Chapitre VII : Joyeux Anniversaire !

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Nous sommes installés en terrasse d'une brasserie, mes parents et moi. C'est un établissement qu'ils ont toujours apprécié, et cela pour une raison qui m'échappe complètement. Déjà la dernière fois cet endroit a eu le don de me déprimer. Un an que je les avais pas vu réunis tous les deux. Regards noirs, ils ne se sont presque pas adressé un mot pour le moment. Jamais je n'aurais dû accepter de me laisser traîner ici.

-Et bien joyeux anniversaire Paul. Me dit mon père avec un sourire qui ne paraît pas vraiment naturel.

Ma mère me répète la même chose, sans même tenter de paraître aimable. Oui, à quoi bon ?

-Merci. Je réponds avant de boire un peu de champagne.

Et de nouveau personne ne dit rien. Le serveur vient s'assurer que nous ne manquons de rien. Mes parents restent mutiques, alors je lui mens et répond que tout va pour le mieux avant de le regarder s'éloigner d'un pas rapide. Je ne résiste pas à l'envie de me griller une clope, et ma mère fait la même chose quelques secondes plus tard, tout cela sous le regard plein de reproche de mon père. Ses yeux passent de moi à ma mère, et je sens qu'il va dire une connerie.

-Je comprends mieux cette mauvaise habitude que tu as Paul. La cigarette... C'est ta mère qui t'influence je vois.

Je reste figé sur place, les hostilités ont débuté, et encore une fois je me retrouve au milieu.

-Autant le laisser fumer, que le laisser sortir avec n'importe qui ! Répond ma mère d'un ton acerbe qui me fait mal.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

-Je veux dire que moi je ne le pousse pas à s'épanouir dans son homosexualité...

-Je le laisse vivre sa vie, voilà tout !

-Joli résultat !

-Si vous pouviez arrêter de faire comme si j'étais pas là... Je dis calmement tâchant de paraître blasé par leur conversation à mon sujet.

-Paul ! Laisse-nous parler !

-Désolé Maman. Je réponds avec un sourire hypocrite.

L'impression de redevenir un gosse. Je vide d'un trait ma flûte de champagne, philtre de courage avant le second round. Ma main tremble quand je repose le verre sur la table.

-Bon on va tenter de ne pas plomber l'ambiance, dit mon père avec diplomatie.

-Oui bien sûr ! L'ambiance est tellement chaleureuse depuis tout à l'heure, ça serait dommage de la plomber !

-Paul ! Lance ma mère d'une voix traînante. Arrête ça !

-C'est bizarre, il me semblait que les anniversaires, c'était censé être quelque chose de joyeux...

-Pourquoi ça ne le serait pas ? Me dit mon père avec sa légendaire hypocrisie.

Je l’observe durement durant plusieurs secondes, son sourire faux cul, ses yeux inexpressifs, je crois que je pourrais le frapper à cet instant.

-Vous savez quoi ?! Je vais vous laisser en amoureux ! Je dis d'un ton ironique.

Je me lève, attrape mon paquet de clopes, enfile ma veste, et m'éloigne d'eux sans un seul regard en arrière. Une réaction puérile ? Sans aucun doute, mais à quoi bon rester avec eux. Toutes ces conneries ne m’aident pas à avancer, c’est comme un retour en arrière insignifiant qui me renvoie à tout ce qui a pu merder dans ma vie, et plus jamais je ne veux revivre ça.

Je déambule dans une rue dont je ne connais même pas le nom, quand je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. C'est mon père qui m'appelle. Un moment d'hésitation et je finis par répondre.

-Quoi ?

-Paul ? ... C'est ton père.

-Vraiment ?

-Oui.

-Ouais je sais Papa. T'as pas changé de numéro je sais que c'est toi !

-Ecoutes. Tu devrais pas partir comme ça. Si quelque chose ne va pas, ou ne te convient pas, on peut en parler.

-Non mais tu déconnes, rassure moi ?! Tu te rends compte de ce que vous faites ?! Votre petite mise en scène tous les ans pour mon anniversaire pour faire croire qu'on est une vraie famille... Tu crois sérieusement que j'ai encore dix ans ? Vous êtes divorcés et vous pouvez plus vous voir mais moi je veux pas être pris entre les deux… C’est trop dur.

-On est une famille Paul !

-Ah oui ? Tu y crois vraiment ?

-Bien sûr. On ne vit plus ense...

-Et tu peux me dire comment je fais avec une mère qui accepte pas que je sois PD ?!

-Paul... Je sais que...

-J'ai pas vraiment envie d'une famille comme ça tu vois ! Et va pas t’imaginer que l’ensemble du problème vient d’elle...

Alors que je dis ça je me rends compte que je suis en train de pleurer. Et mon père à l'autre bout du fil à bien dû s'en rendre compte lui aussi.

-Paul ! Calme-toi !

-Pourquoi ? Pourquoi je devrais me calmer ?

J'hurle en pleine rue, les gens doivent me prendre pour un fou, mais sur le coup je n'en ai rien à faire.

-Faut pas te mettre dans des états pareils. T'es trop émotif. Tu le sais bien que tu dois pas te laisser aller comme ça !

