40 : Interrogatoire (1)

4 minutes de lecture

Salle des interrogatoires

Bureau de Police

DDPU 95

26, rue Général Leclerc

Saint-Ouen l'Aumône (95)

Fin janvier 2011

Le deuxième jour

09:13

— Monsieur Eagle, on ne va pas tourner autour du pot pendant six mois ! Que faisiez-vous hier soir aux alentours de 21 heures 15 ?

— Qu’est-ce que ça peut vous faire, Madame la Commissaire ?

— Je vous conseille de vous montrer un peu plus coopératif, parce que j’ai largement de quoi vous coller au trou pour un bout de temps ! menaça Marquance.

— Et je serai dehors en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire…

— Ecoutez-moi bien, Monsieur le Prince du hip-hop, deux types ont été refroidis en pleine rue, et tout laisse à penser que vous êtes l'auteur de ce double assassinat.

— Vos accusations sont sans fondement, Madame la Commissaire.

— Mais de lourdes présomptions pèsent sur vous ! Votre véhicule a été aperçu par plusieurs témoins à proximité de la scène de crime au moment du meurtre.

— J’ai déclaré le vol de ma bagnole à 19 heures auprès de l’inspecteur Jansky, rattaché au commissariat de Sarcelles.

— Il n’y en a pas trace dans les fichiers de la Police…

— C’était de manière tout à fait informelle ; Jansky et moi, on a grandi dans la même cité.

— Sauf que la similitude de vos destinées s’arrête là. A ma connaissance, il n’a pas dérapé pour finir en cabane, lui !

— Madame la Commissaire, j’ai fait des conneries de jeunesse, je le reconnais. Seulement j’ai payé ma dette à la société ; je suis désormais un honnête citoyen qui paye davantage d’impôts que la plupart des Français moyens…

Marina posa violemment sur la table le sachet de Dream in blue accroché à l’aigle d’argent retrouvé sur le tableau de bord de la Béhème que conduisait Bouba le soir de son assassinat.

— Et ça, c’est quoi ?

— Aucune idée, Madame la Commissaire. A vous de me le dire…

— Ne joue pas au con avec moi, Eagle ! Tu sais très bien ce que c’est : du Dream in blue… C’est même toi qui distribues cette saloperie sur le Nord de l’Île de France !

— Vous me tutoyez, Madame la Commissaire ?

— Tu vas la boucler, oui ? Le deuxième type que t’as buté, c’était mon frère. Alors je ne te lâcherai pas.

— Vous n’avez rien contre moi, que du vent.

— Et cet aigle, c’est pas ta signature peut-être ?

— Vous savez, le show-biz’ et la réussite sociale d’un gamin de banlieue suscitent beaucoup de jalousie. Quelqu’un aura voulu me nuire…

— Qui ?

— C’est vous la fliquette, pas moi.

— Très bien ! Vide tes poches et défais ton ceinturon : je te colle en garde à vue !

— OK, OK, ne vous énervez pas ! abdiqua le Caïd. Je vais répondre à vos questions. Hier soir, j’ai répété avec mes gars dans mon studio d’enregistrement de La Plaine-Saint Denis, puis j’ai rejoint les Black Eyed Peas au George V. Ils souhaitent que je fasse la première partie de leur concert au Zénith en juin.

— A quelle heure as-tu quitté La Plaine-Saint Denis ?

— 20 plombes et des poussières, je ne sais pas exactement…

— Tes musicos pourront confirmer ?

— Bien sûr…

— Et à quelle heure es-tu arrivé au George V ?

— Vers 20 heures 25…

— Et après ?

— C’est indiscret…

— OK. Le Floch, bouclez-le ! aboya Marina.

— Attendez…

— J’ai été suffisamment patiente, Bensoussan.

— Ne m’appelez pas comme ça, merde !

— C’est sûr que ça fait beaucoup moins classe que ton pseudo pour te la raconter auprès de tes fans. Le Floch !

— Qu’est-ce que vous voulez savoir ?

— Tout. Absolument tout. La couleur du string de la minette que t’as culbutée hier soir, le nombre de capotes que vous avez utilisées…

— Vous êtes une grande malade !

— Non, j’ai une enquête à mener et tu es dans mon collimateur. Je vais me faire un plaisir de t’épingler à mon tableau de chasse. Cela dit, comme je vois que tu fais ton timide pour notre premier rencart et que j’ai encore des tonnes de questions à te poser, je te garantis qu’on aura très prochainement l’occasion d’avoir un nouveau tête-à-tête ensemble…

— Je serais vous, Madame la Commissaire, je ne ferais pas autant la maligne et j’escorterais mon fils à chacun de ses déplacements, fit le Prince du hip-hop en mimant de la main un égorgement au couteau. La mort n’est pas toujours aussi accidentelle que le fut celle de votre mari.

La jeune femme encaissa sans montrer son malaise et s’emporta, à la fois contre le brigadier et la star arrogante.

— Celui qui parviendra à m’intimider pour me faire reculer, Eagle, il n’est pas encore né ! Tes menaces de Caïd, tu peux te les fourrer où je pense, elles ne m’atteignent pas… Mais putain, Le Floch, qu’est-ce que vous fabriquez ? Emmenez-le, vous dis-je !

Une fois seule, Marina gémit comme une môme inconsolable. Il fallait qu’elle appelle Alex, qu’elle vérifie que tout allait bien pour lui. Dans l’immédiat, elle avait un besoin urgent de respirer. Elle avait cette étrange impression de manquer d’air. Malgré le froid, elle ouvrit la fenêtre en grand pour inspirer un bol d’oxygène salvateur. Elle sentait son cœur cogner dans sa cage thoracique. Elle porta sa main à sa poitrine, tenta d’appeler, mais aucun son ne sortait de sa gorge. Un vertige la gagna. Tout semblait tourner autour d’elle. Elle perdit pied et s’échoua sur le revêtement en PVC.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Aventador ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0