Chapitre cinq - Helen

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Après cette déclaration qui leur fit l'effet de la foudre tombant sur le haggis qu'ils partageaient, les trois gentlemen se levèrent d'un bond, et sortirent en vitesse tandis que Michael McPherson réglait l'addition.

« Savez-vous où loge votre cousin ? s'enquit Edward.

-Oui, répondit Andrew, rouge de honte au souvenir de l'appartement de luxe qu'il lui louait pour des prunes au Brightwell's.

-J'aimerais examiner Cassandra... pardon, Miss Murray, si c'est possible. Pour voir si c'est vraiment de l'Ayahuasca. Avec un peu de chance, il s'agit d'un simple malentendu.

-Malentendu ou non concernant sa folie, riposta Michael McPherson en sortant du pub à leur suite, ayant payé pour leur repas, l'enlèvement, lui, est bien réel. Je vais prévenir Scotland Yard, je vous laisse aller là où il habite, surveillez-le bien. »

Andrew et Edward hochèrent la tête et le premier héla un coche pour se rendre au Brightwell's le plus rapidement possible. Une fois assis à l'intérieur et tandis que le cocher fouettait ses chevaux, Andrew dit à Edward :

« Je vais proposer à Alan d'aller se promener avec Cassandra. Nous nous cacherons dans la chambre qu'elle occupe jusqu'à son retour et quand ils reviendront, vous pourrez l'ausculter sans qu'il ne s'en rende compte. Elle me connaît, elle me fera peut-être confiance.

-Si elle prévient son oncle de notre présence, tout sera raté, répondit Edward. Et j'ai peut-être passé trop de temps parmi des gens qui tuaient des fauves tous les matins avant le petit-déjeuner, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que si son oncle est acculé, il deviendra agressif. »

Quand ils s'arrêtèrent devant le Brightwell's, Edward ne fit pas de commentaires, mais Andrew se sentait mal à l'aise tout de même.

« Suivez-moi, dit-il.

-Bonjour, Monsieur, les saluèrent les portiers. Bonjour Mr McPherson. »

Andrew fut fier de ses portiers. Ils n'avaient jamais croisé Edward McPherson mais ils avaient déduit son identité de sa ressemblance avec son frère. Ou alors ils l'avaient simplement confondu avec son frère. Beaucoup moins classe.

Ils s'arrêtèrent à la porte du salon du club. Andrew désigna à Edward un jeune homme en train de consulter un atlas.

« Voici mon fils Albert. S'il vous plaît, amenez-le moi. Je vais chercher la clef de secours de la suite où Alan dort. »

Albert fut mis au courant par son père que celui-ci désirait qu'il invitât Cassandra à se promener à Hyde Park, qu'il devrait se faire accompagner d'Alan qui leur servirait de chaperon - et qui refuserait sans doute de quitter Cassandra des yeux - et qu'il était prié de faire durer la balade au moins une heure. Il ne posa pas de questions. Il avait compris qu'il s'agissait d'une urgence, il espérait juste que l'urgence n'était pas de le marier.

Alan entrait avec Cassandra (qu'il était allée chercher par les escaliers de service après être sorti par la porte d'entrée) dans le hall à ce moment là, et Andrew s'empressa de présenter Albert à son oncle et sa cousine. Celui-ci exprima comme spontanément le désir qu'il avait de connaître un peu mieux la jeune fille, Alan accepta à condition de les accompagner, et il rentra dans l'appartement avec Cassandra pour aller chercher leurs manteaux. Entre-temps, Andrew s'était éclipsé et il se tenait désormais derrière la porte dérobée menant au salon de l'appartement, porte qu'il avait légèrement ouverte et par l'entrebaîllement de laquelle il regarda Cassandra et Alan sortir de l'appartement puis fermer la porte derrière eux.

Andrew ouvrit en grand la porte de service, bondit sans bruit vers l'issue par laquelle ils avaient disparu et la ferma à clef pour être sûr de ne pas être surpris par le retour anticipé de son cousin.