Son ton est dur. Evidemment comme toujours... Tout ce dont j’ai besoin en ce moment. Il y a un gouffre d'incompréhension entre nous deux, et je me dis que jamais il pourrait être comblé. Lui n’a pas les bonnes clés pour nous rapprocher, et moi je crois que je n’ai même plus ni l’envie ni la force de le faire.

-Je veux plus Papa. Je peux plus faire comme si tout allait bien jour après jour. Et d'ailleurs je veux plus aller voir cette psy à la con.

-Écoute. Rentre chez ta mère. Reste au calme et on reparlera de tout ça à tête reposée. Tu veux bien ?

-Tu sais, je crois que t'es aussi paumé que moi en fait. Laisse tomber, je vais me débrouiller.

Je raccroche alors qu'il s'apprêtait à me dire je ne sais quoi. Je regarde autour de moi, je ne sais plus vraiment où je suis. Je m'assois sur un banc public et je réfléchis. Je me sens vide, anéanti, perdu. Une coquille vide. Les passants me regardent d'une façon étrange, et je fais comme si je ne les voyais pas. Le regard des autres me fait peur à présent. Mes mains tremblent, et je les pose à plat sur mes jambes pour tenter de les calmer. Je me sens comme au bord d'une falaise, j'observe le sol à plusieurs centaines de mètres en bas, et je me dis qu'il serait tellement plus simple de sauter.

Je reste assis ce qui me paraît des heures avec mes idées noires. Je sors de ma torpeur quand un jeune chiot s'approche de moi et commence à renifler ma jambe. Presque par réflexe je tends la main et sa langue à deux reprises vient lécher mes doigts. Ça me fait sourire, et quand je vois l'animal soudainement tourner la tête dans la direction opposée, je suis son regard. Un peu plus loin une fille d'à peine sept ou huit ans est en train de l'appeler. Alors le chien se précipite en courant auprès d'elle, et la fillette lui caresse la tête gentiment. Je m'y désintéresse rapidement, me lève et m'éloigne d'un pas lent.

Je prends le bus. Nous ne sommes que très peu à bord du véhicule. Mais je remarque un mec, et quand je le vois, j'ai l'impression d'être face à un miroir, il semble tout comme moi, c'est à dire complètement paumé. Les yeux dans le vide, le visage fermé... Je le fixe sans discontinuer, et quand il le remarque il semble tout d'abord surpris, avant de paraître franchement mal à l'aise. Alors je finis par poser mes yeux sur les rues qui défilent, par la fenêtre, face à moi.

Quand j'arrive à destination, je cours pour atteindre l'immeuble où vit Kenji en espérant vainement éviter les gouttes de pluie qui se sont mises à tomber une quinzaine de minutes plus tôt. Je monte direct à l'appartement de mon ami et je frappe. J'observe mes pieds, et je constate que les lacets de ma chaussure droite, sales et humides, sont défaits et traînent sur le sol. Je relève la tête quand la porte s'ouvre, et je vois apparaître une jolie brune qui malgré le fait qu'elle soit surprise de me voir, m'accueille avec un sourire bienveillant.

-Salut Julia.

-Salut Paul.

-Tu vas bien ? Je demande en regrettant presque immédiatement d'avoir posé la question.

-On fait aller... Tu veux voir Kenji ?

-Oui. Il est là ?

-Non mais il va pas tarder. Entre, vas-y, fais comme chez toi.

Elle me propose un café et j'accepte, et nous nous installons au salon pour le boire.

-Ça a pas l'air d'aller fort toi non plus ? Elle demande.

-C'est... Sans doute parce que tout va mal en ce moment. Enfin non... Tout va pas mal, en fait ma vie est toujours la même qu'avant, mais là ça commence sérieusement à me peser... Ça devient trop dur.

Elle ne dit rien. Elle se contente d'un regard compatissant. Un regard qui veut tout dire, qui exprime son soutien, mais elle ne dit rien, parce qu'elle sait très bien qu'il n'y a rien à dire.

-Et toi et Kenji ? Ça en est où ?

-Nulle part... On va sûrement faire un break... On verra bien ce que ça donne.

-C'est mal parti non ?

-Je sais pas. Mais tu sais je devrais sûrement pas parler de ça avec toi. Kenji c'est ton meilleur pote...

-Comme tu veux. Mais tu sais je t'aime bien Julia. Même si tu sors plus avec lui. Enfin on pourra rester ami tu sais...

-Merci. Elle dit avec un sourire sincère. Bon et toi alors ? Tu veux pas me dire ce qui te chagrine ?

J'hésite un instant. Et puis finalement pourquoi pas...

-Ma mère... Elle a encore clairement montré ses réticences au fait que je sois gay. Et tu vois ça plus... Plus tout le reste... Disons que depuis mon ex... Clay... Ça va plus trop... J'ai l'impression de plus avoir de but... Je me sens perdu en quelque sorte.

-Je comprend... Elle répond avec une petite voix, et je ne sais pas pourquoi, mais quand elle me dit qu'elle me comprend je la crois.

C'est le moment que choisit Kenji pour faire son apparition. Quand il me voit il semble surpris, mais finit par me faire un sourire chaleureux.

-Joyeux Anniversaire mec ! Il finit par dire en me prenant dans ses bras. Je croyais que tu devais passer la soirée avec tes parents ?

