45 : La vérité en face

4 minutes de lecture

Bureau de Police

DDPU 95

26, rue Général Leclerc

Saint-Ouen l'Aumône (95)

Fin janvier 2011

Le deuxième jour

11:17

La clope au bec, le grand rouquin débarqua nonchalamment dans les locaux de la Police. Le taulier, alors en pleine conversation avec Durieux et Le Floch, l'interpella.

— Où vous croyez-vous, Oettinger ? Au Club Med ? Éteignez-moi cette cigarette sur-le-champ ! Nous sommes dans un bâtiment public...

Marc souffla une longue volute de fumée avant de jeter au sol l'objet incriminé et de l'écraser sous sa chaussure de ville. Devant l'évidente arrogance du quadragénaire, le brigadier-chef eut toutes les peines du monde à retenir son fou-rire. Hors de lui, Revon poursuivit.

— Et c'est à cette heure-ci que vous prenez votre poste ? Je vous rappelle que notre Grande Maison est une administration au service du citoyen. Ce qui signifie qu'il vous faut être opérationnel à l'ouverture, et non pas simplement quand ça vous chante, Inspecteur…

Sourire désabusé du rouquin.

— C'est vous-même qui trouviez ma présence encombrante et dangereuse, Monsieur le Divisionnaire. Je ne fais qu'appliquer vos consignes, sans ce zèle excessif que vous me reprochiez.

— Cessez de faire de l'esprit, Oettinger, vous n'en avez aucun ! Suivez-moi plutôt dans mon bureau, nous avons une mise au point à faire tous les deux...

— Puis-je être accompagné de mon représentant syndical ?

— Durieux ? Il est déjà au courant de ce que je vais vous dire et ne vous sera d'aucune utilité...

— Désolé, vieux, assura ce dernier, à notre niveau, on ne peut plus rien pour toi.

— C'est quoi ce cirque ? s'emporta soudainement l'inspecteur sur la sellette.

— Suivez-moi, je vous prie...

***

L'antre de Revon, froide et impersonnelle. Même pas un cadre-photo familial pour égayer son bureau en mélaminé brun.

— Asseyez-vous, ordonna le locataire des lieux à son invité pendant qu'il occultait la verrière en actionnant la fermeture électrique des stores californiens.

Le taulier contourna l'encombrant mobilier pour prendre place dans son profond fauteuil et faire face à Marc.

— Je ne vous ai jamais apprécié, Oettinger. Ni vous ni vos méthodes de travail, ni rien. Vous n'êtes qu'un petit flicaillon sans envergure, et sans les multiples interventions de Marquance en votre faveur, il y aurait bien longtemps que vous seriez relégué au classement des archives. Une carrière plate, sans la moindre ambition ni le moindre éclat. A l’exception de votre fulgurante entrée dans la Police. Balancer votre supérieur hiérarchique entre les griffes des bœufs-carottes et l'anéantir totalement : un bel exemple d'esprit de corps, n'est-ce pas ?

Le grand rouquin restait impassible.

— Votre comportement a fait de Joseph Cash une machine de haine, prête à tout pour vous briser. Je n'excuse en rien ces actions, on ne peut plus répréhensibles et punissables, mais vous en avez été le détonateur. Et ce matin, vous auriez dû contrôler votre impulsivité et vos actes, ne pas répondre à sa provocation. Vous vous êtes mis dans la mouise, Oettinger, parce qu'il porte plainte contre vous. De fait, une enquête a été diligentée par l'IGS. Comme l'exige la procédure, je vous enjoins de me remettre votre carte d'OPJ et votre arme de service.

Marc ne put réprimer un soupir laconique.

— Je suis suspendu ?

— Effectivement, mais n'y voyez là rien de personnel. Comme je vous l'ai énoncé, ce n'est rien de plus que la stricte application de la procédure... Seulement, ne vous faites pas d'illusions : cela fait très longtemps que l'Inspection Générale rêve de vous coincer. Vous venez juste de lui fournir le prétexte qui lui manquait. Vous allez vite comprendre d'où vient le surnom qu'on a donné à ses agents. Ils vont vous pourrir autant qu'ils ont pourri Cash.

— S'ils me cuisinent à l'étouffée, je pourrai même être tenté de parler de vos combines et autres magouilles... Ça fait un moment que vous êtes vissé à votre poste de divisionnaire. Avouez que ça ferait tache dans votre course à la Préfecture de Police, toutes ces subornations de témoins, ces pots-de-vin...

— Ce sont des menaces ? Sachez que vous n'êtes pas en position de marchander quoi que ce soit et que je pourrais vous poursuivre en diffamation !

— Puisque tu te vantes de connaître ma façon de bosser mieux que quiconque, Revon, tu devrais savoir que je n'affirme jamais rien sans preuve.

— Je ne vous permets pas de me tutoyer, Inspecteur ! Rendez-moi votre insigne, qu'on close enfin cette discussion stérile...

Le grand rouquin s'exécuta.

— Votre pistolet, Oettinger !

— Je l'ai jeté dans la Viosne ce matin.

— Je ne plaisante pas !

— Moi non plus. Après l'épisode du cimetière, j'ai estimé qu'il valait mieux que je m'en débarrasse.

— Vous avez conscience que c'est une faute grave de la part d'un OPJ ? Je vais le consigner dans votre dossier, ça ne fera que ternir un peu plus votre brillante carrière...

— Ça y est ? T'as fini de jouer les censeurs ? Je peux m'arracher de ton bureau merdique ?

— Mais je n'avais aucunement l'intention de vous retenir davantage, Inspecteur...

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