Chapitre trois - Stratonice

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Voyant que je tremblais, l'homme en jaune prit une tunique noire, qui paraissait fourrée, dans une charrette située derrière lui, et me la tendit. Je la passais par-dessus mes propres vêtements en le remerciant, puis il me montra la charrette et dit :

« Montez. Vous avez beaucoup à apprendre et beaucoup à parcourir avant ce soir. »

Je montais sans protester, tant par crainte des lances que parce que j'étais intrigué par ce monde qui se déroulait sous la corniche de verre. Un des soldats saisit les tenants de la charrette et la tira vivement vers l'avant, tandis que les deux autres suivaient au pas de course. L'homme en jaune était assis à côté de moi.

« Vous êtes dans l'Empire Au-Delà des Terres, dit-il, avant d'ajouter le nom indigène. Seul étranger arrivé ici depuis plus d'un siècle, vous allez être présenté à la Reine Stratonice et aux trois princes héritiers. Ne dites rien sans qu'elle ne vous l'autorise. »

Puis il m'expliqua en détail l'étiquette que j'aurais à appliquer. Elle semblait toute entière écrite dans un seul but, ne pas mécontenter la Reine. Je lui demandais alors :

« Mais vous avez dit les trois princes héritiers, hériteront-ils tous les trois de ce royaume ?

-Non, répondit l'homme en jaune. Mais ils sont tous les trois potentiellement les héritiers, puisqu'un combat décidera, dans deux mois, de celui qui deviendra roi. »

Je trouvais le procédé barbare, mais enfin, qui étais-je pour juger les mœurs de ceux qui m'avaient sauvé la vie ?

Il m'apparut tandis que l'homme en jaune parlait que nous étions sous la mer, dans un empire immergé vivant en total autarcie et si coupé du reste du monde, à vrai dire, que je n'en avais jamais entendu parler. Un chapitre qui m'étonna plus fut celui où il m'expliqua que chaque habitant majeur de l'Empire se voyait attribuer le patronnage d'un des Olympiens. Mais, prévenu, j'avais moins de risques de fâcher la Reine par mes questions, après tout.

Nous arrivâmes bientôt au Palais Royal. La Reine Stratonice, qu'on m'avait fait craindre en me décrivant les châtiments que j'encourrais si je la fâchais, me fit pourtant bon accueil. Son air froid était peu engageant, mais peut-être ne savait-elle tout simplement pas exprimer ses émotions, ou peut-être était-ce la politique qui l'avait endurcie au plus haut point. Régner sur un royaume secret ne devait pas être une mince affaire, surtout à notre époque où les explorations de Mr Ross ont commencé à sonder les fonds marins. Stratonice me présenta ses trois fils : Leonidas était l'aîné, il avait de longs cheveux pâles qui faisaient ressembler sa tête à une méduse, et des yeux d'un bleu si pâle qu'il en devenait presque blanc. On m'annonça qu'il avait reçu son patronnage trois ans plus tôt, et qu'il était protégé par Arès. Ensuite venait Néarque, le deuxième. Il avait les yeux aussi pâles que ceux de son frère, mais d'une nuance verte et non bleue. Il avait quant à lui reçu ses pouvoirs l’année passée et avait le patronnage d'Aphrodite.

Le troisième fils de Stratonice, Zenon, avait mon âge, et n’avait pas encore reçu son patronnage. Lorsque je demandais comment on obtenait ces pouvoirs, pour qu’à si peu de différence d’âge, l’un des frères ait reçu ses pouvoirs et l’autre non, Stratonice eut un sourire et dit que Zenon répondrait à toutes mes questions. Elle-même et ses deux fils aînés avaient fort à faire, mais le cadet avait fini son travail et serait donc mon guide.

Je suivais donc Zenon, qui était un jeune homme très agréable, bien qu’un peu effacé : si je l’avais croisé à Londres, jamais je ne me serais lié d’amitié avec lui, car je ne l’aurais jamais remarqué. Mais maintenant que je me retrouvais avec lui comme unique personne à qui me fier dans ce royaume sous-marin, je le trouvais très agréable et songeais que nous pourrions très bien devenir amis, chose que je n’aurais jamais considérée au-dessus de l’eau.

La première chose que Zenon me montra fut la ville depuis le palais. Comme Stratonice, Leonidas et Néarque quittaient la salle d’audience, Zenon m’entraîna sur le balcon sur lequel la pièce s’ouvrait à l’une de ses extrémités. Ce balcon, en corail et en cristal, surplombait une ville immense, si grande que j’en voyais à peine le bout grâce aux lunettes d’observation que Zenon sortit de sa sacoche et qu’il me tendit. Cette ville était une sorte d’île sous-marine, comme je l’avais observée plus tôt, et qui avait ceci de remarquable qu’elle n’était reliée à la surface que par l'ascenseur que j'avais pris.

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