« Venez, Edward, dit-il. Elle doit avoir pris ses quartiers dans cette ch... »

Il resta muet en voyant la porte vers laquelle il se dirigeait s'ouvrir. S'ouvrir sur Cassandra.

Celle-ci s'arrêta net en le voyant, puis se précipita vers lui en disant :

« Dieu merci, vous êtes là ! J'avais peur qu'Oncle Alan n'ait réussi à vous faire croire que j'étais folle. Mais si vous êtes là, c'est que vous avez du le percer à jour, n'est-ce pas ?

-Pas complètement, répondit Andrew. Racontez-nous tout ça, Cassandra.

-Je ne suis pas Cassandra, répondit celle-ci. Je m'appelle Helen. »

Il y eut un moment de flottement, puis, voyant que ni Andrew ni Edward n'allait dire quelque chose, elle poursuivit :

« Cassandra est ma sœur jumelle. Nous sommes les légataires universelles de notre père, Mr Murray, qui est un associé de Mr McPherson, leurs bureaux sont à Londres.

-Je suis le fils de Mr McPherson, répondit Edward.

-Alors vous devez savoir que je dis la vérité. Toujours est-il que mon père est récemment tombé malade. Rien de trop grave, mais cela pourrait le devenir. Mon oncle nous a alors annoncé qu'il allait emmener l'une de nous deux à Londres pour la saison des débutantes, et l'autre l'an prochain, afin que notre ressemblance ne perturbe pas les gens. Il m'a donné une tasse de thé qui avait un drôle de goût - enfin, pas un goût de thé - et je me suis réveillée dans une malle, dans une auberge. Par un trou de la malle, je l'ai vu et entendu dire à Cassandra que j'étais morte il y a des années et qu'elle avait eu des hallucinations tout ce temps. Il a ajouté qu'elle avait des trous de mémoire, que c'était normal, que c'était pour ça qu'elle ne se souvenait pas que j'étais morte et qu'elle ne se souvenait pas non plus qu'il le lui avait déjà dit. Puis il a dit qu'il avait un remède pour elle, une inhalation. Ça fumait et ça sentait très mauvais. Le lendemain, il a ouvert la malle pendant qu'elle dormait, m'a fait sortir, l'a mise dans la malle et a alterné entre nous pendant tout le trajet. Il m'a tenu le même discours qu'à Cassandra, qu'elle était morte, et tout le reste. Mais comme j'avais entendu cela depuis ma malle, j'étais sûre qu'il mentait. Cela nous a pris un peu plus d'une semaine pour arriver. Quand on nous a présentés, j'étais sûre que vous n'étiez pas dans le coup. Je voulais profiter du dîner pour vous demander de l'aide, mais il m'a dit de me reposer, m'a donné une tisane... je me suis méfiée, je l'ai jetée par la fenêtre et j'ai fait semblant de dormir. Il a emmené Cassandra à votre dîner. »

Voilà qui expliquait tout - ou au moins une partie.

« Mais pourquoi toutes ces machinations ? demanda Andrew.

-Si notre père meurt, Oncle Alan deviendra notre tuteur légal. Et si il nous... enfin, s'il fait déclarer l'une de nous folle et que l'autre n'existe plus qu'à travers le rôle de la première, c'est lui qui gèrera notre fortune. Ce n'est qu'une supposition, mais je ne vois pas autre chose.

-C'est bien de l'Ayahuasca. » dit Edward subitement.

Andrew se retourna et le vit qui tripotait des herbes brûlées dans une petite assiette placée sur la table basse du salon commun aux deux chambres.

« C'est un diagnostic d'expert ? demanda Andrew.

-De la quoi ? demanda Helen en même temps.

-De l'Ayahuasca, répondit Edward, ignorant Andrew. Une liane hallucinogène. Alan tentait vraiment de vous rendre folles - en vous en persuadant et en vous chavirant le cerveau. »

Le savoir d'Edward accréditait les paroles d'Helen. Andrew dit :

« Dans ce cas, nous pouvons faire arrêter Alan. Helen, j'imagine que vous ne verrez pas d'objection à nous aider à piéger votre oncle ?

-Aucune, confirma Helen. Et plutôt deux fois qu'une. »

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