Épilogue : Toutes ces choses que je ne t'ai pas dites…

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Cimetière intercommunal

de Puiseux-Pontoise (95)

Fin février 2011

10:37

Un soleil d’hiver brouillé illuminait les allées blanches. Sur la tombe de son ami, Marina remplaçait les orchidées fanées flétries par le gel en disposant harmonieusement un bouquet de roses immaculées dans un vase de marbre moucheté. Elle masquait sa tristesse derrière des verres solaires polarisés, étouffant un sanglot rebelle.

— C’est trop dur sans toi, vieux frère. Pourtant, j’avais dressé tant de barrières entre nous de ton vivant, j’avais tellement peur que notre complicité s’ébrèche et ne puisse souffrir la banalité du quotidien d’un couple… Des risques, j’en ai toujours pris à titre professionnel. Le danger ne m’a jamais fait peur. Mes sentiments pour toi, ils étaient mon jardin secret, un carré de soie rose que je gardais pudiquement enfoui dans un tiroir de mon cœur. Ce tiroir que tu aurais pu ouvrir, tu en avais la clé. Elle était un peu grippée, ancienne, mais il aurait suffi d’un rien pour que le fermoir cède. Perché ti amo, mio Marco (18)… J’espère que tu as rejoint l’Eden de tes deux anges, Jenny et Katia, pour que votre amour soit éternel.

Le gravier crissait sous les talons de la jeune femme. En son for intérieur, elle se félicitait d’avoir enfilé un duffle-coat car le fond de l’air, agité par une brise légère, était frais. Sur le chemin du retour, en franchissant les grilles en fer forgé du cimetière, Marina croisa Karim Assouyef. En deuil de son frère Samir, il semblait être dans son monde et ne parut pas la reconnaître. Elle choisit de ne pas interrompre sa course. Elle devait rentrer. Alex l’attendait dans leur appartement. Elle releva son col et s’alluma une cigarette. La force de l’habitude…

***

Le hall de son immeuble,

rue de la Bretonnerie,

Pontoise,

vingt-sept minutes plus tard....

La jolie brune ouvrit machinalement sa boîte aux lettres. Une enveloppe sans timbre, couleur safran. A l’encre noire, une écriture nerveuse, masculine : Marina. Elle la décacheta et ouvrit l’énigmatique lettre : les mots de Marc...


Mari,

Si tu lis cette lettre, c'est que mon pressentiment était avéré et que je ne suis plus de ce monde.

Parce que la vie est une saloperie. Elle m’a arraché Jenny, Katia. Comment continuer à survivre après ça ?

Il y a l’amour bien sûr, celui que j’éprouve pour toi. Seulement, David était tellement présent entre nous…

Et il y a Youri, mon fils de deux ans et demi. Mon fils oui. Le fruit « artificiel » de mon union avec Katia. Celui que j’ai été incapable d’assumer. Le temps des secrets est révolu. Je voulais que tu saches…

Olga, sa grand-mère, son seul repère, se meurt. Une putain de maladie incurable. Il n’a plus que toi. C’est en souvenir de nous que je t’ai choisie, de cet été 1990 où je t’ai livré mes sentiments, te vouloir pour mère de mes enfants à venir.

Joyce et moi avons déjà notre propre histoire, celle qui s'est brisée avec la disparition de notre princesse, notre Jenny. Et puis, je suis plutôt fier de cet adolescent que tu as élevé seule, ton Alex. J’aimerais que tu en fasses autant pour Youri. Pour moi. Il t’attend là-haut, chez toi, en compagnie de ton fils.

Moi, je peux enfin me retirer en paix. Parce que je sais que tu respecteras mon testament, que tu ne te défileras pas.

Ton vieux frère, Marco

PS : Je t’aime, Mari...

L’émotion à fleur de peau, la jeune femme grimpa quatre à quatre les escaliers menant à son appartement. Sur le palier, un garçonnet, un rouquin aux yeux gris-bleu dans les bras de son grand môme.

— Alors c’est toi ma nouvelle maman ?

Marina les serra tous deux contre elle.

— Oui, c’est moi… Ta mamie t'a expliqué ? On va former une belle famille tous les trois ! Ça vous dirait d’aller passer quelques jours à la campagne ?

— Là où il y a des poules, des vaches, des chevals ?

— Des chevaux oui, là où il y a tout ça. Tu verras, ça ressemble à un coin de paradis. Et puis, je crois qu’Odile Marquance serait très heureuse de découvrir son ultime petit-fils…

***

Joyce Sunderland se retourna une dernière fois sur la rue qui abritait l’immeuble où vivait son amie. Elles avaient aimé le même homme, mais n’avaient jamais été en compétition pour lui plaire. Un bagage à la main, l’élégante blonde s’était conformée sans amertume aux dernières volontés de son grand amour, son ex-mari. Elle pouvait désormais rallier sereinement sa prochaine destination. Elle héla un taxi qui l’emporta vers un autre destin : le sien…

***

Depuis sa cellule de Fleury-Mérogis, Joseph Cash savourait cette vengeance qu’il avait menée de main de maître. Certes, il savait que la justice n’aurait aucune clémence à son égard, qu’il ne pourrait plus bénéficier du soutien de Philippe Roncourt, son fidèle avocat, son abruti de demi-frère qui avait trouvé le moyen de se faire écrouer. L’ancien policier ripoux était cependant parvenu à ses fins, il avait vaincu son pire ennemi. En éminent stratège, il avait su manœuvrer pour piéger ce fou sur l’échiquier de sa propre existence, malgré l’impétuosité de Marquance, qui aurait pu tout faire basculer. Ainsi, Cash pensait avoir éradiqué le dernier des Oettinger. Il ignorait que Marc avait une descendance : un fils, le digne héritier de son père.

Youri.

FIN

(18) : Parce que je t'aime, mon Marco...

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