-Ouais... Mais en fait... Disons que ça s'est pas passé à merveille…

Il ne dit rien. Étrangement, lui aussi comprend, et tout cela sans que je ne dise rien, et j'en suis soulagé. Brièvement je lui explique un peu ce qu'il s'est passé, et il me gratifie d'une accolade compatissante. C'est le moment que choisit Julia pour aller s'enfermer dans la chambre, avec un sourire pour moi, et un regard glacial pour mon ami. Je suis un peu gêné, mais ne dis rien, tout comme Kenji, qui semble préférer faire comme si de rien n'était.

-Elle fait toujours ça... Elle s'arrange toujours pour passer le moins de temps possible au même endroit que moi, finit par dire Kenji une fois qu'elle fut partie. Ça va pas fort toi j'ai l'impression ? Il ajoute subitement, et je le soupçonne de vouloir tout simplement parler de moi, et non pas de lui.

-Pas vraiment... J'avais besoin de voir un véritable ami je crois...

-Ben je suis là bien sûr ! Tu veux boire quelque chose d'un peu plus fort que du café ? Il me demande dans un demi sourire avec un coup d'oeil en direction du bar.

-Je sais pas si c'est une bonne idée. Tu sais je... Je passais aussi te voir pour... Comment dire...

Bizarrement je ne trouve plus mes mots. C'est con c'est pourtant pas si difficile à demander.

-Tu pourras peut être me rendre un service.

-Bien sûr. Dis-moi.

-Et bien... Je me disais que tu pourrais peut être m'héberger ce soir...

-Heu... Ouais. Enfin plutôt non. Le souci c'est que Julia et moi... En fait je dors sur le canapé en ce moment. Quand il dit ça il baisse la tête comme s'il avait honte. J'ai peur qu'on ai pas la place pour t'accueillir ce soir. A moins que... Ben si Julia accepte de dormir sur le canapé on pourra partager le lit...

Je réfléchis un instant. Et je me trouve de plus en plus I.D.I.O.T. J'aurais dû prévoir ça... Difficile de se pointer chez quelqu'un à l'improviste comme ça.

-Non. C'est gentil Kenji mais je veux pas foutre la merde entre vous deux plus que ça ne l'est déjà…

-Je suis vraiment désolé surtout que je sais que ça va pas fort en ce moment pour toi…

-C'est pas la joie pour toi non plus Kenji. Je veux pas te faire chier avec mes problèmes je vais trouver autre chose.

-Mais tu peux rester pour la soirée. On fêtera ton anniversaire les deux.

-Tu sais j'ai pas trop la tête à ça.

-Allez ! T’as pas mangé en plus ! Je peux nous préparer un truc.

Et connaissant les compétences culinaires de Kenji je lui affirme que c’est une très mauvaise idée.

-Bon ok, je te paye un resto alors.

Il semble vraiment tenir à ce qu’on reste ensemble ce soir, et je pense que ses problèmes de couple doivent lui peser et qu’il a besoin de se changer les idées. Et là je ne sais pas si c’est moi qui ai le plus besoin de sa compagnie ou bien lui. Alors finalement j’accepte d’aller passer la soirée avec lui.

__________

Il y a énormément de monde en ville ce soir, quand on arrive à destination la terrasse est quasiment pleine en cette fin de journée, l’orage et la pluie survenue un peu plus tôt sont vite oubliés et de nouveau une chaleur difficilement supportable se fait sentir. Kenji et moi nous installons tous les deux à une table sur le côté à l'extérieur et la serveuse met plusieurs minutes avant de venir nous voir, elle semble épuisée, mais nous tend des menus sans se départir d’un immense sourire. Nous la remercions chaleureusement et en profitons pour lui commander deux coupes de champagne.

Mon humeur va en s’améliorant. Kenji semble plus guilleret lui aussi. Je pousse un soupir de soulagement en constatant que l’alcool arrive rapidement à notre table. Nous trinquons Kenji et moi et profitons du doux breuvage doré. On parle un peu d’un groupe de métal un peu étrange que je viens de découvrir et je suis étonné de constater qu’il le connaît déjà.

Et après une seconde coupe de champagne et une clope à moitié consumée, je commence à m’agiter sur ma chaise, jetant des coups d’œil répétés à l’intérieur de la brasserie. Sans être trop huppé, l’endroit a une très bonne réputation, un endroit simple mais élégant qui sert de très bons plats préparés par des cuisiniers qui travaillent avec sérieux et savoir-faire. Le service est impeccable à l'image de la jolie brune qui nous a accueillis avec son sourire étincelant. Mais en vérité tout cela m’importe peu, je ne suis pas ici pour la bonne réputation de l’endroit, enfin disons plutôt que ça n’est pas ma priorité. Je cherche juste à savoir si un brun aux yeux verts ne traînait pas dans le coin, puisqu’il m’a dit travailler ici.

Et quand j’arrive enfin à le repérer, mon rythme cardiaque s’accélère. Il a l’air épuisé. Apparemment il est en charge du service à l’intérieur de la brasserie et je n’ose même pas imaginer la chaleur qu’il doit y faire. D’autant plus qu’il n’a de cesse de faire des aller-retours entre les tables dans un ballet incessant. Évidemment Kenji remarque que mon attention est obnubilée par Camille, et il se contente de sourire en buvant une nouvelle gorgée de champagne.

