31 : Haine

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Les alentours d’un pavillon de chasse

Forêt de Rambouillet (78)

Fin janvier 2011

Le deuxième jour

7:43

A quelques encablures du pavillon de chasse, Marc stoppa son Alfa en lisière de forêt et continua à pied, revolver au poing. Le portail écaillé était cadenassé, les volets délabrés fermés. La demeure semblait vide. Il s’apprêta à franchir la clôture lorsque son téléphone portable sonna. Le rouquin prit l’appel.

— Oettinger, j’écoute.

— Monsieur Oettinger, c’est Philéas Rosen, le gardien du cimetière intercommunal de Puiseux-Pontoise. Il est arrivé quelque chose…

A force de se rendre régulièrement sur la tombe de Jenny, l’inspecteur avait fini par sympathiser avec cet homme discret et taciturne.

— Que se passe-t-il, Rosen ?

— La sépulture de votre fille a été profanée…

Marc coupa la communication, courut vers son auto et démarra en trombe.

Trois quarts d’heure plus tard, le flic parvint à destination. Il débarqua en furie dans le cimetière et s’effondra de douleur devant l’abominable spectacle. Les sens aux aguets, il savait que son ennemi était là, quelque part, à observer le résultat de son œuvre.

***

Une fois de plus, Marina faisait chou blanc. Ni Oettinger ni Cash ne se trouvaient à Rambouillet. Elle avait mobilisé les troupes pour rien et allait rentrer bredouille. Elle entendait d’ici les remontrances du divisionnaire. Il lui fallait pourtant se rendre sur la dépouille de Katia pour faire avancer l’enquête. De toute façon, son frère d'armes n’avait pas dû avoir davantage de chance qu’elle...

***

A genoux, le père de Jenny perçut une ombre furtive dans les fourrés. Sans réfléchir, il dégaina son colt et toucha l’individu à l’épaule. Il se précipita ensuite vers l’homme blessé et lui sauta à la gorge pour l’immobiliser au sol. Il braqua son flingue sur son front.

— C’est comme ça que t’as dessoudé Katia, hein ? C’est comme ça, connard ? aboya-t-il.

— Qu’est-ce que tu en sais ?

— T’as signé ton crime !

— Je ne vois pas de quoi tu parles… Mais il est certain que je ne vais pas chialer sur la mort de ta compagne, ça fait dix piges que j’attends ça.

— Ferme-la !

Le coup de crosse sur la tronche avait presque été un réflexe. Il fallait qu’il se la boucle, cette enflure. Cash était vieux, affaibli par la blessure infligée par le rouquin. Juché à califourchon sur son ennemi, le flic le dominait. Il devenait le maître du jeu.

— C’en est fini de l’impunité, tu vas payer ! reprit-il.

— Tu n’auras pas les couilles, Marco. T’es qu’un petit flicaillon à la botte de sa hiérarchie. Tout ça pour récolter quoi ? Rien. Une existence pourrie à se faire chier dans un trois pièces, un salaire minable d’inspecteur de banlieue…

— Tais-toi, putain !

— Laisse béton, t’as pas le mental, ni les prédispositions. Tuer de sang-froid un pauvre type sans défense, c’est pas inscrit dans tes gênes…

— Qu’est-ce qu’elles t’avaient fait, crevure ? Qu’est-ce qu’elles t’avaient fait, bordel ?

— Elles étaient la prunelle de tes yeux, le meilleur moyen de te détruire. Tu sais, en cabane, t’as tout le loisir de penser. C’est même la seule chose qui te reste à faire… Et là, tel que je te vois, je sais que j’ai gagné, que tu vas t’éteindre à petit feu…

Oettinger serra les dents, il ne fallait pas qu’il craque, pas maintenant. Il s’efforça de refouler ses sanglots, un doigt tremblant sur la gâchette.

— Tu vas crever… cracha un Oettinger rempli de haine.

Nooo !

Une élégante jeune femme au regard bleu incandescent et à l’épaisse chevelure d’un blond cendré avait hurlé. La voix lui était familière. Teintée d’un accent anglo-saxon, elle stoppa net son élan. Ses larmes affluaient.

— Marco, ne deviens pas comme lui.

— Il faut que ça s’arrête, Joyce, il le faut…

But you’re a cop, Marco, never forget it ! (7) Ça nous a coûté assez cher, so I beg you to see reason (8), n’alourdis pas la note.

— Je dois le faire, darling ! Pour Jenny, pour Katia.

Deux coups de feu résonnèrent. Mais aucun n’était directement destiné à Joseph Cash. Oettinger avait tiré en l’air en vomissant sa colère à la face de son ennemi, puis avait jeté son arme au loin. La police, prévenue par le gardien du cimetière, coffra le profanateur de sépulture. Et le rouquin s’effondra dans les bras de son ex.

(7) : Mais tu es un flic, Marco, ne l'oublie jamais !

(8) : Voyons, sois raisonnable

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