix basse.

– Et voilà ! se plaignit Mona. Tu l’as réveillée !

Je l’ai réveillée ? chuchota furieusement Rani. C’est toi qui l’a réveillée !

– Suffit, les filles ! les rabrouai-je sans élever la voix.

Penaudes, elles baissèrent la tête.

– C’est Olma… Elle a… Elle a trouvé un Ours…

Je sentis mes poils se hérisser sur ma nuque. Olma était la sœur de Rani ; ce n’était qu’une enfant.

– Que dites-vous ? Où ? Comment ?

– Ils sont dans la Maison... murmura Mona. Il a donné à manger à Olma !

Mon sang ne fit qu’un tour.

– Guidez-moi. J’arrive.

J’attrapai ma canne et leur fit signe de passer devant. Le plus silencieusement possible, nous zigzaguâmes entre les hamacs des autres. Des respirations et des ronflements discrets couvraient le bruit de nos pas. Les deux fillettes me menèrent le long du balcon, jusqu’à la seule arche que nous n’avions pas condamnée. Elle donnait sur l’intérieur de la Maison. Mona désigna l’obscurité menaçante.

– C’est dedans. Olma est là-bas, avec l’Ours. En fait, on l’a suivie tout à l'heure, c'est là qu'on a tout vu… Mais elle, elle nous a pas vues. Ni lui.

– Ne te fâche pas, Picta, s’il te plaît, bredouilla Rani. Il a l’air très gentil.

Je serrai le pommeau de ma canne de toutes mes forces.

– Il a réussi à traverser les pièges ?

– On sait pas par où il est passé… Mais il est arrivé jusqu’au dernier, tu sais, la trappe.

Sous le choc, je tentai de comprendre comment une telle chose était possible. Et surtout, comment une enfant pouvait se montrer si naïve, après toutes les histoires de Grenat, toutes les leçons que nous leur avions données sur les Ours d'en bas... Il avait suffi d'un peu de gourmandise et d'un étranger qui montrait patte blanche pour faire voler tout cela en éclats.

– Qu'est-ce que tu vas faire, Picta ? me questionnèrent les deux fillettes d’une même voix intriguée.

– Je ne sais pas. Retournez auprès de vos mères. Ne dites rien à personne ; nous en reparlerons demain...

Mais je devinais déjà qu’elles allaient me suivre. Et effectivement, dès que je pénétrai dans l’ombre noire de l’arche, j’entendis leurs petits pas de souris derrière moi.

– Je vous ai dit de retourner dormir ! grondai-je sans me retourner. Les Ours sont très dangereux. Voulez-vous finir dévorées vives, comme la Renarde dans le conte que vous racontent vos mères ?

Cette fois, les pas ne me suivirent pas. Je poursuivis seule mon chemin dans les ténèbres.

Cela pouvait-il être… Soudain, un fol espoir avala tout le reste. Peut-être n'était-ce pas l'un de ces monstres qui avaient décimé mon peuple. Peut-être s'agissait-il d'un de nos Ours... Un domestique venu d'un autre groupe de Dames, qui serait parvenu à passer nos barrages ? Si seulement cela pouvait s'avérer vrai... Mon cœur battait très fort contre mes côtes. Il y avait un infime espoir pour que nos quinze ans de solitude prennent fin cette nuit.

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