-Quoi ?

-Rien.

-Quoi ? Je répète.

-Mais rien Paul !

-C’était quoi ce sourire idiot ?

-J’ai bien le droit de sourire non ? Il demande ne pouvant se retenir d’afficher une mine réjouie. J’aime bien te voire mater d’autres mecs que moi, ça me rassure, je me fais moins de soucis pour mon cul comme ça.

-Je pourrais toujours m’occuper de toi après si vraiment tu insistes.

-Dans tes rêves. Alors c’est qui ? Il demande avec un léger signe de tête en direction de Camille.

-Qu’est-ce que ça peut te foutre ? Je réponds en souriant moi aussi.

-C’est le fameux Camille ?

-Depuis quand tu es si perspicace toi ?

Il soulève simplement les épaules dans un mouvement plein de sobriété. Je me retiens donc ensuite de jeter des regards à l’intérieur. Et quand nous passons commande pour les plats je me dis que ça serait superbe que Camille vienne nous les apporter tout en redoutant un petit peu que ça puisse être le cas.

Le repas se déroule plus ou moins sans problème et je suis trop heureux de constater qu’enfin quelque chose se passe bien aujourd’hui. A présent nous ne sommes plus que tous les deux en terrasse Kenji et moi. Camille n’a jamais mis un pied dehors et finalement c’est presque un soulagement parce que je ne sais pas comment j’aurais dû réagir. Et la soirée est bien avancée maintenant et je me félicite que nous n’ayons pas trop bu. J’ai un peu oublié Camille au cours de l’heure qui vient de s’écouler, faut dire que la conversation de Kenji m’a tenu plutôt occupé, il semble avoir repris du poil de la bête, et ça me fait plaisir de le voir ainsi.

Je rentre alors dans la brasserie et me dirige vers le bar pour régler l’addition, et je crois vaguement me souvenir que mon ami avait parlé de m’inviter, ça bien évidemment avant d’oublier son portefeuille chez lui. Et à l'intérieur non plus il n’y plus grand monde, la salle paraît même un peu trop calme, c’est presque angoissant.

Et quand j’arrive au bar ma carte bancaire dans la main je tombe sur ce petit brun aux yeux d'émeraude en train nettoyer une énorme machine à café. Et je ne m’attendais pas à tomber sur lui à ce moment et visiblement lui non plus parce qu’il me fixe un instant un air très étonné sur le visage qui lui donne un côté candide et enfantin particulièrement mignon.

-Salut. J’arrive à articuler après un long moment.

-Salut… Paul.

-Tu… ça va ?

Il porte la tenue de l’établissement, ce qui se résume à une chemise noire avec un étrange logo vert sur la poche de poitrine. Et comme d’habitude, cette couleur, ça ne fait que renforcer l’effet de minceur de son corps et ça lui va à ravir. Il se tient debout derrière le bar dans une position un peu lascive et excitante, et de suite je sais ce que j’aimerais lui faire, ici, à même le bar s’il le faut.

-Oui ça va. Et toi ? Tu fais quoi ici ?

Et évidemment qu’il me pose cette question parce que ni lui ni moi ne nous étions donné signe de vie depuis notre dernière rencontre. Et débarquer comme ça sur son lieu de travail n’a effectivement rien d’innocent de ma part.

-C’est mon anniversaire ! Fallait bien fêter ça. Je réponds bêtement en lui montrant l’addition.

-Et bien joyeux anniversaire. Il répond alors avec un léger sourire timide. Je suis désolé je pourrai pas t’offrir les cafés ou quoi que ce soit pour l’occasion.

-Pas de souci, t’inquiètes pas. Mais, tu finis ton service à quelle heure ? Je demande en tâchant de prendre un air charmeur.

-Pourquoi cette question me semble pas si désintéressée ?

Il a bien compris mon petit manège et vu que ça ne semble pas lui déplaire j’ose persévérer.

-Ça ne l’est pas. C’est même complètement intéressé comme question. Si tu finis bientôt, on pourrait, je sais pas, aller chez toi par exemple. Pour terminer la soirée en beauté. Tu ferais un cadeau d’anniversaire idéal.

Et ça le fait pouffer. Et ça me rassure parce que je n’étais pas sûr de mon coup. Mais la situation semble beaucoup l’amuser.

-Si tu veux tout savoir j’ai déjà fini mon service officiellement. Je restais juste pour donner un coup de main aux collègues.

-Alors… On y va ? Je demande tout sourire.

Il semble hésiter, il se mord la lèvre inférieure, et je ne sais pas s’il s’en rend compte mais ce simple geste est très aguicheur et a le don de m'exciter, puis finalement il me dit d’un ton un peu trop neutre à mon goût de l’attendre dehors et qu’il arrive. Je lui fais un clin d’œil et je rejoins Kenji qui m’attend à l’extérieur en train de fumer une clope.

-Dis voir, ça te dérange si je t’abandonne maintenant.

-Tu vas rentrer avec le serveur ? Il demande l’air désapprobateur.

-Un problème ?

-Non. Sans doute pas.

Il me donne l’accolade, me dit d’être prudent, et me remercie d’avoir payé le resto. Finalement il me laisse là, ou je termine de fumer, un peu impatient. Heureusement Camille ne tarde pas. Il a retiré la chemise à l’effigie de la brasserie et porte un t-shirt rouge un peu délavé qui tire sur le rose par endroit. On a l’impression que c’est un vêtement qu’il a depuis des années et chez n’importe qui ça ferait très con, chez lui c’est juste sexy.

