22.2

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Hello !

ça va, vous n'en avez pas marre de cette partie 2 ? Parce que moi, OUI xD Je suis en train de péter les plombs sur certaines réécritures de scènes, j'ai hâte de revenir au point de vue d'Auroq xD

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– Oui, dis-je avec nervosité. Aucune loi ne l'interdit, et j'ai besoin de cela pour mon projet. Mais il reste encore beaucoup de détails pratiques à mettre en œuvre. Par exemple... Je ne sais pas quand y aller, ni comment nous organiser...

Elle réfléchit un instant.

– Allez-y la nuit. De cette façon, vous n'empièterez pas sur vos journées de classe et vous resterez discrètes. (Elle m'adressa un clin d'œil.) Il faut garder la surprise jusqu'au dernier jour, n'es-tu pas d'accord ? Il serait dommage que des Dames mal intentionnées décident de te mettre des bâtons dans les roues. J'espère en tout cas que tu pourras trouver de nombreuses camarades pour t'accompagner.

Je la remerciai avec effusion. Elle parut soudain hésiter, baissa les yeux et la voix.

– Pourrais-je... Serait-il possible pour moi de... de participer également ?

J'ouvris la bouche, mais aucun son n'en sortit.

– Je comprendrai si tu refuses, s'empressa-t-elle d'ajouter. Après tout, nous ne nous connaissons guère.

Une pointe de regret fit surface dans sa voix. Je fixai sa main droite, posée sur son ventre.

– J'ai confiance en v... en toi, mais tu es enceinte, et je crains... enfin, cela risque d'être physique...

– Oh, ne t'inquiète pas ! dit-elle, faussement enjouée. Je n'en suis qu'au début, je suis en pleine forme. Cela ne me freine absolument pas. J'aimerais tant venir avec toi et découvrir cet endroit de mes yeux !

Je craignais qu'elle propose sa participation pour une seule – et impossible – raison.

– Agapi.. je ne sais pas comment te le dire, mais... Ton Ours ne se trouvera pas là-bas... tu le sais, n'est-ce pas ?

Sur son ventre, sa main se crispa. Je ne la quittais pas des yeux.

– Ne t'inquiète pas, chuchota-t-elle. Je sais qu'il n'y est pas. Je ne viens pas pour le voir. (Elle baissa la tête, faisant tinter les grelots de sa coiffe.) Je sais déjà où il se trouve, et c'est un endroit bien lointain.

Je faillis m'étrangler avec ma salive.

– Tu... Comment peux-tu savoir cela ?

Aucune Dame ne savait où était déplacé son Ours après leur séparation. Il aurait été trop facile, sinon, d'entretenir l'espoir de le revoir.

Un sourire triste apparut sur son visage.

– Tu es bien naïve, Picta. Il est très simple, avec un peu d'inventivité, de connaître l'entresol de son Ours. Je n'ai pas été la première à le faire et ne serai certainement pas la dernière.

– Comment ? articulai-je.

– À l'aide des monte-charges.

Devant mon incompréhension, elle ajouta :

– Pas ceux qu'utilisent les gouvernantes pour faire monter les réserves de nourriture, ou ceux des tisserandes et des menuisières. Je te parle des monte-charges des domestiques. Ceux qui font monter le charbon, l'huile et le reste aux entresols... La plupart ne s'arrêtent pas dans les étages des Dames ; mais si tu parviens à en trouver un, tu peux les utiliser pour faire passer un message. (Elle joignit les mains, les serra fort.) Bien sûr, c'est souvent voué à l'échec. Seul le hasard guidera ton message dans la Maison, vers le haut ou le bas. De nombreux Ours ne savent pas lire, ou très mal, et encore faut-il qu'ils soient disposés à relayer le mot dans les étages supérieurs, puis à faire redescendre la réponse... s'il y a une réponse un jour.

J'avais du mal à respirer. Cela remettait en question toutes mes peurs les plus terribles, les plus ancrées en moi. Auroq pouvait disparaître, il pouvait se diluer à jamais dans les entrailles de la Maison ; mais il serait là tout de même. Quelque part. À portée de main.

– Mais toi, tu as eu une réponse, soufflai-je avidement. Tu sais donc où se trouve ton Ours ? L'as-tu revu ?

Les yeux de la messagère brillaient d'un éclat humide. Quand les coins de sa bouche se mirent à trembler, je m'inclinai en bredouillant :

– Pardonnez-moi... Je vous supplie d'oublier ce que je viens de... Je ne voulais pas vous blesser. Je sais que c'est un sujet intime, je n'aurais pas dû...

– Ne t'excuse pas, murmura-t-elle d'une voix à peine audible. Il est au quatre-vingt-deuxième étage.

J'écarquillai les yeux. C'était si loin ! Ma famille était une fois montée au vingtième étage, pour assister à une cérémonie de danse donnée tous les dix ans, et cela m'avait déjà paru le bout du monde. Le quatre-vingt-deuxième ! Distinguait-on seulement la terre ferme, de là-haut ?

– Non, je ne l'ai pas revu, poursuivit Dame Agapi. Je ne le reverrai pas.

– Mais... pourquoi ?

– Car cela ne ferait que nous faire souffrir davantage, l'un comme l'autre. (Sa voix retrouva sa douce fermeté.) Nous n'avons pas d'avenir ensemble ; il serait inconscient de ma part de chercher à nous réunir. Je voulais simplement savoir où il se trouve... pour pouvoir le situer dans la Maison.

Elle ferma les paupières, posa la main sur son cœur.

– Ainsi, il n'a pas totalement disparu. Il reste là... quelque part. Hors d'atteinte, mais présent tout de même. (Elle rouvrit les yeux.) Tu comprendras plus tard, Picta. La séparation n'est pas le pire. Le pire, c'est l'ignorance.

Avec un sourire, la jeune messagère me considéra avec une indulgence qui la fit paraître réellement adulte. Qui lui donna l'air de ce qu'elle était vraiment : une future mère.

– Tu comprendras quand ton tour viendra.

Malgré la bonté de sa voix, un frisson glacé courut dans mon dos.


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