Un entrepôt désaffecté

au sein d’une friche industrielle,

Grande banlieue sarcelloise (95)

Fin janvier 2011

Le deuxième jour

09:07

— Avance ! ordonna le gros malabar black en bousculant l’adolescente.

— Hé, poussez pas ! s’offusqua l’asiatique bimbo. Il est où d’abord, le grand photographe ?

— Rentre là-dedans…

— Ça va pas, non ? Il fait trop sombre dans votre boîte à sardines… Bon, ça suffit les conneries, les gars ! Moi, je ne bosse pas avec des amateurs. Alors si ni Eagle ni de la Chapelle ne sont disponibles pour me recevoir, je rentre chez moi.

— Je crois que t’as pas bien pigé, minette, fit l’un des sbires du Caïd de Sarcelles en faisant glisser la lame d’un impressionnant couteau de chasse le long du cou de Melody Leprince. Tu n’iras nulle part ailleurs…

— Qu’est-ce que vous voulez ? sanglota la demoiselle paniquée.

— C’est simple, reprit Omar, tu fais ce qu’on te dit et tout ira bien ; sinon…

— Sinon ?

— Sinon je laisse Vladimir tailler en pièce les cordages de ton bustier et le reste de mes potes s’amuser un peu avec ton joli petit corps. Ils n’ont pas souvent l’occasion de baiser d’aussi belles nanas que toi…

Sous les yeux de biche apeurée de la toute jeune femme, les hommes de main de la star montante du hip-hop affichèrent un rictus carnassier qui en disait long sur leur désir immédiat.

— Allez ! Fais pas d’histoires et rentre là-dedans…

— Eh, Omar, tu crois pas qu’on pourrait en profiter un peu ? Après tout, personne ne le saura…

Le black se tourna vers son acolyte avec un regard qui ne souffrait pas la moindre contrariété.

— On fait comme c’était prévu, Vlad' ! Si Izmaar venait à apprendre que nous avons désobéi à ses injonctions, il nous dévisserait la tête. Et je ne tiens pas à porter le chapeau pour une partie de jambes en l’air fomentée par des queutards en manque, c’est clair ? Et toi, Melody, exécution !

— Me laissez pas toute seule ici, implora l’aspirante top-modèle, de grâce, je vous en prie…

La lourde porte en ferraille rouillée se referma sur le visage en larmes de l’asian girl. Le ciment brut, la lueur faiblarde que diffusait une modeste lucarne étaient ses seuls compagnons d’infortune. Elle se laissa couler à même le sol. Le bruit d’une chaîne, d’un cadenas peut-être, des voix masculines, et puis plus rien, le néant…