On se met en route, bien sûr il me taxe d’une clope alors que nous marchons en silence. Je suis surexcité. Je ne sais pas ce qu’il l’a poussé à accepter de me faire venir chez lui mais je me dis qu’il doit m’apprécier ou du moins j’ai dû lui laisser un bon souvenir de notre première nuit ensemble qui je dois bien l’avouer était particulièrement torride. Mais peu importe, je suis d’humeur coquine ce soir et je me ferai un plaisir de m’occuper de lui. De plus je ne souhaitais pas rentrer chez ma mère cette nuit, tout cela me convient très bien.

Nous continuons notre route un moment, je le suis docilement, impatient, et quand on arrive enfin chez lui, je ne reconnais pas du tout l’endroit de la dernière fois. Je ne relève pas et une fois à l’abri d’un appartement qui n’est clairement pas le même que celui de notre première nuit à tous les deux, nous nous jetons l’un sur l’autre et le sentir tout contre moi me fait un bien fou, indescriptible. Je crois manquer d’air alors que nous nous embrassons sauvagement. L’appartement est plongé dans une demi obscurité et nous avançons dans la pièce sans vraiment savoir où nous allons, et nous percutons un meuble et Camille pousse un petit gémissement de douleur entre deux soupirs d’aise et il explose même franchement de rire quand un bruit de verre brisé se fait entendre me faisant sursauter.

-C’était quoi ?

-Surement un verre qui traînait sur la table contre laquelle tu tiens visiblement à m’allonger.

-Désolé. Je dis en craignant avoir été un peu trop brusque.

-On s’en fout. Il répond, retirant vivement son t-shirt avant de s'asseoir sur la table.

Il attrape ensuite mes mains et les pose sur lui, sur son torse et ses épaules, ses flancs, et sa peau est brûlante et je ne tiens plus et je lui tire un peu les cheveux en arrière et quand sa tête bascule je pose mes lèvres dans son cou pour y déposer des baisers fougueux. Je goûte sa peau, elle est un peu salée, et je ne me demande même plus s’il apprécie ce que je lui fais quand je l’entends gémir fortement et quand il me tire tout contre lui. Et quand je glisse mes mains sous ses fesses je le soulève aisément, et il ne pèse vraiment rien, il s’accroche à moi et je le porte plus avant dans l’appartement alors que je lui demande où se trouve sa chambre qu’il me désigne d’un signe de tête et je me rend compte que l’appartement n’est pas très grand quand je le dépose sur le lit et ici il y a un peu plus de lumière qui provient de la fenêtre grande ouverte, sûrement la Lune où je ne sais quel éclairage de rue. Je le distingue aisément maintenant et il est étendu sur le dos sur un lit qui paraît immense, torse nu, ses cheveux étalés, éparpillés tout autour de sa tête. Sa frimousse et ce sourire craquant qui appelle à la luxure. Il me regarde avec un air espiègle et totalement indécent et commence à faire sauter un à un les boutons de son pantalon. Et je ne saurais dire si c’est la lumière filtrée de l’extérieur, l’ambiance générale, juste mon imagination ou les quelques verres d’alcool bus ce soir qui me font cet effet là, mais il a un air mi angélique mi démoniaque et j’ai l’impression d’être face à une apparition irréelle et fantastique.

Je retire ma chemise avec des gestes précis, lent, calculés, et son regard se perd dans la contemplation de mon torse qui se révèle peu à peu. Je monte enfin sur le lit, m’approche de lui et, d’un simple geste, une légère pression sur sa fine épaule je le fais se retourner sur le ventre, je caresse son dos avec des mouvements doux mais profonds et il frissonne sous mes doigts, et je suis là ligne de son tatouage, celle qui part de sa nuque, sur son épaule, descendant le long des côtes, sur son flanc droit et pour finir sa course sur sa hanche ou les lettres CCXIV sont incrustés à même la peau. Des chiffres romains. Son tatouage s’arrête là, et tous ces symboles, ce chiffre mystérieux ont le don de piquer ma curiosité mais je n’ose pas lui demander leur signification, pas pour le moment, pas encore.

Je me décide à passer aux choses sérieuses, et je l’embrasse alors que je lui retire son pantalon. Camille est déjà très excité ! Je vois son sexe qui déforme son boxer, ça en devient irrésistible de lui retirer, et c’est ce que je m’applique à faire, faisant glisser son dernier vêtement sensuellement le long de ses fines jambes. Délicatement j’attrape d’une main son sexe bien dur, tout en l’embrassant, et en lui chuchotant qu’il est magnifique à l’oreille. Ça le fait rougir que je lui dise ça, plus que le fait d’être nu face à moi.

-Laisse-moi te déshabiller ! Il me dit en me poussant légèrement pour m'allonger sur le dos et en grimpant sur moi.

