Le tir à l’arc – L’ordalie

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Les jumelles et Lem les rejoignirent à l’écurie.

- Nous vous avons apporté de l’eau et des fruits, dirent les jumelles.

- Vous avez vu comme j'ai battu tous ces farineux ? les interpella Troubadour.

- Oui, oui.

Elles se précipitèrent sur Plume.

-Tu as été fantastique ! Tu courais plus vite que les chevaux ! Et puis le coup de la selle. Et puis le bond à la fin de la course. C'était génial ! Tout le monde t'encourageait !

- C’est grâce à Troubadour.

- Quand il a hurlé, on s’est presque fait pipi dessus ! Autour de nous, tous les enfants se sont réfugiés en criant dans les bras de leurs parents !

Troubadour lança un petit hurlement et empoigna son ukulélé pour chanter.

- Promenons-nous dans les bois,
Pendant que le loup n'y est pas.
Si le loup y était
Il nous mangerait,
Mais comme il y est pas,
Il nous mangera pas.
Loup, y es-tu ?

Allez-y, fanfaronnez mais ce n'était que la première épreuve ! Avec le tir à l’arc, ça ne sera pas aussi facile ! cria un soldat.

Plusieurs mercenaires avaient débarqués derrière le groupe de verdoyants. Un grand blond, musclé, devait être le champion en lice de l’archevêché. Pareil à un roitelet, ses courtisans orbitaient autour de lui. Même le sergent Bonnefoi, plus haut en grade, le laissait pérorer à son aise. Tous l’appelaient Achille.

- Alors les monstres, vous croyez déjà avoir gagné ? Pourtant votre loup de basse-cour ne plus là pour utiliser sa langue de moisi. Quant à la lopette qui est arrivée première, elle ne semble pas prête à renouveler son exploit. Ses ongles sont plus longs que ceux de nos meilleures putes.

Cube se leva, finissant dans un dernier claquement de dents sa troisième pomme. Discrètement, le sergent Bonnefoi glissa, par petits pas chassés, vers l'arrière du groupe de militaires, se frottant machinalement la gorge. Le grand gaillard continua.

- Restent l’ours et la fouine ; l’ogre et le tas d’os !

Les soldats ricanaient, heureux de voir un des leurs humilier ces verts de gris . Cube se rapprocha en roulant des épaules. Il roula sa tête de gauche à droite, quelques vertèbres craquèrent. Il s'arrêta face au gaillard et s'attacha les cheveux avec son lien de cuir. Achille, qui excellait dans les exercices martiaux, n'utilisait pas au mieux toutes les capacités offertes par sa boîte crânienne. Bien que grand, musclé, entraîné, il ne faisait pas le poids face à l'ours qu'il avait réveillé.

C'est la fouine qui attaqua la première. D’un bond, elle atterrit entre les deux costauds.

- Espèce de porc, je vais te …

D'une main, insérant sa taille, Cube la souleva lentement pour la reposer à côté de lui.

- Cube, recule toi ! dit Esther.

La jésuite arrivait, suivie par Dominique.

-Soldats ! Retournez immédiatement au stade, dit Dominique se faufilant à travers eux pour saisir l'épaule d'Achille.

- Pour qui tu te prends, novice !

Le militaire envoya son poing vers Dominique mais ne brassa que de l’air. Il avait anticipé la colère du champion et esquiva facilement. Quelques militaires s'interposèrent, retenant Achille.

- Si vous ne partez pas vous serez disqualifiés ! Vous expliquerez à Monseigneur Sepulved pourquoi ses champions sont venus défier leurs adversaires en dehors de la joute !

Achille brûlait d’en découdre avec cet adolescent si sûr de lui, mais la pensée de subir l'ire de l'Archevêque doucha sa colère. Pour faire bonne mesure, il lâcha quelques jurons et se laissa tracter par ses compagnons, hors de l’écurie.

- Tu ne devrais pas entrer dans leur jeu. Ils font exprès de t’énerver. Ils savent que tu es le seul à pouvoir les battre, dit la jésuite.

- Je sais, dit Cube.

- Qu’arrivera-t-il si tu te blesses avant le tir à l’arc ?

Une heure plus tard, se présentèrent, devant les cibles, les sept soldats et les trois verdoyants. La règle était simple : les quatre premiers seraient sélectionnés et le meilleur tireur pourrait choisir son opposant.

Pour le premier des trois tirs, les cibles s'alignaient à dix pas. L’arc n’était pas l’arme favorite de l’adolescente : trop encombrant. Plume préférait la fronde qu'elle rangeait dans sa poche. La seule arme qui ne la gênait pas pour courir ! Avec cet arc, elle ferait de son mieux pour éliminer un soldat.

Elle encocha sa flèche. Ample respiration, descente sur la cible, blocage, tir. Son trait s'enfonça dans la paille. Un tir passable mais elle était sélectionnée et les arbitres reculèrent sa cible de cinq pas supplémentaires.

Un mercenaire et Cyrano avaient été éliminés. Le verdoyant n’avait pas eu besoin de faire semblant pour être dernier, il était un piètre archer. Il n'avait jamais privilégié les exercices militaires dans son entraînement.

Regardant la cible de Cube, elle fut surprise de voir qu'il n’avait guère fait mieux qu'elle. Il paraissait fiévreux. Le teint blême, il transpirait abondamment.

- Ça va ?

- Je ne me sens pas bien.

Le temps de reculer les disques de paille, Cube but à la gourde que lui avait donné Troubadour. Sa gorge était sèche. Il s’essuya le front avec sa manche. Il voyait de plus en plus trouble et son cœur s'emballait. Il décocha sa flèche. Elle semblait loin du centre, peut être dans le troisième cercle concentrique. Il baignait dans un brouillard lumineux. Il n’arrivait pas à voir si Plume avait fait un bon tir. L’arbitre passa devant les cibles. Deux militaires quittèrent le champ de tir.

- Cube ? Que se passe t il ?

- Je dois avoir de la fièvre.

Il trébucha et se rattrapa, utilisant son arc comme une canne. Il se versa le reste de la gourde sur la tête puis s’essuya le visage avec le bas de son tee shirt. Les cibles avaient encore reculé.

- Je dois y arriver... pour Camelia.

Nul besoin de regarder les autres verdoyants pour savoir qu'ils s'inquiétaient pour lui. Lentement, il revint sur le pas de tir. La cible tremblait. Non, c'était lui qui oscillait. Tous les compétiteurs avaient décoché leur flèche. Il percevait, vaguement, Plume qui l'observait.

- Dépêche toi, il ne reste que quelques secondes, dit elle.

Ça tanguait. Il respirait trop vite. Ses oreilles bourdonnaient. Il déglutit. La cible passa devant ses yeux. Il lâcha la corde et s'affala dans l'herbe. Hébété, regardant devant lui, il resta assis. L'arbitre approcha de sa flèche et agita un mouchoir rouge. Éliminé !

Il s'allongea dans l'herbe fraîche.

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