48 : Interview, mascarade et vengeance...

3 minutes de lecture

Une suite de l'hôtel George V

31, avenue George V

Paris 8ème (75)

Fin janvier 2011

Le deuxième jour

15:00

Eagle avait le sens de la mise en scène. A peine fut-il relâché par les forces de police qu’il convoqua la presse, aussi bien people que plus sérieuse, dans une suite du Four Seasons. L'interview avait lieu dans une très luxueuse salle de bains, où l'ostentation du décor ultra kitch, chargé d'enluminures dorées et de marbre clair, le disputait à la froideur impersonnelle des couleurs immaculées qui émaillaient la pièce.

Izmaar se tenait nu, assis dans une baignoire remplie de mousse blanche. Symboliquement, le Caïd de Sarcelles voulait publiquement se laver de toutes ces accusations qui l'avaient sali. Les journalistes l'assaillaient de questions et la star montante du hip-hop se prêtait de bonne grâce au jeu de l'interview.

— Monsieur Eagle, comment avez-vous vécu cette arrestation au lendemain de la sortie de votre dernier single ?

— Sur le moment, pas très bien. Je préfère de loin faire la une des Inrocks plutôt que de m'afficher à la rubrique « faits divers » de L'Est Républicain...

Sourire éclatant de bourreau des cœurs. On rit de son bon mot.

— Plus sérieusement, les enquêteurs avaient en leur possession des éléments qui pouvaient leur faire penser que j'étais l'auteur des actes qui m'étaient reprochés...

— Qu'est-ce qui a permis votre libération, ce matin ? L'intervention de votre avocat ?

— Non, les autorités ont très vite compris qu'une personne malintentionnée avait monté une véritable machination pour me nuire...

— Dans quel but ?

— Vous savez, le succès, l'argent, le monde du show-biz'... Là d'où je viens, tout ça fait rêver. On a voulu me faire tomber de mon piédestal.

— Izmaar, il se murmure que la redoutable commissaire Marquance n'aurait pas hésité à vous bousculer durant votre interrogatoire ; démentez-vous ?

— Elle a juste fait son boulot. Je n'ai aucune amertume envers elle. Elle est personnellement touchée dans cette affaire de meurtres. J'espère qu'elle parviendra à arrêter l'ordure qu'elle recherche pour lui faire payer ses crimes, c'est tout. Je ne suis pas un enfant de chœur ; dans ma prime jeunesse, j'ai dérapé. Mais j'ai payé ma dette à la société. Justice a été faite et je ne lui suis plus redevable de rien.

— Est-ce que cela aura une influence sur votre calendrier professionnel, vos rendez-vous avec le public ?

— Le tournage de mon dernier clip en a été perturbé, c'est sûr ! Mais c'est une question de semaines. Mes concerts auront bien lieu comme prévu, avec en point d'orgue une grande salle parisienne en première partie des Black Eyed Peas. Maintenant Messieurs-dames, si vous le voulez bien, je vais vous demander de vous retirer parce que je n'ai pas très envie que vous vous rinciez l'œil sur mon anatomie. Et puis, qui sait, peut-être qu'un paparazzi se cache parmi vous...

Le parterre de gratte-papiers journalistiques pouffa de rire avant de s'éclipser bruyamment.

***

Le Caïd de Sarcelles passa un peignoir-éponge et se dirigea vers le petit salon mêlant les ambiances art-déco au style 1930. Il était en train de mordre dans un sandwich apporté par le room-service lorsque son bras droit fit irruption dans la suite.

— Izmaar, je peux te parler ? C'est important...

— Qu'est-ce que tu viens me prendre la tête, Omar ? Je sors d'une conférence de presse pour purifier mon image !

— C'est juste que... On a merdé avec la fille...

— C'est-à-dire ? Vous l'avez amochée ?

— Non, pas précisément.

— Alors quoi ?

— C’est Samir et son frère : ils nous ont pistés. La pouf' allait s’enfuir avec eux, nous dénoncer. On a été obligé de réagir…

— Accouche au lieu de te la jouer suspense à la noix, bordel !

— On a récupéré la meuf et piégé la bagnole des frangins Assouyef. Le cadet est mort.

— Putain, vous êtes vraiment des branles ! Je ne peux compter sur personne dans cette équipe d’amateurs.

— Izmaar, on ne pouvait pas faire autrement…

Eagle chopa le gros black par le col et le secoua de rage.

— Et je les récupère comment, mes cinquante mille, tu peux me le dire ?

— Karim est toujours vivant…

— Écoute-moi bien, Omar, je me casse le cul à faire du gringue au Tout-Paris pour me blanchir parce qu’une pétasse de fliquette moins conne que la moyenne a failli me renvoyer derrière les barreaux, et vous, vous faites les marioles !

— On a fait gaffe, personne ne pourra remonter jusqu’à toi.

— Vous faites chier, merde ! A cause de votre manque de professionnalisme, je vais être obligé de faire en sorte que Madame la Commissaire me foute la paix. Et vous l’avez planquée où, la gamine ?

— A Joinville, dans la baraque du chantier Mercks.

— C’est là que vous enfermerez le fils Marquance.

— Tu vas kidnapper le gosse de la commissaire ? T’es ouf ou quoi ?

— Je sais ce que je fais !

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