De là je peux admirer toute sa beauté, sa peau si douce sous mes doigts, blanche, laiteuse. Doucement il commence à retirer ma ceinture. Ses yeux verts me fixent, brillant, remplis d’excitation, pétillant de plaisir. Il fait sauter le bouton de mon jeans. Ses doigts fins et agiles… Il baisse ma braguette, très lentement. Je ne peux m’empêcher de caresser son torse, et de descendre sur son ventre. Je l’aide pour retirer mon pantalon, suivi de peu par mon boxer. Il s’étend sur moi, et je peux sentir son sexe dressé, tout contre le mien… Excitant. Et soudainement je ne vois plus son visage, et le voilà qui commence à appliquer des caresses sur mon sexe, juste avant de débuter une tendre fellation. Je sens sa langue qui s’agite contre ma verge, envoyant des décharges de plaisir dans tout mon corps. D’une main je commence à caresser les cheveux longs de Camille, appuyant légèrement sur sa tête pour appuyer sa fellation. Je n’ai pas tardé à faire de même pour lui, prenant sa place si je puis dire, j’ai appliqué mon art, pour qu’il n’oublie jamais ça. Et apparemment tout cela avait l’air de lui plaire. Après un bon moment de jeux de langues, il se penche contre moi et me demande si ça me dérangerait de le prendre.

-Pas de souci. Je lui dis tout sourire avant de l’embrasser. Avec plaisir.

-J’ai des capotes dans la salle de bain. A-t-il rapidement ajouté se levant et disparaissant un instant avant de revenir tout sourire près de moi. Viens-la ! Je vais t’en donner du plaisir ! Il me dit en m’attrapant par les épaules et en me faisant basculer sur le dos.

De lui-même il installe le preservatif sur mon sexe dressé. Et il vient s’installer sur moi, me permettant de pénétrer doucement en lui. Le rictus de douleur qui se forme d’abord sur son visage est vite remplacé par une expression de plaisir empli de sensualité, et cela m’excite énormément. Doucement, très sensuellement, le voilà qui commence à bouger, faire des va-et-viens sur moi, laissant échapper de légers gémissements. Le plaisir de me retrouver en lui est énorme, et je prends l’initiative de donner quelques coups de reins, pour accompagner ses mouvements.

Rapidement je décide de prendre les choses en main, je l’installe a genoux, dos à moi, je me place derrière lui, et le pénètre à nouveau tout en me collant à lui et en lui mordillant l’oreille, mes mains parcourent son corps, et je finis par attraper son sexe qui se dresse fièrement dans le creux de ma main, et ça en plus de mes vas et viens en lui, je le sens qui s’abandonne complètement pour moi, et quand ma main vient se perdre à proximité de son visage il attrape et mordille mon pouce tout en gémissant énormément et dans l’ensemble tout est simplement trop torride.

-Paul ! T’es… T’es extra ! » Parvient-il à dire essoufflé.

-C’est toi qui me rends comme ça ! » Je lui dis en accentuant mes coups de reins. J’accélère les mouvements de ma main sur son sexe, je vois Camille qui ne sait plus où donner de la tête, qui me hurle de continuer, m’avouant qu’il adore ça. Et subitement le voilà qui se crispe, et dans un soupir d’aise et un cri fort peu délicat, il jouit dans ma main, et je le serre contre moi très fortement. Je ne mets pas beaucoup plus de temps pour éjaculer, encore en lui, finissant par l’embrasser. Et je m’affale sur le côté, lui se couche sur le dos très proche de moi, et je l’observe, et je rigole doucement.

-Qu’est-ce qu’il y a ? » Il demande perplexe.

-Rien, je suis super bien avec toi.

Et il me sourit et nous restons de longues minutes l’un en face de l’autre à nous observer, yeux dans les yeux, et ce moment me paraît bien irréel.

-Viens ! Il finit par me souffler à l’oreille, avant de se lever en m’entrainant à sa suite.

Nous prenons la direction de la salle de bain, pas très grande. Camille me montre la douche et me laisse me laver. Et comme je reprends peu à peu mes esprits sous le jet d’eau chaude je commence à me demander si je vais pouvoir rester ici pour le reste de la nuit. Il n’est pas si tard que ça, Camille pourrait choisir de me mettre à la porte maintenant que… Et je n’ai pas le temps de poursuivre ma réflexion plus avant quand il vient me rejoindre sous l’eau et qu’il me dépose un petit baiser au coin des lèvres, un geste surement bien trop sage en comparaison de ce qu’il vient de se passer dans la chambre à coucher mais ça me fait sourire immédiatement. Et j’ai de nouveau envie de lui alors que je le contemple, l’eau glissant sous sa peau si douce et je comprends très vite à la lueur de son regard qu’il ne m’a pas rejoint ici juste pour se laver.

__________

Je me réveille difficilement et je mets un moment avant de réaliser que je ne suis pas chez moi. La chambre est beaucoup plus petite, et jamais je n’aurais laissé les rideaux grands ouvert ce qui a permis aux rayons du soleil d’entrer dans la pièce et me réveiller. Je grogne en me redressant dans le lit, et j’entends alors un rire accompagné d’une remarque que je ne comprends pas. Je m’assois sur le matelas, plus ou moins encore sous la couette, et je découvre Camille un mug dans la main en train de m’observer depuis l’entrée de la chambre. Il a une expression mutine sur le visage, et un petit sourire effronté. Je crois qu’il se moque gentiment de moi.

-Bien dormi ?

Et en fait il porte juste un jogging noir et un t-shirt légèrement trop grand pour lui, ça fait un peu négligé d’autant plus que ses cheveux sont en désordre et il est quand même terriblement sexy.

-J'accepte de parler uniquement si j’ai le droit à un café moi aussi.

Il ne dit rien et s'éclipse dans la pièce d'à côté. Je reste un moment sans bouger, tâchant de sortir du sommeil tant bien que mal. Est-ce que Camille m’a observé en train de dormir ? Je finis par m’extirper du lit, je ne porte que mon boxer et je passe ma chemise abandonnée au sol hier soir. Et lorsque je rejoins Camille à coté il s’approche de moi m’invitant à m’installer sur le canapé, ce que je fais sans discuter et il pose une tasse de café fumante sur la table basse en face de moi. Et l’odeur du breuvage me fait saliver.

-T’es plutôt mignon quand tu dors. Me dit Camille sur un ton innocent.

Et je le vois légèrement rougir et plutôt que de prendre le risque de dire une connerie je m’empare de la tasse et commence à boire le café qui est très fort et ça me plait.

-Merci... Pour le café.

Il ne dit rien, il me regarde par-dessus sa propre tasse, plutôt un énorme mug d’ailleurs. Il est assis à côté de moi les jambes recroquevillées sous lui dans une position plutôt enfantine. Et je lui demande si je peux fumer chez lui et il me répond par l’affirmative avec un léger signe de tête. Et comme il en a pris l’habitude quand je me grille une clope il s’empare de mon paquet et s’en approprie une. Je ne dis rien et l’observe allumer le fin tube blanc d'où rapidement s’échappe cette fumée si toxique.

-Ça fait longtemps que tu crèches ici ?

Il me regarde un peu gêné. Et répond que ça fait un peu moins de deux ans qu’il vit là. Et je ne souhaite pas être intrusif alors je n’ajoute rien.

-Je sais bien ce que tu te dis.

-Hum ?

-La dernière fois je t’ai pas ramené dans cet appartement...

-Oui. Il me semblait bien. Je me suis dit que tu avais déménagé... mais c’est peut-être juste une de tes nombreuses planques ou tu ramènes toutes tes conquêtes. Je dis en lui faisant un coin d’œil.

Il sourit timidement et plonge le bas de son visage dans son mug. On ne dit plus rien pendant quelques minutes, fumant tranquillement et je remarque sans problème ses nombreux et incessants regards en biais qu’il me lance.

-C’était l’appartement d’un pote la dernière fois. Pas le mien.

Et il dit ça avec un air coupable que je ne saisis pas bien. Alors je lui réponds qu’il n’y a pas de problème.

-C’est juste qu’ici c’est un peu moche et tout petit alors je préfère éviter d’y amener du monde. Mais hier soir, quand tu m’as dit que tu voulais venir chez moi… Bref j’avais envie de te ramener toi, ici, même si cet appartement est merdique.

-Ça va c’est correct. Au moins t’as un endroit à toi.

Je lui dis ça sincèrement, et je sens qu’il ne me croit pas. Et je réalise qu’il semble avoir réellement honte de vivre dans un si petit appartement, et voilà pourquoi il semblait si gêné de m’inviter chez lui. Je préfère ne rien ajouter et quand je lui demande si je peux prendre une douche il me répond par l’affirmative et il me rejoint sous l’eau chaude ce que j’espérais un peu qu’il fasse en réalité.

__________

Après avoir batifolé sous la douche tous les deux et nous être habillés je lui ai proposé de sortir, parce que je sentais bien qu’il avait l’air mal à l’aise que je me retrouve chez lui et qu’il ne semblait pas savoir quoi faire de moi. De mon côté je me sentais bien avec lui et je tenais à profiter encore un peu de sa présence. Alors voilà, nous buvons nos cafés sans réellement nous parler Camille et moi. Nous sommes assis en terrasse d’une brasserie à l’ambiance plutôt agréable. Les serveurs commencent à installer les tables pour le déjeuner, et je réalise donc seulement maintenant qu’il est déjà presque midi. Camille et moi nous sommes levés très tard, et c’est tout naturellement que je lui propose de manger ici.

-Oh, je sais pas trop. Il dit en scrutant les alentours comme à la recherche d’une aide quelconque.

Et je devine rapidement ce qui le rend mal à l’aise.

-Je t’invite bien sûr. En remerciement de cette nuit passée chez toi.

-T’es sûr ?

-Ben ouais, ça me fait plaisir. Surtout que passer du temps avec toi c’est pas désagréable tu sais.

-Ok, ok. Il répond rougissant légèrement. Je peux te prendre une cloque ? Il finit par dire la main déjà posée sur mon paquet traînant sur la table.

-Tu demandes pas vraiment l’autorisation d’habitude, je lui fais remarquer.

-Ouais mais là vu que tu m’invites à manger, je me dis que c’est un peu abusé de te taxer sans même faire semblant de te le demander.

Et tout en disant ça il porte déjà une de mes cigarettes à ses lèvres, et avec son propre briquet l’allume dans un mouvement très sexy ou sa tête bascule légèrement sur le côté, et ses cheveux retombent en cascade recouvrant partiellement son visage, et ça me semble beaucoup trop calculé comme geste, j’essaie donc de faire comme si ça n’avait pas vraiment d’effet sur moi.

-T’es quand même un petit merdeux !

Il prend un air outré avant d'exploser de rire, et je ris avec lui brièvement et je me rends compte que cela me fait vraiment du bien.

Je fais signe au serveur afin de lui signaler que nous souhaitons manger et il semble surpris que nous enchaînions sur un repas juste après les cafés, et il dresse la table et nous apporte les menus sans réel engouement. Et en fait je trouve qu’il tire franchement la gueule, alors je me demande pour moi même ce que j’ai bien pu faire pour toujours me coltiner des serveurs si désagréables.

Camille ne semble pas s’en formaliser, il observe intensément les mouvements du jeune homme alors qu’il dépose des couverts devant lui, le remerciant ensuite chaleureusement accompagnant son propos d’un sublime sourire qui m’agace un peu.

Nous passons commande et je remarque que Camille a pris le soin de choisir ce qu’il y avait de moins cher au menu. Je n’y fais pas allusion et je choisis pour ma part un burger au nom compliqué. Et alors que le serveur nous laisse tous les deux il ne dit plus rien. Il se contente de patienter, terminant sa cigarette avec élégance, et alors que le silence entre nous deux semble tout à fait lui convenir, de mon côté cela me met vraiment mal à l’aise, et j’éprouve alors le besoin de le briser alors je lui pose la première question me venant à l’esprit.

-Au fait, tu connais bien Donovan ? Le mec de mon amie Alice.

-Pourquoi tu me demande ça ?

Je crois que c’est à ce moment que je réalise que rien n’est simple avec Camille. Il est bien rare qu’il réponde simplement à une question sans en poser une autre. Il a toujours besoin de comprendre pourquoi on lui demande tel ou telle chose, pourquoi on s'intéresse à lui, comme s’il ne faisait confiance à personne et qu'il cherchait ainsi constamment à se protéger des autres.

-Pour rien, juste histoire de parler un peu… C’est Alice qui m’a dit que vous vous connaissiez. Et vu qu’il sort avec Alice, ça nous fait… Comme un point commun non ?

- ” Un point commun ? ” Il dit semblant tout de même y réfléchir un instant. C’est plutôt comme on dit, une simple coïncidence non ?

-Vois ça comme tu veux… je dis regrettant déjà d’avoir abordé ce sujet.

Camille me scrute, de ses yeux verts si profonds dans lesquels on pourrait avoir autant peur que l’envie de se noyer. Il écrase sa cigarette dans le cendrier déjà bien remplis. Et il le fait vraiment avec une minutie déconcertante, avant de prendre une profonde inspiration comme s’il allait m’avouer un truc extraordinaire.

-Donovan et moi on s’est rencontrés dans un foyer quand on était ados.

Et c’est tout ce qu’il me dit sans s’étendre plus que ça. Est ce qu’il attend une réaction de ma part ? Que je le questionne sur le sujet ?

-C'était quoi comme foyer ? Tu y étais pourquoi ?

-Je me suis retrouvé en foyer après m’être fait jeter de ma famille d’accueil.

-Une famille d’accueil ?

-Oui. J’en ai eu plusieurs à partir du moment où ma mère a fini enfermée à l’hôpital. Et mon père… enfin j’avais plus de… j’étais tout seul disons. C’est là que j’ai rencontré Donovan, au foyer. C’était, plutôt compliqué à cette époque. Ma vie je veux dire, était… enfin elle est un peu compliquée.

-Je comprends, je suis désolé, ça a pas dû être facile, je dis bêtement.

-Je cherche pas à te faire pleurer pour moi ou à te mettre sous le nez ma vie de merde histoire de me plaindre tu sais…

-Je le sais bien Camille.

-C’est toi qui m’as posé ces questions !

Son ton est devenu quelque peu agressif et je regrette plus que jamais de m’être montré trop curieux.

-Je sais Camille. Je voulais pas te mettre mal à l’aise, ni m’immiscer dans ton passé si tu veux pas en parler…

Garder ses secrets, ses anciennes blessures, bien enfouis sous la carapace. Je ne comprenais que trop bien.

-J’aime pas remuer toutes ces conneries… je vais… je crois que je vais y aller. Ouais je vais faire ça. Je sais même pas ce que je fais la, avec toi…

-Quoi ? Je dis alors qu’il commence à se lever doucement l’air triste et déprimé.

-Excuse-moi pour le repas. Je dois filer. Salut Paul !

Je lâche un petit « salut » résigné, et il s’en va déjà d’une démarche raide et précipitée, la tête basse. Et je me dis que je suis qu’un imbécile. Pourquoi chercher à en savoir plus… pourquoi ne pas me contenter de ce qu’il me donne. La réponse c’est que Camille est peut-être un garçon trop atypique pour moi, trop distant et vivant dans sa bulle. Camille… Que je ne suis sûrement pas destiné à comprendre, avec sa personnalité trop complexe, tous ses silences. Je n’ai pas vraiment besoin de ça… Je n’ai surtout pas besoin de ça. Le serveur revient soudain et dépose les plats sur la table, mon burger en face de moi et une sorte de salade complexe devant la place laissée vide par Camille.

-Bon appétit. Me dit le serveur d’une voix mécanique.

Je ne lui réponds que pour commander un verre de vin. Et je commence à manger. Seul.

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